Si l’on se fie à Outlanders, le moment “hold the door” dans Game of Thrones, ou encore l'immersion dans le Royaume Quantique de Avengers: Endgame, une chose est sûre : le voyage dans le temps a le vent en poupe.
See You Yesterday, le film de Stefon Bristol qui vient de débarquer sur Netflix, confirme cette tendance. Co-écrit par Fredrica Bailey et produit par son mentor Spike Lee, il respecte nombre des conventions du genre. (ne pas rester trop longtemps, ni interagir avec le nous du passé, etc.) Mais ce qui est particulièrement frappant, c’est l’urgence sociale qui donne à cette histoire un caractère unique.
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On remarque dans See You Yesterday — adaptation du court-métrage du même nom— des parallèles évidents avec Retour vers le Futur. On voit même Michael J. Fox y faire une apparition dans le rôle du prof de science — autre clin d’œil, on le voit lire Kindred de Octavia E. Butler. Mais, si ce film rappelle les singeries de Marty McFly sur la forme, sa portée émotionnelle est bien plus proche du roman de Butler, qui nous parle d'une femme noire qui retourne à l’époque d’Antebellum South — période historique faisant référence à la montée du séparatisme ayant conduit à la guerre civile dans le Sud américain.
CJ (Eden Duncan Smith) et Sebastian (Dante Crichlow) sont des ados prodigues qui veulent à tout prix gagner le concours de science de leur lycée. Ils ont développé un prototype de machine à remonter dans le temps, qui, ils espèrent, les aidera à sortir de leur Brooklyn natal, et les propulsera vers une université prestigieuse. Et, à leur grande surprise, ça marche !
Au début, voyager dans le temps semble être tout ce qu’il y a de plus amusant — repartir 24 heures en arrière pour 10 minutes, se venger de son ex en lui envoyant un verre de granita au visage, et rentrer pile à temps pour le dîner. Le film réussi parfaitement à exprimer la jubilation ressentie lorsqu’ils arrivent à leurs fins, et c’est très touchant. En outre, voir deux jeunes personnes noires, dont une femme — avec toute l’histoire d’oppression et d’injustice que cela implique — partir à l’assaut du temps représente déjà quelque chose de révolutionnaire. Mais l’enjeu prend une dimension dramatique lorsque le frère de CJ, Calvin (Astro), est abattu à la suite d’une bavure policière. Dévastée par sa perte, elle convainc Sebastian d'utiliser sa machine à remonter dans le temps pour sauver Calvin de son terrible destin.
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Le design de la machine à voyager dans le temps de Jimena Azula nous fait penser à un croisement entre Ghostbusters et Spy Kids, un véritable contraste avec le sérieux de la production. Résultat : un film d’aventures pour adolescents avec des préoccupations d’adultes qui se fait l’écho de la marginalisation dangereuse à laquelle sont confrontés de nombreux jeunes aux États-Unis. Duncan Smith et Crichlow sont très convaincants dans leur rôle et la complicité entre les deux acteurs est palpable. Le script leur permet d’évoluer en dehors des stéréotypes habituels. Leurs personnages ont de multiples facettes — ils sont Noirs, ils viennent de Brooklyn (on reconnait bien l’influence de Lee dans la manière tendre dont le quartier est représenté), ils sont incroyablement intelligents, impertinents, ils sont impulsifs, fidèles, ils sont nerds, ils ont beaucoup de style, et ai-je déjà mentionné qu’ils sont très INTELLIGENTS ? Ils ont réussi à inventer le voyage dans le temps l’année du bac tout de même.
En revanche, comme c'est pour la plupart des films sur le voyage dans le temps, l’intrigue s’effrite légèrement dès lors qu’on commence à trop y réfléchir. Bristol résout certains problèmes en imposant des contraintes spécifiques : la machine de Sebastian ne leur permet à lui et à CJ de revenir qu’une semaine en arrière et le portail dans le continuum espace-temps se referme après 10 minutes. Ainsi, les personnages ont une échéance (en gros, CJ et Sebastian ne disposent que de très peu de temps pour sauver Calvin — une fois qu’ils passeront la limite d’une semaine, ils n’auront plus suffisamment d’énergie pour revenir à ce moment-là), mais ce compte à rebours est relativement inutile, principalement car bon nombre des contretemps auxquels ils font face semblent pouvoir se résoudre par de simples changements, comme arriver sur un lieu différent ou aborder la conversation d’une manière un peu plus diplomatique. Mais à mesure que CJ et Sebastian retourne en arrière, dans l’espoir de corriger leurs erreurs, le film tend à nous rappeler Looper un peu plus que Retour vers le futur. On voit des scènes similaires se reproduire avec de légères variations dans le résultat. Ce qui est indéniable en revanche, c’est de voir un cycle de violence se reproduire encore et encore sans pouvoir pour autant y mettre fin, peu importe la manière dont les choses se produisent.
See You Yesterday est maintenant disponible sur Netflix
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