Vous êtes-vous surpris·e à vous accrocher à quelque chose, n'importe quoi, pour vous aider à passer la pandémie ? Vous n'êtes pas seul·e. La pandémie nous a tou·s·tes fait tomber dans une spirale métaphysique. Les ventes de cristaux ont grimpé en flèche et nous nous tournons désormais vers l'astrologie - tel est l'attrait d'une force directrice alors que nous essayons de ralentir la transformation d'êtres humains pleinement fonctionnels en robots écervelés de télétravail.
Nous cherchons de l'aide, n'importe quelle aide, pour nous aider à traverser cette épreuve. Alors, quand j'ai entendu parler de chaman·e qui aide pour la productivité, j'ai pensé : "Peut-être que c'est ça la solution".
PublicitéPUBLICITÉ
Nos cerveaux ont fait face à beaucoup de choses depuis mars dernier. Le stress psychologique de la pandémie a été immense. Beaucoup d'entre nous ont été en mode "combat ou fuite" pendant des mois, ce qui a eu des répercussions sur notre santé mentale et nous a épuisé·e·s. Une enquête menée aux États-Unis a révélé que 39 % des travailleurs se sont sentis moins productifs pendant le confinement et de nombreuses études, ont montré que l'anxiété et l'augmentation du stress affectent négativement votre mémoire de travail, rendant plus difficile l'accomplissement des tâches. Un point qui fait aussi écho en France : "En télétravail, le salarié travaille de manière plus intense, donc il se fatigue beaucoup plus. Il y a aussi la fatigue liée à la concentration sur les écrans d’ordinateurs" ce qui impact par la suite la productivité, a déclaré Amélie Dudezert, professeure en management à l’Université Paris-Sud, dans un article de 20 minutes. La Banque de France a elle aussi relevé de nombreux facteurs qui pourraient aussi affecter la productivité en télétravail comme l'environnement, le ralentissement des interactions entre collègues ou la nature des tâches à effectuer.
L'incapacité à se concentrer affecte beaucoup de gens, et notamment les écrivain·e·s professionnel·le·s. Croyez-moi quand je vous dis que j'ai cet article ouvert sur mon ordinateur portable depuis quatre jours, le curseur clignotant comme le cœur battant de ma procrastination. L'échéance se rapprochait de plus en plus et, malgré tout, il m'arrivait de cliquer sur l'onglet, de soupirer, puis d'aller regarder trois épisodes de The West Wing.
PublicitéPUBLICITÉ
Pour moi, la procrastination frappe différemment en télétravail. Ce n'est plus quelque chose que je fais pendant une heure, c'est devenu dévorant. Le travail est fait, bien sûr, mais il faut d'abord passer quelques heures (ou, dans mon cas, quelques jours) à ne pas le faire. Le burn out du télétravail est réel.
“
Toute cette situation a poussé tout le monde à réévaluer ce qu'il fait dans sa vie, à redéfinir ses priorités, à se rendre compte que la vie est vraiment courte.
MAKHOSI Nejeser
”
J'ai essayé beaucoup de choses pour me remonter le moral en ces temps de pandémie : soins de la peau, plats à emporter, lecture de mon horoscope, yoga, méditation et saut à la corde (plus difficile que vous ne vous en souvenez). J'ai même placé mes espoirs dans une machine à remuer les jambes pour me secouer littéralement et me remettre en action. Mes ami·e·s n'ont donc pas été très surpris·es quand je leur ai dit : "Désolée, je ne peux pas faire de Zoom cette semaine, je vois une chamane".
Il s'avère que je ne suis pas seule. L'année dernière a été bénéfique pour Makhosi Nejeser, une chamane spécialisée dans le développement personnel et "l'alignement énergétique". Elle est, selon sa biographie, "le maître de l'ascension spirituelle qui va vous faire bouger les fesses". Elle compte parmi ses client·e·s régulier·e·s des célébrités et des PDG à la recherche d'un sens et d'une direction, après avoir été au sommet de leur gloire. "Toute cette situation a poussé tout le monde à réévaluer ce qu'il fait dans sa vie, à redéfinir ses priorités, à se rendre compte que la vie est vraiment courte", m'a-t-elle dit avant le début de notre séance. "Ces pensées et sentiments sont montés en flèche l'année dernière".
PublicitéPUBLICITÉ
Makhosi est née en Amérique et est métisse. Elle a suivi une formation de trois ans pour devenir chamane. "J'ai fait des allers-retours entre les États-Unis et l'Afrique de l'Ouest pour m'initier à la spiritualité égyptienne ancienne via les Dogon Mystery Schools du grand prêtre Naba Lamoussa Morodenibig", explique-t-elle. "L'année suivante, mes ancêtres m'ont conduit, à travers des rêves et des synchronicités, à accomplir une série de sept autres initiations, tests et épreuves en Afrique du Sud, qui ont abouti à ce que je devienne une sangoma (chamane zoulou) pleinement initiée sous la direction de Makhosi Singh, la fille spirituelle de Gogo Phakathi".
Je dois admettre que je ne savais pas exactement ce qu'est un·e chaman·e, avant de commencer. Je pensais vaguement aux stéréotypes d'Hollywood, à la danse autour du feu et aux retraites d'ayahuasca. Je connaissais une personne qui avait déjà vu un chaman auparavant ; elle m'a dit qu'elle avait passé une heure à pleurer pendant qu'il murmurait des mots sur son corps, croyant qu'il s'agissait d'une expérience spirituelle transformatrice. Je m'inquiétais de l'appropriation culturelle et j'étais consciente que ce dans quoi je m'engageais était une doctrine religieuse pour de nombreuses personnes, bien que ce soit un type de spiritualité très éloigné de mon éducation catholique romaine. Lorsque j'ai envoyé un message à mon père pour lui demander le nom de jeune fille de ma grand-mère parce que "ma chamane a besoin de le savoir", je l'ai vu écrire, écrire, écrire, écrire avant qu'il n'abandonne et réponde simplement avec l'information.
PublicitéPUBLICITÉ
Je ne sais pas comment décrire l'effet que Makhosi produit sur les gens, sinon en disant qu'elle dégage une aura incroyable, et je le dis sans ironie. Les cheveux attachés, elle est élégante mais sage, souriante et très à l'écoute. Elle m'a donné l'impression que nous étions égales, que c'était quelqu'un avec qui je pouvais aller boire un verre - ce n'est pas l'impression que j'ai habituellement des leaders spirituels.
Par le biais de Zoom depuis les États-Unis, Makhosi allume de l'encens avant de commencer et me dit que cela peut aider si mes pieds peuvent toucher le sol, avant que nous nous plongions dans mon design humain. Elle a préparé des tableaux et des notes. C'est plus qu'accablant de réaliser qu'elle est sur le point de me dire qui je suis alors que nous venons de nous rencontrer, par chat vidéo, il y a 20 minutes. Je me sens soudain très mal à l'aise, consciente qu'elle peut potentiellement voir des choses sur moi que je ne peux pas voir. Je ne sais pas comment me comporter, sachant que chaque morsure de lèvre, chaque changement de position de mes jambes peut être interprété comme du scepticisme ou de la gêne.
“
L'intérêt de travailler avec un·e chaman·e, me dit Makhosi, est de trouver un moyen de s'aligner, d'atteindre un point où tout dans votre vie est au service de la raison pour laquelle vous êtes en vie.
”
Notre appel a la formalité que Zoom impose à toutes les interactions. Il ressemble aussi un peu à une thérapie, même si je ne suis pas censé parler beaucoup. Makhosi a passé du temps à disséquer les détails de la naissance que j'ai fournis avant la session et, me dit-elle, à accéder au monde spirituel pour en savoir plus sur moi et mon but. Plus elle parle, plus je reconnais de choses sur moi-même - pas des choses superficielles, mais des choses dont j'étais vaguement, semi-subconsciemment consciente et qui, maintenant qu'elle les souligne, semblent si évidentes.
PublicitéPUBLICITÉ
L'intérêt de travailler avec un·e chaman·e, me dit Makhosi, est de trouver un moyen de s'aligner, d'atteindre un point où tout dans votre vie est au service de la raison pour laquelle vous êtes en vie. Elle m'apprend à écouter mes tripes, ce que je ne fais jamais, ne réalisant ce que mes tripes me disent que lorsqu'il est trop tard et que j'ai fait l'inverse. C'est aussi simple que de remarquer mes propres réactions quand elle me pose deux questions simples : "Aimez-vous le thé à la menthe ?" Mes épaules se contractent, je me redresse un peu et je dis oui. "Aimez-vous le thé à la réglisse ?" Je me rétracte, parvenant à peine à cacher mon dégoût. Elle rit et dit : "Vous voyez, maintenant vous savez quoi regarder".
Au fur et à mesure de la séance, je me sens plus heureuse, plus enthousiaste. La gêne que j'ai ressentie au début de la séance se dissipe : "C'est tellement moi !" Elle vient de me dire que je suis quelqu'un qui a besoin de se prélasser pendant plusieurs heures avant de passer cinq heures à travailler d'arrache-pied, que je dois m'écouter et que je saurai quand le travail pourra être fait. À un moment donné, il se passe quelque chose d'étrange sur l'écran de Makhosi : une superposition lente et blanche apparaît alors qu'elle devient vaguement floue. Je me sens étourdie. J'essaie de retrouver un peu de bon sens et je me demande si c'est vraiment de la magie. Bien sûr, c'était probablement la fumée de l'encens et la faim parce que c'était l'heure du dîner, mais, au point culminant du moment, j'ai pensé que je vivais quelque chose hors du domaine de la normalité.
PublicitéPUBLICITÉ
Je pensais que Makhosi allait me faire changer d'avis et m'empêcher de remettre les choses à la dernière minute, de privilégier les siestes au détriment des tâches à accomplir. Au lieu de cela, elle m'a donné la permission de travailler quand j'en avais envie et de ne pas me frustrer en me forçant. Enfin !
En tant qu'enfants, nous sommes conditionné·e·s à penser qu'il y a de "bonnes" et de "mauvaises" façons de faire les choses. C'était donc rassurant et motivant d'entendre quelqu'un dire : "Ce n'est pas comme ça pour tout le monde, et tu fais partie de ces gens". De temps en temps, Makhosi parlait et elle s'arrêtait, faisait une pause et regardait l'air au-dessus d'elle. Parfois, elle essayait de formuler une idée complexe de manière à ce que je la comprenne, mais parfois, c'était comme si elle écoutait quelque chose que je ne pouvais pas entendre, ou regardait quelque chose que je ne pouvais pas voir. Cela ne ressemblait pas à du théâtre, même si la sceptique en moi ne pouvait s'empêcher d'être en alerte.
À la fin de notre séance d'une heure, j'étais étourdie. "J'ai l'impression que vous m'avez redonné de l'énergie simplement en me parlant ! J'ai bredouillé, en souriant à pleines dents. "Ah, c'est mon énergie", dit-elle d'un air entendu. "Vous m'avez demandé au début comment je faisais ce que je faisais ; mon propre alignement énergétique influence et attire les gens vers leur propre alignement énergétique. Cela se produit juste par notre connexion énergétique à toutes les deux, et vous bénéficiez essentiellement du fait d'être dans mon aura". Makhosi s'est entraînée pendant cinq ans pour atteindre ce niveau et décrit cette formation comme un travail incroyablement dur, physiquement, mentalement et spirituellement. Mais si vous pouvez faire en sorte que les gens planent presque simplement en leur parlant, alors quel don à affiner.
Je ne peux pas expliquer exactement ce que Makhosi a fait. Je ne sais pas exactement comment elle a découvert toutes les choses qu'elle a découvertes à mon sujet, si ce n'est qu'il s'agit d'une combinaison de design humain et d'une sorte de sixième sens, une intuition pour les choses qui dépassent le quotidien. Comme la plupart des choses que j'ai essayées, je ne me préoccupe pas de savoir si le processus semble trop fantastique pour y croire, car le résultat m'a permis de me sentir mieux et m'a donné une nouvelle perspective sur moi-même. Je n'ai pas besoin de me changer pour m'adapter à la façon dont le monde fonctionne ; je peux changer ma propre petite partie du monde pour qu'elle fonctionne comme je le fais. C'est le contraire de tout ce avec quoi j'ai été élevé.
Alors oui, au lieu d'écrire cet article en temps voulu, j'ai fait la sieste. J'ai regardé la télé pendant des heures. J'ai trainé sur TikTok pendant une heure, en essayant un filtre qui rendait mes cheveux bruns blonds, et je suis allée me coucher en sachant que je n'avais pas fini cet article, en croyant que je me lèverais tôt et trouverais les mots quand j'en aurais besoin. Et je les ai trouvés. S'il faut un·e chaman·e pour vous révéler quelque chose qui, une fois que vous le savez, est complètement évident pour vous, alors c'est très bien. J'ai l'impression qu'on m'a donné la possibilité de trouver une sorte de but pour moi-même, ce dont l'année passée m'a privée.
PublicitéPUBLICITÉ