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Cheveux afro & discrimination au travail : 3 femmes racontent

Depuis quelques mois déjà, la discrimination raciale contre les cheveux afro a été rendue illégale en Californie et dans l'état de New York. Ce changement a été considéré comme une étape importante pour la communauté noire de l'autre côté de l'Atlantique, ce qui nous amène à nous demander : à quand une telle réforme en France, non seulement pour la communauté noire mais aussi maghrébine ?
La discrimination sur le lieu de travail - fondée sur le sexe, la race ou la religion - est illégale en France. Mais lorsqu'il s'agit de discrimination raciale liée aux cheveux, les lignes sont floues, bien que ce soit un sujet de préoccupation constant pour les femmes noires. Une étude réalisée par le Perception Institute en 2017 a révélé qu'une femme noire sur cinq ressent la pression sociale de se raidir les cheveux pour le travail et qu'elle est beaucoup plus susceptible que les femmes blanches de ressentir de l'anxiété à ce sujet.
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Les préjugés à l'égard de la texture naturelle des cheveux des femmes noires peuvent prendre de nombreuses formes, notamment des commentaires sur les différences culturelles en matière de coiffure, sur le fait que certains types cheveux soient considérés comme plus "propres" ou " plus professionnels que d'autre", ou une discrimination plus concrète comme le fait de recruter ou rejeter une candidature à cause des cheveux d'une personne.
Au Royaume-Uni par exemple, plusieurs cas de discrimination raciale ont fait la une des journaux ces dernières années. En 2015, Lara Odoffin, une diplômée de l'université de Bournemouth, raconte comment une entreprise qui lui avait fait une offre s'est rétractée après l'avoir vu porter ses cheveux en tresse. On se souvient aussi de la londonienne Simone Powderly, qui raconte s'être vu offrir un emploi à la condition qu'elle retire ses tresses. Il y a deux ans, une femme noire qui postulait pour un rôle chez Harrods racontait à la presse comment on lui avait demander de faire une lissage chimique.
Selon l'avocat Kevin Poulter, partenaire en matière d'emploi chez Freeths LLP, il n'existe pas de cadre juridique pour protéger spécifiquement contre la discrimination raciale en matière de cheveux. Comme il déclare à Refinery29 : "Il n'existe pas de loi au Royaume-Uni protégeant spécifiquement contre la discrimination en matière de coiffure, mais aucun employé ne devrait se sentir inadéquat et certainement pas être traité de manière défavorable en raison de sa race, de sa religion ou de sa texture de cheveux."

Il n'existe pas de loi au Royaume-Uni protégeant spécifiquement contre la discrimination en matière de coiffure, mais aucun employé ne devrait se sentir inadéquat et certainement pas être traité de manière défavorable en raison de sa race, de sa religion ou de sa texture de cheveux.

"En soi, une entreprise est en droit d'exiger de ses employés qu'ils affichent une apparence "professionnelle" ou "soignée", surtout dans les métiers de service ou du luxe, mais quels seraient donc les critères de jugement ? On le sait, les opinions subjectives peuvent conduire à des préjugés conscients ou inconscients."
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Philip Richardson, responsable du droit du travail chez Stephensons, ajoute que les employeurs doivent pouvoir prouver que leurs politiques en matière de code vestimentaire restent dans des proportions acceptables. "On ne peut pas adopter une politique telle qu'un code vestimentaire et vouloir l'appliquer à tous si celui-ci pourrait avoir pour conséquence de désavantager une certaine catégorie sociale ou une ethnie en particulier."
La loi britannique comme la loi française protège les individus contre les discriminations fondées sur plusieurs "caractéristiques protégées" telles que la race, l'âge, le handicap et le genre. Bien qu'il n'y ait pas de protection contre la discrimination en matière de cheveux, vous pouvez bénéficier d'une protection en vertu de la Loi sur l'égalité de 2010 si vous êtes discriminé·e parce que vos cheveux ethnique ne soit pas du goût de votre employeur".
En mai, cette question a donné lieu à une pétition demandant au gouvernement d'interdire la discrimination liée aux cheveux au Royaume-Uni, qui avait recueilli 75 000 signatures au moment de la rédaction du document. Bien qu'une modification de la loi puisse contribuer à protéger les individus, Winnie Awa, fondatrice du site Web de soins capillaires pour cheveux afro Antidote Street, estime que le problème est plus profond. "La conversation sur la véritable inclusion doit commencer par l'empathie - la compréhension que les cheveux ne sont pas binaires, c'est-à-dire bouclés et raides, et qu'il y a une infinité de textures."

C'est complètement absurde de juger la performance d'un individu à sa coupe ou texture de cheveux.

Winnie Awa, fondatrice de Antidote Street
"C'est complètement absurde de juger la performance d'un individu à sa coupe ou texture de cheveux. Vos cheveux, que vous les portiez ou non au naturel, n'ont rien à voir avec vos compétences, votre expertise ou la valeur que vous pouvez apporter à une entreprise. C'est aux entreprises de prêter attention au rôle du préjugé inconscient dans leurs pratiques d'embauche et chercher activement à en contrer les effets".
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Pour mieux comprendre les défis et les préjugés auxquels les noires sont confrontées dans le milieu de travail, nous sommes parties à la rencontre de trois jeunes femmes. Voici leur témoignage.
Demi Colleen, 25 ans, est infirmière-vétérinaire à Londres.
Quelle est votre expérience de la discrimination liée à vos cheveux au travail ?
Je n'ai jamais été discriminée pour mes cheveux avant de commencer à travailler dans une entreprise à prédominante blanche. Il y a généralement très peu de personnes noires dans l'industrie vétérinaire ; la plupart des gens qui y travaillent sont blancs et appartiennent à la classe moyenne, avec peu de connaissances des questions raciales. Chaque fois que je perdais mes cheveux au travail, on me lançait des regards curieux et j'avais droit à des comparaisons bizarres avec des objets ou des animaux - ce qui, j'en suis sûre, ne partait pas d'une mauvaise intention, mais dont je me serais bien passée. À la longue, c'était déshumanisant. Bien que personne ne m'ait dit que je ne pouvais pas porter mes cheveux au naturel, j'ai toujours su qu'il y aurait des commentaires et des gestes déplacés - comme de toucher mes cheveux sans ma permission par exemple.
Une anecdote particulièrement marquante à nous raconter ?
Je me souviens d'avoir parlé à l'infirmière en chef des coiffures protectrices que je portais quand j'étais plus jeune. C'est là qu'elle m'a arrêté d'un coup pour me dire : "Vous ne pouvez pas porter ça ici !". Elle pensait clairement que les coiffures typiquement noires étaient "bizarres" et "pas professionnelles" et que je serais mieux reçue si je continuais de porter mes cheveux raides.
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Chaque fois que je perdais mes cheveux naturellement, on me lançait des regards curieux et j'avais droit à des comparaisons bizarres avec des objets ou des animaux.

Demi Colleen, 25 ans
Est-ce que vous avez essayé d'adresser le problème ou de faire un rapport ?
Non, elle et la direction étaient très proches, je n'en voyais pas l'intérêt. Par contre, j'ai fait exprès d'arriver la semaine d'après avec de grosses tresses africaines.
Comment vous êtes-vous sentie à la suite de ça ?

Même si j'étais en colère et bouleversée d'avoir l'impression que ma culture n'était pas acceptée, je savais que la direction était généralement problématique et que donc son comportement n'était pas particulièrement surprenant. Depuis, j'ai déménagé dans une autre clinique où j'ai été tout de suite très vocale sur les discriminations raciales sur le lieu de travail. Heureusement, je n'ai pas eu de problèmes ici.
Malheureusement, j'entends tous les jours des histoires sur des enfants noirs qui sont renvoyés chez eux par leur établissement scolaire ou des adultes comme moi qui reçoivent des avertissements au travail pour avoir osé porter leurs cheveux au naturel. C'est plus que jamais d'actualité. J'essaie de sensibiliser les gens sur mon blog et sur les réseaux sociaux pour que les blancs réalisent que le fait de vouloir contrôler la manière dont nous portons nos cheveux relève du racisme, tout simplement.
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Zina Alfa, 27 ans, est développeuse et vit dans le sud de Londres.
Quelle est votre expérience de la discrimination liée à vos cheveux au travail ?
Quand j'avais environ 13 ou 14 ans, j'ai été confronté à un prof de maths qui, j'en suis convaincue, n'aimait pas les Noirs. Un jour, je suis arrivée à l'école avec des tresses et ça ne lui a pas plu du tout. Elle m'a carrément dit que c'était dégoûtant, que c'était contre la politique de l'école et que je devais les retirer immédiatement. J'ai ensuite dû me rendre au bureau du directeur, qui a aussi exigé que je retire mes tresses. Ce n'est que lorsque ma mère s'est est mêlée et leur a expliqué qu'il s'agissait de coiffures protectrices traditionnelles qu'ils ont fini par se rétracter. Treize ans plus tard, j'ai lancé une pétition pour mettre fin à cette forme de discrimination dans les écoles.
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Une anecdote particulièrement marquante à nous raconter ?
Vous savez, des histoires comme celle que je viens de vous raconter, j'en ai entendu des centaines. Il n'y a pas si longtemps, j'ai été interviewée par une startup où je parlais avec la chef du département marketing [féminin, métisse] et son boss. Nous parlions de l'app que j'ai créée et elle m'a demandé : "Oh, est-ce que votre application sait faire de fausses locks ? J'aimerais trop en porter !". Ce sur quoi son patron s'est exclamé : "Ne viens jamais au travail comme ça… Je te vire sur le champ si tu arrives un jour avec des dreadlocks." Ça m'a laissé sans voix.

Je porte toujours des tissages ou des perruques. Ma relation avec mes cheveux est très complexe et d'avoir entendu à un très jeune âge que mes cheveux étaient dégoûtants, très franchement ça vous marque.

Zina Alfa, 27 ans
Comment vous êtes-vous sentie à la suite de ça ?
Quand j'étais jeune, j'avais du mal à me rendre compte de ça, mais au fond j'ai été traumatisée. Jusqu'à maintenant, j'ai du mal à porter mes cheveux au naturel. Je porte toujours des tissages ou des perruques. Ma relation avec mes cheveux est très complexe et d'avoir entendu à un très jeune âge que mes cheveux étaient dégoûtants, très franchement ça vous marque. Déjà qu'il y avait très peu de noirs dans mon école à l'époque, ça ne m'avait pas aidé à me sentir intégrée, ni à développer une bonne estime de moi-même. C'est aussi pour ça que j'ai lancé une pétition, pour pouvoir aider les autres à se sentir moins inadaptés.
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Thandi Sibanda, 22 ans, est journaliste et vit à Londres.
Quelle est votre expérience de la discrimination des cheveux au travail ?
J'ai travaillé dans beaucoup de journaux dont les équipes de rédaction étaient dirigées par des hommes blancs. Je me souviens d'une fois où j'éclaircissais un malentendu avec mon rédacteur en chef. Il a clôturé la conversation par un "Ok ma soeur, pas la peine d'agiter tes cheveux d'avant en arrière comme un fouet."

Une anecdote particulièrement marquante à nous raconter ?
À la fête de Noël une fois, je suis arrivé avec une perruque. Une collègue s'approche de moi devant tout le monde et me dit : "Mon Dieu, tu dois avoir chaud là-dessous !" Je l'ai regardée et j'ai dit : "Non, ça va". Elle a insisté : "T'es sûre ? Allez enlève-moi ça !"
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les femmes noires sont constamment scrutées, y compris pour les coiffures qu'elles portent, et ce par les mêmes personnes qui s'approprieront notre look plus tard.

Thandi sibanda, 22 ANS
Est-ce que vous avez essayé d'adresser le problème ou de faire un rapport ?
Une fois, j'ai essayé une fois de signaler un incident où quelqu'un m'a fait une remarque à connotation sexuelle, sur moi et mes cheveux afro. Ça n'a eu aucune répercussion.
Comment vous êtes-vous sentie à la suite de ça ?
Quand je n'avais pas de travail, j'étais heureuse de pouvoir faire ce que je voulais avec mes cheveux. Maintenant, il y a toujours cette inquiétude que mes cheveux risquent d'influencer la façon dont les gens me traitent au boulot. Quand j'étais plus jeune, une prétendue "responsable de l'apprentissage" m'a convoquée dans son bureau pour me demander si je pensais que mes tresses étaient "appropriées" pour l'école, puis m'a demandé de les enlever sous prétexte qu'elle pense "que cela pourrait détourner mon attention de l'apprentissage". Malheureusement, on est confrontée à ce genre de discrimination à un très jeune âge.
Je suis choquée, mais pas surprise non plus que ça arrive. Après tout, les femmes noires sont constamment scrutées, y compris pour les coiffures qu'elles portent, et ce par les mêmes personnes qui s'approprieront notre look plus tard. Ça reste pénible quand on vieillit, mais pour les plus jeunes, je peux imaginer que ça puisse causer beaucoup de confusion et de contrariété. On dit aux femmes noires d'aimer leurs boucles et de laisser tomber les perruques et les tissages - mais regardez ce à quoi nous sommes confrontées !
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