Sherin Khankan est sociologue, maitre de conférences et auteure de Women Are the Future of Islam (les femmes sont le futur de l’islam). Elle est également imam à la mosquée Mariam à Copenhague, la première mosquée dirigée par une femme en Europe, qu’elle a fondé en 2016.
Dans ce texte, Sherin nous explique pourquoi le Ramadan représente bien plus qu'un simple jeûne.
“Sawm” est le terme arabe signifiant jeûne et on pourrait le traduire par “abstinence” – que ce soit de nourriture, d’eau, de sexe ou même de l’ego. Le Ramadan est le mois durant lequel le Coran a été révélé au prophète Muhammad par l’ange Gabriel. Cette révélation symbolise le début d’une nouvelle ère appelée Islam. L’un des premiers mots qui a été révélé est “iqra”, qui signifie lire, réfléchir, comprendre.
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Le Ramadan, c’est une prise de conscience. « Meurs avant de mourir » avait dit le prophète. Cela signifie qu’il faut se réveiller avant de mourir. Le Ramadan sert de prise de conscience de la générosité des êtres humains. Les musulmans se saluent avec les mots “Ramadan kareem” durant le mois de Ramadan, ce qui veut dire : que votre mois de Ramadan soit béni et généreux. Ce à quoi la personne doit répondre “Allahu akram”, qui signifie : Allah est le plus généreux de tous. Alors, que signifie éveiller l’être généreux ?
Allah dit dans le Coran : « Allah ne modifie point l’état d’un peuple, tant que les [individus qui le composent] ne modifient pas ce qui est en eux-mêmes. » Le Ramadan c'est le changement, la rupture avec une habitude, aussi bien à l'intérieur de soi que dans son environnement. Pour moi, il s’agit d'un mouvement du cœur et de l’activisme pour la justice et l’égalité.
C’est l’un des cinq piliers de l’islam.
Cette année, durant le mois de Ramadan, j’ai fait quelques observations.
Le prophète a dit : « Parmi vous, il y aura des personnes qui ne connaitront par le jeûne que la faim et la soif. » Avec le Ramadan, il devient clair que nos besoins extérieurs jouent un rôle important dans notre vie de tous les jours. Mais après quelques jours de jeûne, on se rend compte que ces besoins deviennent de moins en moins importants. Je me rends compte qu’ils sont très simples à satisfaire. Ainsi, le Ramadan est un rappel que la vie repose sur bien plus que nos besoins matériels. Jeûner me rappelle que j’appartiens à une large communauté. Un lien unique se crée lorsque les musulmans partout dans le monde observent le jeûne au même moment, opérant les mêmes gestes au même instant.
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Durant ce mois de Ramadan, j’ai invité des personnes non-musulmanes, des amies proches, à jeûner et à m’accompagner à la mosquée Mariam pour “l'iftar” [le repas avec lequel le jeûne est rompu]. Pour moi, le Ramadan est la métaphore d’une unité qui dépasse toutes les frontières. Cela m’aide à me souvenir des bénédictions que sont la diversité et a multiplicité.
L’idéal coranique de l’être bon et juste n’a aucun rapport avec la race, le genre, la croyance ou la nationalité. La seule chose qui différencie un être de l’autre, c’est son excellence spirituelle ou sa vertu — dans le sens de ses actions justes. Être bon envers son prochain et accepter son voisin en dépit de ses différences — voilà les signes qui permettent de reconnaitre une personne qui porte l’islam dans son cœur – la bonté, la patience, la compassion et la tolérance.
La prière est un pilier de l’islam et le mois de Ramadan ne fait pas exception, lorsque les croyants se réunissent chaque soir pour prier ensemble. La prière commune, ou 'salah' est un mouvement qui se trouve entre l’unité et la diversité – un mouvement physique et mental et un rappel quotidien de l’altérité et la volonté d’accepter ce qui est différent de nous.
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Être bon envers son prochain et accepter son voisin en dépit de ses différences — voilà les signes qui permettent de reconnaitre une personne qui porte l’islam dans son cœur – la bonté, la patience, la compassion et la tolérance.
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Je me lève à la fin de la prière et dans un geste rituel, je tourne ma tête vers la droite, puis vers la gauche en direction de mes sœurs de prière, puis nos épaules se touchent.
Le Ramadan me rappelle chaque jour et à chaque instant qu’il est impossible de saisir pleinement l’unité de Dieu sans comprendre la multiplicité avec laquelle il créa. Juifs, Chrétiens, Musulmans : nous partageons tous essentiellement l’idée d’un Dieu unique. On ne peut pas prétendre aimer Dieu si l’on ne respecte pas tous les êtres humains, sans considération de leurs croyances.
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Certains musulmans décrivent le Ramadan comme un test de Dieu, mais je ne le vois pas comme un test permettant à Dieu de nous connaitre, mais plutôt un test nous permettant d’apprendre à nous connaitre nous-même.
Le Ramadan est une leçon sur le pardon. Lorsque l’on fait du mal aux autres, on se fait du mal à nous-même. Le Ramadan touche à l’art de pardonner, d’accepter et de lâcher prise.
Enfin, le Ramadan, c’est l’importance de donner aux personnes les plus démunies. Ressentir ce qu’ils ressentent. De subir, d’endurer. C’est de se délester de l’ego, de l’envie, du désir de contrôle, et surtout de la haine.
Women Are the Future of Islam, de Sherin Khankan est disponible à la vente (13,36 €)
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