"Aussi loin que je me souvienne, je n'ai jamais voulu d'enfants", affirme Kelly, 24 ans. "Au début, c'était parce que je n'aimais pas les enfants, mais en grandissant (et en ayant un petit demi-frère et une petite sœur), je me suis rendu compte que je ne partageais pas la même envie d'avoir des enfants que beaucoup de mes pairs".
Kelly est loin d'être la seule à avoir choisi de renoncer à la maternité. Alors qu'élever des enfants était autrefois une attente presque inévitable pour les femmes, les temps ont changé. Selon l'Insee, 758 000 bébés sont nés en France en 2018, soit 12 000 naissances de moins qu’en 2017 (- 1,5 %). Le rapport indique que "l’indicateur conjoncturel de fécondité (ICF) en 2018 s’établit à 1,87 enfant par femme, contre 1,90 en 2017. L'ICF baisse pour la quatrième année consécutive après être resté relativement stable entre 2006 et 2014".
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"Les femmes qui choisissent de ne pas devenir mères le font pour de nombreuses raisons", explique le Dr Amy Blackstone, auteure de Childfree by Choice : The Movement Redefining Family and Creating a New Age of Independence. "Parmi les plus courantes, on trouve le désir de mener une vie autonome ou spontanée, l'intérêt de nourrir d'autres relations, le sentiment de ne pas être un bon parent et l'intérêt pour des activités qui peuvent être en contradiction avec la parentalité".
Bien que le choix de ne pas avoir d'enfants puisse avoir des avantages sociaux, financiers et environnementaux, il peut exercer une pression inconciliable sur les relations, même les plus solides. Le partenaire de Kelly était initialement réceptif à l'idée de ne pas avoir d'enfants, mais le fait de devenir oncle l'a fait changer d'avis, et leur relation a fini par prendre fin. Amelia*, 38 ans, s'est retrouvée dans une situation similaire après plus d'une décennie de mariage.
"Pendant nos fiançailles, je lui avais dit que je ne souhaitais pas avoir d'enfants", explique-t-elle. "Mon mari est issu d'une famille nombreuse et m'a dit qu'il en voulait au moins trois. J'ai répété à l'époque que je n'en désirais pas, encore moins une tribu ! Nous n'en avons pas beaucoup parlé jusqu'à ce qu'il arrive à un point culminant à l'approche de la quarantaine. La plupart de nos amis et des membres de notre famille avaient des enfants et il devenait de plus en plus maussade. Je lui ai suggéré qu'il avait besoin de temps pour bien y réfléchir… Nous nous sommes séparés pendant quelques mois pour nous donner à tous les deux le temps de réfléchir à ce que nous voulions dans la vie et finalement, il a dit qu'il pouvait être heureux sans enfants et nous nous sommes remis ensemble".
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Son mariage est peut-être provisoirement remis sur pied, mais le dilemme auquel Amelia a dû faire face est familier à un nombre croissant de couples. Pourtant, si les rubriques de conseils et les forums regorgent de recommandations sur la manière de faire face à un partenaire masculin pour qui avoir des enfants ne fait pas parti de ses plans, les conseils aux femmes qui ne veulent pas d'enfants sont rares.
"Nous supposons que toutes les femmes sont naturellement enclines à élever des enfants (bien qu'il n'y ait aucune preuve scientifique à l'appui de cette notion) et, par conséquent, les ressources de soutien sont créées sur la base de cette hypothèse", explique Amy. "Je pense cependant que cette tendance est en train de changer et que de plus en plus de femmes prennent la parole et revendiquent fièrement leur choix de ne pas avoir d'enfants".
Les femmes sont souvent confrontées à l'idée qu'elles vont changer d'avis sur leur désir d'avoir des enfants. Le rôle traditionnel de la femme en tant que personne qui porte l'enfant, combiné au mythe selon lequel les femmes attrapent la "fièvre du bébé" au moment où elles atteignent la trentaine, signifie que souvent, la décision de renoncer à la maternité n'est pas prise au sérieux.
"[Mon mari] a confirmé que je lui avais dit que je ne voulais pas d'enfants, mais il a toujours pensé que je changerais d'avis à ce sujet en vieillissant ", admet Amelia. "J'ai toujours ce sentiment de crainte de lui avoir pris quelque chose et je redoute parfois que son ancien désir d'enfants ne refasse surface, ce qui signifierait que nous nous séparerions, mais je lui fais confiance quand il dit qu'il est heureux de ne pas avoir d'enfants et qu'il ne remettra pas en question ce qu'il pourrait penser dans deux ou cinq ans.
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Pour Sabina*, 35 ans, qui a décidé de ne pas avoir d'enfants en raison d'une aversion pour la grossesse et la naissance ainsi que pour des raisons environnementales, la pression sur sa relation de huit ans commence à se faire sentir.
"J'ai toujours été très claire sur mes opinions et pendant longtemps, il m'a semblé que mon partenaire était sur la même longueur d'onde. Au début de cette année, il m'a dit qu'il voulait des enfants. J'ai dit que je devrai y réfléchir. J'ai failli en venir à cette idée, d'autant plus que j'avais l'impression que je devrais peut-être [avoir des enfants], mais au fond de moi, je sais que l'abondance de raisons que j'ai invoquées tient toujours. Nous sommes maintenant dans une impasse, nous devons décider si [son désir d'enfant] est plus important que le fait que nous soyons ensemble. Je suis consciente que si nous continuons à avoir des opinions différentes, cela pourrait nous amener à nous séparer".
La décision d'avoir ou non des enfants est un choix profondément individuel et déterminant, et il semble que le fait de vouloir rester avec un partenaire ne suffise pas toujours à passer outre au désir impérieux d'avoir (ou non) sa propre progéniture. Et pour les femmes - qui portent souvent le plus gros des responsabilités en matière de grossesse, d'accouchement et de la garde des enfants - la décision est particulièrement complexe. Pour des femmes comme Sabina et Amelia, les exigences impossibles et contradictoires de leurs besoins personnels, des normes et attentes sociales, et de l'amour qu'elles partagent avec leur partenaire, signifient qu'il n'y a pas de solution simple.
"Idéalement, les couples devraient discuter de leurs objectifs et de leurs souhaits - en matière de parentalité et de toutes sortes d'autres choses - très tôt dans une relation, et continuer à en discuter au fil du temps", conseille Amy. "Le fait que les différences dans les aspirations d'être parent soient un facteur de rupture dépend probablement du couple, mais si chaque membre d'un couple est fermement ancré dans sa position, j'ai bien peur que ce soit le cas. Mais ne vous en voulez pas si vous ne voulez pas d'enfants. Il y a tant de façons de mener une vie épanouie, de faire une différence dans le monde et de laisser un héritage. Pour certains, la voie à suivre est celle de la parentalité. Pour d'autres, c'est autre chose".
*Les noms ont été changés