Émilie* voudrait obtenir un prêt immobilier et acheter une maison avec son mari, mais sa cote de solvabilité a été affectée par plus d’une décennie de troubles du comportement alimentaire (TCA), qui l’ont endettée à hauteur d'environ 17 500 €. « J’ai réussi à épargner suffisamment pour repayer ma dette, mais ma cote de solvabilité reste à ce jour affectée », confie la jeune vétérinaire de 27 ans, qui bien que complètement rétablie, continue de faire face aux conséquences financières de sa maladie. À l’âge de 14 ans, Émilie a été diagnostiquée anorexique. Elle a également souffert durant de nombreuses années de boulimie ainsi que d’hyperphagie. Bien que moins souvent évoqués, ces troubles sont les plus fréquents. Tous deux impliquent des épisodes réguliers d’hyperphagie incontrôlables. L'hyperphagie est à bien distinguer des fringales, qui n'ont pas le caractère incontrôlable des troubles que l'on retrouve dans la boulimie.
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« La boulimie et l’hyperphagie sont à l'origine de dépenses pouvant aller jusqu’à 115 € par jour », explique Émilie. « J'avais des cartes de crédit et des crédits à la consommation sous la main, et je me suis lourdement endettée. » Les absences liées à la maladie l’ont fait perdre son emploi à plusieurs reprises, la laissant dans l’incapacité d’acquitter les payements mensuels et créant ainsi des frais supplémentaires.
Déterminée à aller mieux, elle a également investi de gros montants dans des frais de santé. « J’ai séjourné à différentes cliniques privées, car ce qui est proposé par le système de santé publique n’est pas suffisant. On vous accorde parfois 6 mois de thérapie ou un nombre de sessions défini, puis on vous lâche complètement, » ajoute-t-elle. C’est un cercle vicieux poussant les personnes en difficulté à emprunter de l’argent afin de bénéficier d’un traitement privé, pour aller mieux d'une part, mais d'autre part dans l’espoir de réduire leurs dépenses. « Quand je pense aux raisons de mon endettement : je n’ai pas fait d’achats extravagants, je n’ai pas fait de grands voyages, tout ce que j’ai acheté, c’est de la nourriture. C’est déprimant, » avoue Émilie.
Déterminée à aller mieux, elle a également investi de gros montants dans des frais de santé. « J’ai séjourné à différentes cliniques privées, car ce qui est proposé par le système de santé publique n’est pas suffisant. On vous accorde parfois 6 mois de thérapie ou un nombre de sessions défini, puis on vous lâche complètement, » ajoute-t-elle. C’est un cercle vicieux poussant les personnes en difficulté à emprunter de l’argent afin de bénéficier d’un traitement privé, pour aller mieux d'une part, mais d'autre part dans l’espoir de réduire leurs dépenses. « Quand je pense aux raisons de mon endettement : je n’ai pas fait d’achats extravagants, je n’ai pas fait de grands voyages, tout ce que j’ai acheté, c’est de la nourriture. C’est déprimant, » avoue Émilie.
Son cas n’est malheureusement pas isolé. « Je trouve que le problème de l’hyperphagie n’est pas correctement adressé par le système de santé (NHS). Les personnes atteintes veulent être traitées, mais n’en ont pas forcément les moyens », explique Julia Coakes, consultante en psychologie clinique. Ces personnes peuvent alors se retrouver coincées dans ce cercle, privées de leurs ressources, sans recevoir la moindre assistance. Il ne s’agit pas uniquement des épisodes d’hyperphagie incontrôlables, comme elle l’explique. « Dans le cas de la boulimie, on peut avoir besoin d'un plombier pour déboucher des toilettes [bouchées par une purge] et cela a un coût. « Beaucoup d’entre elles sont membres d’au moins un club de gym, dans un effort de gérer leurs émotions par le sport. Certaines achètent des laxatifs ou de dangereuses pilules amincissantes en ligne, et internet n’aide en rien. « On peut choisir les comptes Instagram ou Facebook que l'on veut suivre, mais il est impossible de contrôler la publicité, souvent en lien avec nos achats », indique Coakes. Si l'on est déjà fragile, cette publication sponsorisée faisant l’éloge d’un thé detox peut être très tentante.
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La prévalence des troubles du comportement alimentaire est de 8,4 % pour les femmes et 2,2 % pour les hommes. Selon le Centre national des troubles alimentaires, une personne sur deux consultant pour une perte de poids est atteinte d’hyperphagie. Le nombre d’admissions à l’hôpital pour des cas d’anorexie et de boulimie est au plus haut. Cela s’explique en partie par un accès tardif au soin entrainant une hospitalisation.
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Quand je pense aux raisons de mon endettement : je n’ai pas fait d’achats extravagants, je n’ai pas fait de grands voyages, tout ce que j’ai acheté, c’est de la nourriture. C’est déprimant...
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Beaucoup se tournent vers le secteur privé, mais comme l’explique Coakes, qui en fait partie : un psychologue coûte en général 115 € pour une session hebdomadaire à laquelle s’ajoute souvent les frais du diététicien, qui s'élèvent environ à 105 €. Au début de la thérapie, quand on a l’impression de faire de gros efforts sans voir de résultat, les dépenses liées à l’hyperphagie peuvent encore avoisiner les 350-465 € auxquels s’ajoutent 70-81 € de frais de sport par mois. Il existe d’autres options de traitement moins couteuses, comme la thérapie de groupe ou le développement personnel, mais celles-ci restent tout de même trop chères pour bien des bourses. Une bonne partie des frais liés aux troubles de l’alimentation reste à la charge des familles. On peut estimer la perte à environ 32 000 €, comme le rapporte l’organisme Beat. Mais même avec l’aide d’un réseau de soutien, le stigma, la honte et la culpabilité empêchent d’aborder ouvertement ses problèmes financiers avec son partenaire, ses proches, ses amis, et même parfois en thérapie, rendant la souffrance encore plus importante.
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« Je n’en parlais à personne. Pourtant, je me souviens que ma mère m’ait dit, “voilà 20 € mais ne vas pas les dépenser pour de la nourriture”, c’est là que j’ai réalisé que tout le monde savait ce que je faisais de mon argent, » raconte Ellie, 31 ans, qui bataille avec l’anorexie et la boulimie depuis l’âge de 17 ans. « [À cause de mon état de santé mentale], je n’ai jamais réussi à garder un job plus de six mois, » admet-elle. Elle est actuellement en poste pour la première, fois depuis trois ans.
Ellie estime que le grand public est trop peu sensibilisé aux troubles du comportement alimentaire, sans parler du stress financier qu’ils peuvent générer Pour la plupart, ils ne savent même pas ce qu’est l’anorexie : « On pense que ça n’engendre pas de frais, on se dit, “tu ne manges rien ça doit faire des économies” ». Mais c'est loin d'être le cas. Lorsqu’elle était plus jeune, ses parents ont dû assumer l’énorme coût d’un suivi psychologique privé et d’une clinique stationnaire privée avant que la NHS ne la prenne en charge. Même après cela, l’argent a continué à poser problème. « Lorsque que j’étais en période de restrictions, je ne voulais manger qu’un certain type d’aliments qui coûtaient cher », explique-t-elle. Ensuite, il y a eu les problèmes d’hyperphagie compulsive et de médicaments « J’ai eu de gros problèmes avec des laxatifs, pour lesquels je suis allée jusqu’à dépenser 90 € par semaine ».
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Actuellement en période de rémission, Ellie doit avoir une alimentation nourrissante à base d’aliments souvent coûteux ; elle ne peut pas acheter en lot pour faire des économies, car avoir les aliments dans ses placards pourrait déclencher un épisode compulsif. Il y a beaucoup de honte autour de la maladie. « Il est difficile d’admettre la raison de son endettement de peur d’être considéré comme une personne superficielle, on a ingurgité des quantités astronomiques de nourriture, » raconte-t-elle.
Parfois, la pression est tellement forte qu’elle peut entraîner des pensées suicidaires. « On se dit, “Je serai peut-être mieux morte, je n’ai même pas les moyens d’assumer ma maladie” », admet Ellie. Voilà pourquoi il est primordial de prendre les conséquences financières de cette maladie au sérieux. Il est nécessaire de les reconnaître, d’en parler et de mettre en place un meilleur système de soutien. Beaucoup cherchent désespérément à aller mieux, mais se retrouvent coincé·e·s dans une spirale les tirant vers le fond. Si vous souffrez de troubles du comportement alimentaire, sachez qu’il est possible d’obtenir une assistance médicale tout comme une assistance financière. Parlez-en à votre médecin traitant. Si vous avez peur d’y aller seule, demandez à une personne de confiance de vous accompagner.
Si vous souffrez de troubles du comportement alimentaire, sachez qu’il est possible d’obtenir une assistance médicale tout comme une assistance financière. Parlez-en à votre médecin traitant. Si vous avez peur d’y aller seule, demandez à une personne de confiance de vous accompagner.
Si vous souffrez de TCA, vous pouvez joindre l'association Enfine dédiée à l'écoute et l'entraide autour des troubles du comportement alimentaire. Ce numéro (01.40.72.64.44) est mis à votre disposition (prix d'un appel local). La permanence est tenue par les associations le mardi et le jeudi soir de 20 h à 22h. Les appels sont anonymes.
*Le nom a été modifié afin de protéger l’identité de la personne