Le 30 mai est la journée mondiale de la sclérose en plaques (SEP), visant à sensibiliser le public à cette maladie qui affecte le cerveau et les nerfs et dure toute la vie. La SEP est souvent mal comprise, ce qui rend difficile d'en parler. Plus de deux millions de personnes de par le monde sont atteintes par la sclérose en plaques, mais une enquête récente de la MS Society montre qu'un tiers des personnes atteintes par cette maladie la passe sous silence. Peur de la pitié, de la discrimination, impact négatif de la maladie sur la carrière ou les rapports humains : autant de raison qui poussent les personnes atteintes à cacher leur diagnostique. Plus la SEP sera comprise, plus les personnes qui en sont atteintes seront en mesure d'exprimer leurs expériences sans crainte. L'article suivant, publié à l'origine en 2018, montre à quel point il peut être difficile pour les femmes (qui sont trois fois plus susceptibles d'être atteintes par la SEP que les hommes) d'être correctement diagnostiquées.
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Sophie Allen avait 29 ans et venait d'avoir son premier enfant lorsqu'elle a ressenti ce qu'elle sait maintenant être le premier symptôme de la sclérose en plaques.
"Tout se passait à merveille", raconte Sophie, aujourd'hui âgée de 38 ans. "J'ai eu un accouchement naturel, tout était génial. Puis, lorsque Felicity a eu six semaines, j'ai soudainement commencé à avoir une vision très "blanche". J'avais l'impression d'être restée un peu longtemps au soleil, puis je suis rentrée et mes yeux s'y sont adaptés".
Au début, Sophie n'y a pas prêté attention, mais au bout d'un jour ou deux, les troubles visuels étaient présents en permanence. Elle est allée voir un généraliste, qui l'a envoyée à l'hôpital. Mais même après plusieurs jours à l'hôpital et de nombreux tests, deux ans après sa sortie, les médecins n'avaient toujours pas trouvé ce qui n'allait pas.
Sophie a longtemps hésité à avoir un autre enfant, par crainte que les troubles visuels ne soient liés à sa grossesse. Au bout de trois ans, elle décide de se lancer quand même. Sa grossesse se passe bien, mais un an plus tard, sa santé se dégrade à nouveau.
"J'avais de drôles de sensations dans les jambes, comme des broches et des aiguilles", se souvient-elle. "Cela commençait dans une de mes jambes, avec une sensation de tension, et puis j’ai commencé à boiter un peu." Elle se sentait souvent fatiguée et avait du mal à faire des choses banales comme la course des parents lors de la journée sportive de sa fille aînée. Elle attribue la fatigue à l'allaitement des jumeaux et la faible mobilité à la faiblesse de son corps après une césarienne.
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Sophie admet aujourd'hui qu'elle a longtemps résisté à l'idée de consulter un médecin, en partie parce qu'elle avait détesté subir de nombreux examens après la naissance de sa fille aînée, mais aussi parce qu'elle avait peur. La première fois qu'elle s'est rendue à l'hôpital, la SEP avait bien été mentionnée, mais pas diagnostiquée. Elle a suivi une formation clinique pendant ses études et, ayant connaissance des maladies neurologiques comme la SEP, ce diagnostic était devenu son pire cauchemar.
Heureusement, sa mère a insisté pour qu'elle revoie le généraliste. Cette fois, après une consultation, d'autres tests et une IRM, le diagnostic de SEP est tombé.
"J'étais un peu sonnée au début", dit-elle. "En toute honnêteté, je m'y attendais un peu. J'avais peur. Je suppose que c'est pour cela que je ne m'y suis pas pris avant - j'ai fait l'autruche".
Le diagnostic lui a donné le sentiment d'être étrangère à elle-même. "Je me disais : "Je ne suis pas la personne que je pensais être". C'était déconcertant. Je fais partie de ces personnes qui sont toujours très à l'écoute de leur corps. Et soudain, c'était comme s'il me laissait tomber".
L'intérêt pour la SEP a été ravivé récemment après que l'actrice Selma Blair, 46 ans, a révélé son diagnostic sur Instagram. Comme Sophie, elle a vécu pendant des années avec ce qu'elle considère aujourd'hui comme des symptômes de la SEP. À l'heure actuelle, il n'existe aucun traitement curatif, mais certains traitements peuvent ralentir la progression de la SEP et gérer les symptômes pendant les poussées. Dans les cas les plus graves, la SEP entraîne de sérieux handicaps et une réduction de la durée de vie. La plupart des personnes, dont Sophie, sont diagnostiquées avec une SEP de forme "cyclique", qui devient progressive avec le temps. Malheureusement, la SEP est difficile à diagnostiquer, c'est pourquoi il est essentiel que les médecins généralistes pensent à orienter les patient·es vers un neurologue. Les symptômes peuvent varier d'une personne à l'autre, mais dans tous les cas, ils sont causés par le système immunitaire qui attaque le revêtement qui protège les nerfs (myéline). En France, plus de 110 000 personnes sont atteintes de sclérose en plaques, et parmi les personnes atteintes, trois sur quatre sont des femmes.
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La SEP est une maladie majoritairement diagnostiquée chez les femmes, généralement entre 20 et 30 ans. Le Dr Susan Kohlhaas, directrice de la recherche à la MS Society UK, est consciente de l'anxiété ressentie au moment du diagnostic : "Ces années sont celles où l'on pense généralement à ses options de carrière, à sa famille, à ses relations, à l'achat d'une maison, un pronostic incertain peut être vraiment déstabilisant".
Il existe cependant un certain nombre de mythes sur la maladie qui pourraient contribuer inutilement à cette anxiété. Tout d'abord, elle affirme que les femmes atteintes de SEP ne doivent pas exclure la possibilité de fonder une famille. Si une personne compte des cas de SEP dans sa famille, elle est deux ou trois fois plus susceptible d'en être atteinte. En d'autres termes, l'enfant d'une personne atteinte de la SEP a beaucoup plus de chances de ne pas être atteint de la maladie que de l'être - mais ce n'est pas une certitude. Deuxièmement, la grossesse n'aggrave pas la SEP chez la femme. Comme l'a constaté Sophie, les risques de poussée diminuent pendant la grossesse, puis augmentent pendant un court laps de temps. Il existe quelques symptômes courants auxquels les patients atteints de SEP peuvent être confrontés pendant les poussées : difficultés à voir, à marcher et à parler, "brouillard cérébral", douleur, raideur, tremblements, problèmes de vessie et d'intestin, et difficultés à avaler. Rien ne prouve que les rechutes après une grossesse ont un impact à long terme.
La recherche sur la sclérose en plaques fait état d'un certain nombre de nouvelles découvertes scientifiques qui pourraient contribuer à stopper la progression de la maladie.
Pour Sophie, les 12 premiers mois après son diagnostic ont été les plus difficiles. Elle a dû attendre un peu avant de commencer son traitement, et l'anxiété était grande, car elle craignait l'apparition de nouveaux symptômes. Elle a rechuté tout de suite après le diagnostic, comme cela lui avait été suggéré par son consultant, mais avec un soutien, elle a réussi à poursuivre une vie normale - par exemple, en marchant bras dessus bras dessous avec son père les jours où elle ne pouvait pas accompagner les enfants à l'école toute seule. Trois ans plus tard, elle est toujours en forme et active, et fait souvent du vélo le week-end avec son mari. (même s'il est vrai que c'est toujours lui qui est responsable de charger le porte-vélos).
Face au stress et aux bouleversements considérables, Sophie est étonnamment optimiste. "Cela a changé ma vie", conclut-elle. "Il faut savoir s'adapter, mais cela a changé ma vie pour le mieux, car j'ai toujours été du genre à voir le verre à moitié vide. Je vois la vie très différemment maintenant".
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