Ce que j'aurais aimé qu'on me dise à 26 ans
L'ancienne rédactrice en chef de Vogue Paris revient sur la fin de sa vingtaine et les conseils qu'elle aurait aimé recevoir à l'époque.
Ancienne rédactrice en chef pour Vogue Paris, critique et essayiste, Joan Juliet Buck est l'auteure acclamée du livre The Price of Illusion. Au cours de ces dernières années, son travail est paru dans plusieurs magazines - Vanity Fair, Vogue, Traveler, The New Yorker et plus récemment au Harper’s Bazaar, The London Sunday Times Style et T Magazine.
J’ai toujours tenu un journal intime, ça m'aide à me souvenir de comment je me sentais à n'importe quelle époque de ma vie.
Première chose : commence par avaler quelque chose. Moi aussi j'aimais bien ce sentiment de contrôle que j'avais quand je me retenais de manger. Mais tu comprendras que ne vivre que d’ananas et cappuccinos au lait de soja c’est… pas une vie. D’ailleurs, ta peau se porterait mieux si tu mangeais mieux. En parlant de ça, tu sais ces gélules de tétracyclines contre l'acné ? POUBELLE. Non seulement elles te donneront les dents jaunes à l’âge de 40 ans, mais elle foutent aussi en l’air ta flore microbienne là tout de suite.
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Pareil, tu peux aussi jeter le mascara bleu. Et les talons de 12 qui te donnent constamment l’impression que tu n'arriveras jamais à destination. Alors je sais. Ça allonge la jambe. J’en suis passée par là. Et j’aurais aimé qu’on me dise ça à l’époque. Ça m’aurait éviter quelques galères et bien des problèmes de dos.
Autre sujet : Joan 6 aux autres pour tout ce que tu fais. Non seulement ils s’en foutront de ce que tu décideras de faire au final, mais tu risques de regretter de les avoir écoutés. Personne ne te remerciera d’avoir suivi ses conseils. A toi de prendre tes propres décisions. Tu verras, tu vas y arriver.
Arrête de sortir avec des humoristes parce que tu aurais aimé en être une. Même chose avec les musiciens. Largue le mec et pique-lui le micro. Arrête aussi de croire que tu seras punie pour avoir atteints tes objectifs. C’est faux. Tu seras punie de ne pas avoir su défendre tes intérêts.
Puisqu’on parle affaires : arrête de te faire du soucis. Tous ces scénarios catastrophe qui te réveillent au milieu de la nuit : t'en fais pas, ils ne sont pas prêts d’arriver. Tu auras quelques emmerdes, certes. Mais ce n’est pas parce que tu fais souvent des cauchemars apocalyptiques que la fin du monde est proche.
J’aimerais vraiment que tu sois moins anxieuse. Que tu aies plus confiance en toi. Et plus les pieds sur terre. Comment est-ce qu’on peut être autant excitée par l’aventure et rongée par la peur ? Ton travail et tes relations amoureuses finissent toujours par t'entraîner dans un tourbillon de hauts et de bas. Le yoga ne te dit rien ? Trouve ce qui te fait du bien, quelque chose qui n’ait rien à voir ni avec le travail, ni l’amour, les relations sociales ou le shopping. Tu pensais justement à arrêter la danse classique, mais tu sais quoi ? Tu en auras de nouveau envie à 36 ans. Alors pourquoi ne pas plutôt essayer de te concentrer sur tes exercices à la barre, le piano qui joue live ou les entrechats qui, tu verras, devraient te rappeler l’enfance ? Oublie la compétition et prends plaisir à faire les choses.
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Arrête de te mettre en travers de ton propre chemin. Tu penses trop, tu passes ton temps à essayer de prédire ce qui pourrait arriver de mal. Concentre ton énergie sur ce que tu désires, pas sur ce que tu crains. Tu verras, c’est plus facile de marcher quand on ne se tire pas une balle dans le pied. A chaque fois qu’une histoire se termine, tu te persuades que tu ne tomberas plus jamais amoureuse, ou que tu ne rencontreras plus jamais l’amour. C’était déjà pas vrai à 16 ans, et ça ne le sera pas non plus dans 40 ans. Même chose : quand tu tombes amoureuse, arrête de chercher des raisons pour que ça ne puisse pas marcher entre vous. Souris un peu. Arrête de tout voir comme un drame.
Et maintenant, un sujet délicat : tu as de hauts standards. Et ça te rend arrogante. Ton type d’homme est assez curieux, pour ne pas dire catastrophique. Tu crois à ce que raconte Anaïs Nin dans son journal intime, quand elle parle de sa vie fabuleuse dans la campagne parisienne. Tu rêves d’être aussi indépendante qu’elle, mais tu verras. D’ici quelques années tu finiras par te demander comme elle faisait pour payer son loyer. Ce que tu ne sais pas encore, c’est que c’est son mec qui payait son loyer. Son banquier de mari.
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Si tu étais vraiment une hippie, tu prendrais plus de drogues, coucherais avec plus de gens et vivrais dans un camping-car quelque part au Maroc.
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Je pense aussi que tu ferais bien reconsidérer les mots « sécurité » et « stabilité ». D’arrêter de dédaigner les gens ambitieux et qui gagnent bien leur vie. J’ai entendu dire que certains d’entre eux pouvaient être gentils, drôles, fiables, intelligents, chaleureux et même sexy. Et d’ailleurs, il se trouve qu’avoir un mec qui t’aime et qui peut te soutenir financièrement, c’est plutôt pas mal quand on a envie d’écrire. Et par pitié, commence à mettre de l’argent de côté. Je sais que je sonne un peu comme ta grand-mère, mais soyons honnête. Si tu étais vraiment une hippie, tu prendrais plus de drogues, coucherais avec plus de gens et vivrais dans un camping-car quelque part au Maroc.
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Au lieu de ça, tu es correspondante pour un magazine féminin en Italie, où tu écris sur l’art, le cinéma et la mode. C’est un job excitant, pleins de surprises et de date butoirs difficiles à tenir, et il n’y a personne pour te couvrir en cas de coups durs. Tu viens de te séparer de ce type violent avec qui tu vivais à Rome et tu vis maintenant dans un meublé quelque part à Milan, déterminée à te concentrer sur le boulot. Oh et tu viens de tomber amoureuse. Alors que tu n’as qu’un lit une place. Vingt-six années d’aventures et d’opportunités excitantes. Mais aussi le début de la sagesse. C’est le moment où tu commences à trouver un équilibre entre ton besoin d’intensité et ton goût pour les choses triviales.
Et d’ici un an, à 27 ans donc, tu finiras par être capable d’exprimer tes doutes, tes angoisses et ton arrogance. Tes articles paraîtront dans Vogue et tu seras même contactée par un éditeur, qui te demandera si tu travailles sur un livre en ce moment. Ce à quoi tu n’oseras pas répondre tout de suite, parce que ça te fait flipper. Au lieu de ça, tu préféras attendre quelques années, le temps de te marier. Imagine que tu lui aies répondu tout de suite. Est-ce que tu n’auras pas écrit plus de livres ?
Un dernier conseil pour la route, que m’a donné l’amour de ma vie après qu’on se soit séparés. Il m’a dit « Tu passais ton temps à écrire le script. Tu ne m’as laissé ni le temps ni l’espace d’y mettre du mien. Comme si tu étais la seule dans cette relation. J’aurais aimé que tu me fasses une place. » Donc écoute. Fais de la place à l’autre. N’essaie pas de prédire chaque étape de votre histoire quand vous venez à peine de vous rencontrer. Ouvre les fenêtres, ouvre ta porte. Je t’assure, c’est moins risqué que ce que tu crois.
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