J'avais 10 ans. C'était ma fête d'anniversaire et j'organisais une boum dans la salle des fêtes de l'école primaire. La chanson "Hero" d'Enrique Iglesias passait et la machine à fumée envahissait la pièce. Je voulais danser un slow avec Tom (parce que c'était MA fête). Mais Tom, dans sa chemise à flammes, n'avait d'yeux que pour la fille populaire, Kay. Il y a une vidéo de moi en train de m'imposer au milieu leur joli couple, dans ce qui ne peut être décrit que comme le plus maladroit des slows à trois de tous les temps. L'horreur.
Un an plus tard, je suis passée à l'âge un peu plus douloureux de 11 ans et je suis entrée au collège. J'aimais un nouveau garçon - appelons-le Tom 2 (la suite) - et tout le monde le savait. Un jour, une bande de boutonneux pubères (alias des élèves de 5ème) s'est approchée de moi à la récréation et m'a tendu un mot froissé. Veux-tu sortir avec moi ? De Tom. Je n'arrivais pas à y croire. À bout de souffle, j'ai couru vers Tom 2, qui se pavanait sur le terrain de basket. "Bien sûr que je veux sortir avec toi !" J'ai crié par-dessus le bruit des ballons qui tombaient, ce qui a été accueilli par un regard de dégoût amusé de Tom 2. Les boutonneux ont éclaté de rire en arrière-plan. Le mot n'était pas du tout de Tom 2, mais de ses petits camarades, dans une conspiration idiote qui ne m'a jamais quittée. Chaque fois que j'y repense, je deviens cette enfant en pleurs de 11 ans, blessée et humiliée.
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Mais j'ai toujours plus d'exemples, cher·e lect·eur·rice. Lorsque j'étais stagiaire dans un magazine de mode au début de la vingtaine (j'ai maintenant 29 ans), je me souviens de la couleur écarlate exacte que j'ai prise en prononçant mal la maison de luxe espagnole Loewe. Mes supérieurs - la police de la prononciation de luxe - ont répondu par des ricanements et des roulements d'yeux, et ma confiance a été renvoyée dans la salle des fêtes de l'école primaire.
Tous les bons sentiments que j'ai appris à entretenir en moi peuvent être anéantis par l'un de ces flashbacks intempestifs. "C'est comme si tu revivais ces situations", a dit une collègue de R29 lorsque j'ai suggéré de faire un article sur mes moments les plus embarrassants. "Ça pourrait être thérapeutique ?" espérait une autre.
Beverley Blackman, membre de Counselling Directory et psychothérapeute, se souvient avoir été humiliée devant toute sa classe à l'âge de huit ans pour ne pas avoir fait ses devoirs d'histoire. "Je n'avais commencé l'école que la semaine précédente et personne ne m'avait dit que j'avais des devoirs à faire ; je n'avais jamais eu de devoirs auparavant". Le professeur l'a traitée de "fainéante", d'"irréfléchie" et de "stupide", ce qui a laissé une empreinte durable. "Mais de quel événement est-ce que je me souviens : de l'humiliation de mon professeur et de mes camarades de classe qui se sont acharnés sur moi le reste de la semaine, ou du fait que j'ai fait le devoir d'histoire ce soir-là et que j'ai obtenu la meilleure note ?". Bien évidemment, elle se souvient de la honte plutôt que du succès. "Les sentiments étaient beaucoup plus intenses parce que l'opinion du professeur comptait (il était une figure d'autorité) et que j'étais nouvelle dans l'école et que je voulais que mes camarades de classe m'apprécient, et non qu'ils s'en prennent à moi".
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Aujourd'hui, après mûre réflexion, Blackman voit aussi la petite fille qui était nouvelle, confuse, timide et qui n'avait jamais eu de devoirs auparavant. Comment était-elle censée le savoir, si personne ne le lui avait dit ? "Je vois une bande d'enfants qui ont été inutilement méchants avec cette petite fille et cela me rappelle que les enfants peuvent être très primitifs dans leur comportement. Aujourd'hui, je n'ai plus de honte et je peux pardonner à ma jeune personne de ne pas avoir fait ses devoirs d'histoire ; c'est désormais un souvenir neutre".
Heureusement, nous ne sommes pas les seules à vouloir travailler de manière productive sur nos vieux moments embarrassants qui sont restés ancrés en nous. Il n'est pas rare que les client·e·s de Blackman rencontrent des problèmes similaires. Pour beaucoup, ce n'est pas le souvenir lui-même (qui peut être un acte aussi insignifiant que de prendre un peu plus de temps que d'habitude pour ranger de la monnaie dans son sac à main, comme le raconte Mirel Zaman à R29) mais la façon dont il vous fait sentir qui déclenche une détresse émotionnelle à répétition.
L'une des client·e·s de Blackman a raconté une erreur d'enfance qui la hante encore, 40 ans plus tard. La cliente avait apporté à sa "très impérieuse grand-tante" une tasse de café au lieu d'un thé. Elle ne se souvient même pas de ce que la grand-tante a dit à ce sujet, mais se rappelle l'immense sentiment de honte qu'elle a ressenti lorsqu'elle a été jugée sévèrement pour son erreur. "Nous pouvons rationaliser et voir que c'était une erreur commise par une enfant et qu'il n'y avait aucune intention malveillante. Mais très souvent, ce n'est pas notre propre réaction aux événements ou aux situations qui est mauvaise ; c'est le jugement des autres et le sentiment subséquent de ne pas être assez bon qui persiste".
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Blackman poursuit : "Cela affecte également notre estime de soi, dans la mesure où nous avons alors une vision négative de nous-mêmes, et dans certains cas, cela va rester et s'envenimer car cela est encore alimenté par d'autres erreurs".
Pour moi, cet effet boule de neige de cette gêne résonne. Lorsque je vis de nouveaux moments mortifiants (ce qui semble arriver souvent), les anciens se réveillent dans les profondeurs de ma mémoire. Je frissonne, j'ai chaud et mes joues rougissent tandis que je tombe dans une spirale de toutes les mauvaises choses que j'ai faites. Chaque nouvelle disgrâce publique est mémorisée dans un catalogue d'ignominie.
"Il se peut que vous regardiez la personne que vous étiez à l'époque - inexpérimentée dans la vie, apprenant encore qui vous êtes et ce qui vous fait vibrer, apprenant à connaître le monde - et du point de vue de l'adulte, malgré l'inexpérience de votre jeune personne, vous vous sentez encore mal à l'aise", explique Blackman. À un niveau profond, la honte peut nous faire croire tout le mal que l'on pense de nous et, ce faisant, ne rien croire de bon non plus. "C'est une expérience horrible mais c'est quelque chose que vous pouvez changer - vous n'êtes pas condamné comme ça".
Alors comment dépasser les moments d'humiliation qui nous hantent ? Beverley Blackman a donné aux lect·eur·rice·s de R29 (moi y compris) les conseils suivants.
1. Plus facile à dire qu'à faire, mais acceptez-le
"Apprendre à s'aimer et à accepter qui on est malgré les erreurs du passé en fait partie. Cela est lié à l'amélioration de l'estime de soi et au fait de commencer à prendre en compte et à croire les bonnes choses que les gens vous disent à votre sujet, plutôt que de se concentrer sur les mauvaises. Il est bon de se rappeler que vous êtes humain, et que les humains font des erreurs ou se trompent. C'est la nature ; personne n'est, ni ne peut être, parfait".
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2. Compatissez avec votre jeune personne
"Si vous vous remémorez un événement particulier, essayez de considérer votre enfance ou votre adolescence avec sympathie. Votre jeune personne faisait de son mieux et voici une occasion où cela n'a pas fonctionné. Y a-t-il eu d'autres moments où d'autres choses que vous faisiez qui ont en fait fonctionné ? Essayez de les intégrer à l'équation. Il y a de fortes chances que vous ne soyez pas une personne entièrement mauvaise juste parce que vous avez fait une erreur".
3. Réévaluez le pouvoir que vous placez derrière les jugements des autres
"Il est bon de se rappeler que c'est à vous de choisir le poids que vous accordez au jugement qu'une personne porte sur vous. Qu'est-ce qui lui donne le droit de vous juger ? Pourquoi feriez-vous confiance à son jugement ? Quand vous regardez en arrière, que pensez-vous de la façon dont vous avez été jugé à l'époque ?".
4. Parlez-en
"Choisissez un ami en qui vous avez confiance - ou peut-être un ami qui était présent lors de l'incident auquel vous pensez - et demandez-lui s'il s'en souvient. Il se peut qu'il ne s'en souvienne pas, et cela vous indiquera que l'incident n'est peut-être pas aussi remarquable que vous le pensez. Il se peut qu'il s'en souvienne, et il vous répondra probablement avec sympathie et vous donnera son avis sur la question. L'an de mes client·e·s est tombé de la scène lors d'un spectacle à l'école primaire ; iel en a discuté avec une vieille amie qui était également présente à l'époque. Lo client·e se souvenait que les gens riaient. L'amie, quant à elle, se souvenait que la brute de la classe riait, mais que d'autres se sont précipités pour l'aider - et ont compati avec man client·e.
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L'esprit peut être très sélectif quant à ce dont il se souvient et si votre récit sur vous-même est négatif, alors les souvenirs seront façonnés pour correspondre à ce récit. Le fait d'être contesté par quelqu'un en qui vous avez confiance peut être très bénéfique car cela vous permet de changer votre vision d'un événement et, par conséquent, de changer votre point de vue sur vous-même".
5. Mettez de côté les sentiments de honte
"Une autre façon d'y faire face consiste simplement à choisir d'oublier l'événement et les sentiments. C'est l'acceptation d'une erreur et de ses répercussions, et cela se produit généralement une fois que l'on a revu ses proportions, après l'avoir exploré et traité en discutant avec des amis ou en apprenant à y penser différemment soi-même. Un rappel que cela nous arrive à tous, même aux psychothérapeutes !".
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