Ca faisait 5 ans que je voyais une neurologue pour mes migraines. On avait tout essayé, de la thérapie cognitivo-comportementale aux anticonvulsifs. Rien ne marchait sur le long terme, et j’avais l’impression de me heurter à un mur. C’est là que mon médecin a suggéré que j’essaie simplement de “me relaxer”. Soit peut-être la pire chose à dire à une migraineuse. J’étais à bout de solution.
Il restait néanmoins une dernière option qui m’avait toujours intriguée : la toxine botulique, la neurotoxine la plus puissante au monde. Plus connu sous le nom de botox, on connaît son effet miraculeux sur les rides et ridules, qui disparaissent sous l’action paralysante du produit.
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Fait rassurant : le botox est approuvé par les autorités américaines pour le traitement des migraines chroniques, c’est-à-dire qui interviennent plus de 15 fois par mois. Une amie à moi avait récemment sauté le pas et m’a conseillé de m’orienter vers un spécialiste de la question.
Au fond, je n’avais rien à perdre. J’ai donc contacté une neurologiste certifiée par l’académie américaine de psychiatrie et neurologie (le docteur Risa Ravitz, si jamais vous passez à New-York). C’est compliqué d’expliquer pourquoi le botox fonctionne aussi bien contre la migraine, parce qu’on a déjà du mal à comprendre d’où viennent les migraines. Apparemment les migraineux auraient des cerveaux facilement « excitables », ce qui veut dire qu’ils peuvent être perturbés par des choses aussi banales ou anodines que la pression atmosphérique, les hormones ou leur niveau d’hydratation, un peu comme si elle se trouvait au croisement de tout plein d’événements chimiques et électriques. Environ 25 à 30% des gens qui souffrent de migraines connaissent l’un de ses 4 symptômes migraineux : une aura visuelle, un mal de crâne sévère, des nausées et vomissements et enfin une redescente qui rappelle un lendemain de soirée difficile.
Selon les experts, le botox permettrait de bloquer certains signaux envoyés par les neurotransmetteurs aux muscles, notamment la douleur. « Le botox empêche aux neurones de parler aux muscles » nous dit le docteur Ravitz. « C’est comme si tout le processus était mis en sourdine. » Elle précise que ce n’est qu’une théorie, la recherche sur les migraines ne permettant pas encore d’expliquer ce qui se provoque de telles douleurs chez les sujets atteints. On va injecter le produit dans le cuir chevelu, la nuque, les épaules, les tempes et le front. L’opération devra être répétée tous les 3 mois environ. Selon les chiffres, on estime que le botox permettrait de réduire le nombre de migraines d’au moins 50%.
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Même les gens qui ne souffrent pas de migraines chroniques peuvent bénéficier de ce traitement. Le docteur Ravitz nous dit qu’elle arrive même à soulager des patients souffrants de migraines hémiplégiques - une forme rare de migraine qui va paralyser ou anesthésier toute une partie du corps. « ll y a des personnes qui se retrouvent sur le banc des urgences pour ça, parce qu’ils ont peur de ce qui leur arrivent. C’est donc tout à fait compréhensible d’utiliser le botox pour stopper la migraine. Je ne veux plus que mes patients aient mal. Je veux qu’ils n’aient plus aucune migraine. »
Après une consultation et deux essais de médicaments anti-migraine qui n’ont servi à rien, ma caisse d’assurance maladie a accepté de couvrir mes frais d’injection de botox. Je paie donc les 50 euros de cotisation et me retrouve dans la salle d’attente du docteur Ravitz avec toutes mes angoisses. J’avais tellement envie que ça marche. Il fallait que ça marche, je n’avais plus aucune autre solution.
L’idée de me faire injecter du botox à plus de 26 endroits différents ne m’excitait pas des masses non plus. Je savais que l’excès de botox pouvait vraiment figer les traits. J’ai aussi grandi avec une mère qui rejette toute forme vanité, même le simple fait de mettre du vernis. Je n’osais même pas imaginer ce qu’elle penserait de mes 26 injections trimestrielles de botox. Au fond, j’avais quand même vraiment très peur du jugement des autres, même si mon cas pouvait être vu comme plus « légitime », parce que motivé par des raisons médicales. En plus de ça, on me dit souvent que j’ai un visage pas très expressif au repos, donc il fallait que je sois toujours capable d’exprimer un minimum de sentiments. Docteur Ravitz m’a rassuré, et je me suis allongée sur le siège d’opération pour recevoir mes injections.
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Etonnement, je n’ai pas eu mal du tout. Apparemment, c’est courant chez les migraineux, parce qu’on a une tolérance plus élevée à la douleur. L’injection faite dans mes épaules a permis de relaxer le haut de mon dos, constamment tendu. J’avais quelques gouttes de sang sur le front qui ont disparues après la douche. Le soir qui a suivi, j’ai du prendre un million de selfie, à lever et baisser mes sourcils histoire de voir si quelque chose avait changé. Mais ce n’est que quelques jours après mon rendez-vous que mon front s’est figé. Ça a bien fait rire tout le monde, y compris ma mère. Et honnêtement, même si j’ai jamais été obsédée par les soins anti-âge, je dois avouer que je suis contente de ne plus avoir de rides du tout. Mon front est aussi doux et uniforme que les fesses d’un bébé. Et j’adore ça.
Mais ce que j’apprécie surtout, c’est de ne plus souffrir. Un mois après l’intervention, je n’avais vraiment plus aucune migraine, zéro. Des mois après, même quand je suis hyper stressée ou que le temps varie, mes maux de tête sont beaucoup beaucoup moins inconfortables qu’avant les injections. Avant, j’avais l’habitude d’annuler tous mes plans quand j’avais une migraine. Aujourd’hui, c’est beaucoup plus tolérable. Je prends 3 comprimés d’Excedrin et peut continuer à vivre ma vie. Le meilleur dans tout ça ? J’ai enfin le sentiment d’avoir le contrôle sur mes migraines, et sur ma vie en général.
Important de le mentionner aussi : un nouveau médicament injectable contre la migraine vient d’être mis sur le marché, le fremanezumab (disponible aux Etats-Unis depuis 2017, ndlr). Bien que le mécanisme soit un peu différent (le médicament agit contre nos anti-corps), le taux de succès est aussi satisfaisant que le traitement au botox.
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En plus de réduire considérablement les symptômes de la migraine, des études ont prouvé que l'utilisation du botox permettait d'améliorer considérablement la qualité de vie des personnes atteintes.
Le botox a marché pour moi, mais il se peut que ça ne fonctionne pas sur tout le monde. Quoiqu'il en soit, je pense qu'il est important de s'orienter vers un spécialiste qui prenne votre problème au sérieux, mais aussi de pouvoir discuter de toutes les formes de traitements qui existent pour une maladie.
En France, l'utilisation de la toxine botulique dans le traitement de la migraine est limité aux établissements hospitaliers. Pourtant, il n’est pas encore possible de se voir prescrire des injections par un médecin, quand les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont rendu cette pratique légale en 2012. À méditer.
No Filter est une série de chroniques sur les procédures médicales et cosmétiques - sans jugement, ni hypocrisie ou stigmatisation.