L'un de mes premiers souvenirs en Australie remonte à l'arrivée de ma famille des Fidji, en décembre 1992. Nous avons atterri à Sydney trois jours avant mon troisième anniversaire, qui se trouvait également être à moins d'une semaine de Noël.
Mon père venait de décrocher un poste d'ingénieur, et nous nous sommes donc installés dans notre nouveau pays, assistés par plusieurs de ses nouveaux collègues, qui nous ont aidés à trouver la maison que nous allions louer et nous ont invités à la fête de Noël de la boîte.
Je me souviens être entrée dans un grand hall et qu'on m'ait donné un joli paquet. Chacun de mes frères et sœurs a également reçu un cadeau et, si j'ai oublié ce qui se trouvait sous le papier cadeau scintillant, je me souviens encore du sentiment de joie que procure un cadeau offert par un inconnu. C'est peut-être là que mon obsession pour Noël est née.
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En tant que musulmane et Indienne Fidjienne, Noël n'occupait pas une grande place chez nous. Nous n'avons jamais eu de sapin ni de cadeaux, pas de photos avec le Père Noël, et même certaines des célébrations qui avaient lieu à l'école ne nous étaient pas accessibles.
Je me souviens que toute ma classe fabriquait des décorations de Noël pendant les cours de catéchisme à l'école primaire. Je n'étais pas autorisée à y assister, car les cours enseignaient le christianisme et contredisaient certaines de nos croyances musulmanes, alors je m'asseyais seule dans une autre salle, avec quelques livres à lire pour me tenir compagnie. Lorsque mes ami·es montraient leurs flocons de neige en papier, décorés avec de la colle à paillettes et du ruban adhésif, j'essayais de ne pas me sentir exclue.
Nous avions occasionnellement des célébrations de Noël entre ami·es durant la période des fêtes de fin d'année. Mais rien à voir avec les stéréotypes de Noël que j'attendais des films hollywoodien de l'époque - je rêvais de clochettes et de sapins verts décorés de guirlandes rouges, de cafés épicés à la cannelle et de gâteaux aux fruits confits. Je voulais un "Noël blanc", comme celui des personnes blanches dans les films. Je regardais Love, Actually chaque année, sans aucune ironie.
Lorsque j'ai déménagé, mes colocataires et moi avons assouvi nos envies de Noël en décorant notre maison et en échangeant des cadeaux. Et puis, j'ai pu me joindre aux traditions de Noël de la famille de mon partenaire, qui n'est pas très portée sur les fêtes, mais qui met tout de même le sapin et se fait des cadeaux. C'était génial de participer à la fête, sans devoir regarder avec nostalgie de l'extérieur.
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Dernièrement, je me suis demandé ce qui se cachait derrière mon obsession pour Noël. En voyant la nonchalance de mon partenaire à l'égard de cette fête, alors qu'il l'a célébrée toute sa vie, je dois admettre que ce qui se cache derrière mon désir de boire du lait de poule et de porter un pull festif, c'est surtout une espèce de FOMO culturel. La peur d'être exclue. C'est comme si j'avais intériorisé l'idée que Noël était mieux ou plus pertinent que les autres fêtes culturelles, alors que des millions d'autres personnes sont dans la même situation que moi.
Ma famille ne fêtait peut-être pas Noël, mais on avait des tas de traditions festives propres à notre culture et à notre religion. Chaque année, nous nous mettons en quatre pour le ramadan et l'Aïd el-Fitr, avec de nouveaux vêtements, une table magnifiquement décorée de plats délicieux pour fêter avec nos ami·es et un petit-déjeuner familial spécial avec les délices que nous gardons pour l'occasion.
Lorsque j'étais enfant, tou·tes les ami·es musulman·es de notre famille passaient le mois du Ramadan à s'accueillir les un·es les autres pour rompre le jeûne, et les femmes se rendaient les unes chez les autres pour aider à préparer les gâteaux et les friandises qui constitueraient la base de notre fête de l'Aïd à la fin des 30 jours.
Ma famille passait des jours entiers à préparer les vermicelles qui étaient ensuite bouillis dans du lait sucré et des épices pour faire du "samai", qui était un élément clé du petit-déjeuner que nous partagions. Ces heures passées dans la cuisine, à écouter de la musique et à s'imprégner des parfums de noix de muscade et de cardamome sont de bons souvenirs pour moi, mais ils me semblaient aussi incroyablement distincts de ma vie quotidienne.
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Il n'y avait aucune reconnaissance de l'Aïd ou du Ramadan dans mon école ou dans ma communauté en dehors de la maison. Nous manquions un jour d'école lorsque l'Aïd tombait un jour de semaine, et personne ne posait jamais de questions à ce sujet ni ne s'y intéressait, pas plus que nous n'apprenions les traditions culturelles des autres religions en cours d'éducation civique.
Je suis sûre que mes camarades de classe qui étaient hindous, juifs, bouddhistes ou simplement de culture différente avaient d'autres traditions et fêtes qu'ils célébraient et dont je n'ai jamais entendu parler non plus. Et je ne parle pas des centaines de cultures et de traditions différentes des Premières nations qui ne sont absolument pas reconnues par notre culture dominante.
L'Australie est un pays supposément laïc, et souvent la justification utilisée pour défendre la reconnaissance des fêtes chrétiennes et non celles d'autres cultures est que nous avons été colonisés à l'origine par une culture chrétienne européenne. Mais alors que nous reconnaissons les nombreuses atrocités commises à la suite de la colonisation et la priorité fondamentale accordée aux Britanniques blancs et à leurs cultures au détriment de la souveraineté des Premières nations et des communautés multiculturelles qui ont été créées par la suite, n'est-il pas temps de développer une approche plus inclusive des fêtes et célébrations ?
J'aime toujours Noël. J'aime sincèrement ce sentiment de liberté et de célébration qui vient avec les fêtes de fin d'année, et Noël en fait toujours partie. Mais j'aimerais avoir le privilège de participer aux rituels et aux traditions d'autres cultures et voir davantage de personnes faire de même pour les fêtes avec lesquelles j'ai grandi.
Imaginez à quel point notre culture collective serait riche si nous découvrions l'ampleur et la diversité des fêtes célébrées dans tout le pays. Notre joie et notre esprit de communauté ne seraient pas limités à une période de deux semaines en décembre, mais pourraient s'étendre sur toute l'année.