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Vierge à 27 ans : comment la pandémie m’a aidée à mieux l’accepter

Illustration par CARMELA CALDART.
J'avais 25 ans quand je me suis faite à l'idée que j'allais sûrement mourir vierge. C'était en mars 2020. La pandémie prenait de l'ampleur dans le monde entier et une perspective aussi anodine qu'une sortie hebdomadaire au supermarché était devenue trop dangereuse pour moi. J'ai dû me rendre à l'évidence : il serait impossible de me faire dépuceler avant que le Covid-19 ne nous emporte tous.
Si je suis vierge, ce n'est pas par choix. Du moins, pas dans le sens traditionnel du terme - ce n'était ni une décision déterminée par la religion, ni par une volonté "d'attendre le bon". Les conditions nécessaires ne se sont tout simplement jamais présentées. Sans raisons suffisantes pour "excuser" mon manque d'expérience sexuelle, j'ai fini par le vivre, surtout au milieu de la vingtaine, comme un échec personnel flagrant, la confirmation que je n'étais pas désirable. Ce qui n'a fait qu'aggraver ma gêne, qui s'est transformée en une honte paralysante.
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J'étais trop gênée pour oser en parler à mes amis ou même à ma famille. J'étais devenue experte dans l'art de la déflexion. J'insistais allègrement sur le fait que j'étais trop occupée pour me prendre la tête avec un petit ami. Mais derrière cette fausse désinvolture se cachait la peur. En réalité, je m'étais complètement retirée du "dating game", moins effrayée par une interminable période de célibat que par l'idée d'être honnête avec un partenaire dès que le sujet du sexe se présenterait. Non pas troublée par l'acte lui-même, mais terriblement préoccupée par ce que mon manque d'expérience pourrait impliquer.
Pourtant, 16 mois plus tard, alors que l'annonce d'un déconfinement progressif marquait le début de ce que beaucoup voulait une saison estivale très hot, je me suis rendu compte que la pandémie avait complètement changé ma façon de voir ma virginité. Pour commencer, la pandémie nous a donné des sujets de réflexion bien plus importants - et je ne parle pas uniquement des risques pour la santé publique. L'année 2020 a été une année chargée en révélations. Elle a creusé ou provoqué des ruptures dans nombre de nos relations les plus intimes et a mis en lumière des choses sur nos proches que nous n'aurions pas soupçonnées autrement. Bon nombre d'entre nous se sont efforcés de concilier ces comportements qui nous mettaient mal à l'aise - dénigrer les mouvements de justice sociale, partager des mèmes anti-vaxx sur les réseaux sociaux, donner du crédit aux théories complotistes, manquer de compassion pour les personnes atteintes du COVID de longue durée, nier les effets de la disparité des richesses (que la pandémie a indiscutablement mis en évidence), refuser de reconnaître que les événements météorologiques extrêmes sont le résultat du changement climatique - tout ça chez des personnes que nous pensions pourtant bien connaître. En comparaison avec ce genre de révélations, mon "terrible secret" ne me semblait plus aussi terrible que ça. Il s'agissait d'un simple fait - une banale note de bas de page. Ce n'était pas un élément clé sur ma personnalité qui, une fois dévoilé, pourrait inciter mon entourage à complètement réévaluer le bien-fondé de notre relation.
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Je me suis alors mise à voir ma situation comme le fruit d'un mélange de passivité et de circonstances. Mes futurs partenaires aborderont probablement cela avec beaucoup plus d'empathie après avoir traversé un trois confinements et des restrictions sociales sans précédent - mieux encore, on s'attendra à ce qu'ils partagent eux-mêmes leur expérience.
Mes angoisses se sont grandement apaisées lorsque j'ai réalisé que parmi ces personnes, nombreuses sont celles qui n'auront même pas effleuré l'idée de relations intimes depuis un an et demi, voire plus. Qu'ils se soient confinés avec optimisme avec un amour naissant, qu'ils aient tâté de la drague avec distanciation sociale ou qu'ils aient appris à maîtriser l'art de la masturbation silencieuse après être retournés vivre chez leurs parents, les détails ne sont pas pertinents. Je me suis rassurée grâce à ce nivellement du terrain de jeu : la garantie qu'à l'avenir, tout ce que je partagerai sur moi fera partie d'un échange réciproque qui exige des deux parties qu'elles fassent preuve de vulnérabilité plutôt qu'un aveu solitaire de ma part. Et puis, le climat d'ambivalence qui règne actuellement dans le monde du célibat suggère que tout le monde a l'impression, dans une certaine mesure, d'avoir "raté" le dating sous Covid - d'avoir passé cette période sans précédent à être soit trop ou pas assez sexuel, soit trop proactif ou trop complaisant - et d'être maintenant rongé par le genre de névroses qui font de la solitude l'option la moins pénible.
Donc, au moment où j'écris ces mots, j'ai 27 ans et... non : je n'ai toujours pas eu de relations sexuelles. Mais je ne suis plus disposée à laisser ce fait me retenir captive plus longtemps, empêchée de cultiver des relations, trop timide pour faire preuve de la franchise qu'elles exigent. La pandémie m'a permis de prendre du recul. Cela m'a permis de retrouver le sens de la rationalité que mes insécurités avaient depuis longtemps bâillonné. Aujourd'hui, je n'ai plus l'illusion que ma virginité est la chose la plus importante qu'un partenaire apprendra à mon sujet.

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