Ça fait maintenant deux ans et demi que je suis sobre. Et à l'exception des premières semaines, je peux dire que durant la majorité des 30 derniers mois, je n’ai jamais eu envie de boire. En présence d'alcool, j'ai appris à me rappeler les effets néfastes que l'alcool a sur moi : l'anxiété, la nausée et le regret qui me rongent inévitablement un lendemain de cuite. Si j'ai eu des moments difficiles, je n'ai pas eu de réelle envie de prendre un verre de vin, un joint ou un cocktail fort.
Enfin, jusqu'à maintenant.
La semaine dernière, nous avons tous reçu pour instruction de rester à la maison, de reporter toute activité sociale et de nous isoler. Ce conseil est aux antipodes de tout ce que j'ai appris pour consolider ma sobriété. Grâce à ma sobriété, j'ai réussi à me créer une vie stimulante, ponctuée de relations sérieuses, d'exercices, de voyages et de travail. Mais dans un avenir immédiat, impossible de prendre l'avion, d’aller au yoga ou même de prendre un café avec mes mentors ou des amis. Le monde entier est en suspens, et pour la première fois depuis que je suis sobre, je pense parfois à boire. Ce n'est pas que j’ai oublié tout ce que j’ai appris. Quand je buvais, j'étais du genre à me réveiller avec des bleus partout et il n'était pas rare que je perde mon sac. Et je sais pertinemment que d'ajouter une pandémie au désastre ambulant que j'étais n'arrangerait pas les choses. Mais quand je vois mes ami·e·s lancer l'apéro dans leurs story Instagram dès 16h59, je ne peux m'empêcher d'avoir peur, et ça me rends folle. Je mentirais si je prétendais que je n'ai pas envie de m'évader de cette réalité apocalyptique, d’enfiler un pyjama, d'éteindre mon téléphone et de boire jusqu'à ce que tout ça soit fini.
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Pour faire simple, être un adulte en ce moment me fait peur, et l'alcool est une échappatoire de facilité. Si c'est en créant des liens qu'on peut vaincre une dépendance, à quoi peut ressembler la réhabilitation lorsque le monde applique des mesures de distanciation sociale strictes ?
Zoom s’impose comme une plateforme indispensable en ce moment, offrant des espaces virtuels pour les réunions de travail, les cours de fitness, et même les dîners familiaux à distance. Heureusement pour moi, la communauté des personnes sobres et abstinentes suit le mouvement. Au lieu des sous-sols d'église et des bâtiments universitaires, le programme en 12 étapes organisent des réunions sur Zoom toutes les heures. Bien que je n'aie jamais écrit ouvertement sur ma participation à des réunions de soutien avant (beaucoup de ces programmes sont anonymes, après tout), j'ai aujourd'hui l'impression que c'est le bon moment pour parler de leur importance et de l'aide qu'elles apportent.
Assister à des réunions de soutien permet de créer des liens et de communiquer, deux pierres angulaires de la sobriété, et quand il est impossible de le faire IRL, je m'accroche à ma connexion Internet comme à une bouée de sauvetage.
"C'est vraiment difficile en ce moment, mais cette expérience m'a permis de solidifier ma sobriété", confie Britni Bender, qui est prof de Pilates. "Avant tout ça, j'avais toujours l'impression d'être trop occupée pour aller à des réunions de soutien ou pour contacter d'autres femmes sobres. Mais ces derniers jours, je me réveille tous les matins très impatiente de me rendre à mes réunions AA sur Zoom et d'entendre le témoignage d'autres femmes qui partagent mon expérience. C'est devenu un élément vraiment indispensable et vital de mon nouveau rythme de vie.
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Ces réunions virtuelles m'ont aidé à faire la part des choses et à séparer ma sobriété de la panique et de la peur ambiante que nous vivons tous actuellement. Elles m'aident à me souvenir que j'ai déjà surmonté quelque chose d'incroyablement difficile : j'ai renoncé à l'alcool et aux drogues et j'ai appris à être pleinement présente dans mon corps. Le vieil adage "un jour à la fois" m'a beaucoup aidé à l'époque, et il est tout aussi réconfortant aujourd'hui. Certes, il y a plus de peurs, d'incertitudes et d'espaces vides dans ma vie aujourd'hui qu'il y a quelques semaines. Mais je peux combler les vides laissés par l'annulation de mes cours de pilates et le report des activités en personne par des activités qui me semblent encore significatives. Je peux, chaque jour de ce confinement, être pleinement présente pour mon partenaire, être lucide et me rendre utile plutôt que d'avoir la gueule de bois ou d’avoir l’impression d’être figée dans ma vie. Avoir peur est normal en ce moment, mais cela ne veut pas dire que je dois boire, et les réunions virtuelles m'aident à m'en souvenir."
"L'obligation de passer toute la journée seule dans mon appartement me fait vraiment bizarre, mais je n'ai pas envie de boire ni me droguer", affirme Arielle*, une étudiante diplômée qui est sobre depuis quatre ans. "J'ai réalisé hier après avoir participé à une réunion AA sur Zoom que c'était la première fois que j'entendais parler de toute la journée, ce qui était un peu dingue. Je suis vraiment très reconnaissante de pouvoir traverser cette période de sobriété en ayant une communauté aussi forte qui m'aide à rester calme dans tout ce chaos". (*Le nom a été modifié.)
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Les premiers jours de confinement, ça a été la grosse pagaille. La panique était palpable. J'étais constamment au téléphone, absorbant et faisant écho à des pensées angoissantes. À la fin du troisième jour, j'étais vidée de devoir faire toutes ces promesses rassurantes que je n'étais même pas sûre de croire. Le format des réunions virtuelles et la possibilité pour chacun de partager avec le groupe offre un espace pour écouter et être entendu·e sans avoir besoin d'avoir toutes les réponses. Cette organisation structurée nous rappelle que même en cas de confinement il est important d'imposer ses limites.
Alors, oui : j'ai pensé à boire cette semaine. J'ai aussi pensé à manger un plat entier de brownies à moi toute seule et à acheter en ligne des joggings extrêmement chers. Heureusement, grâce à la sobriété, je n'ai plus à agir sur mes pulsions ou mes peurs irrationnelles. Je sais reconnaître, rediriger et écrire ces pensées à la place. Et si je me sens vraiment mal, il me suffit de me connecter à une salle virtuelle remplie de femmes qui ressentent exactement la même chose. Et aucun verre de vin ne m'a jamais fait autant de bien.”
Des conseils utiles ainsi que des informations mises à jour quotidiennement sur le Covid-19 sont disponibles sur le site du gouvernement. Si vous craignez d’être vous-même inffecté·e, appelez votre médecin ou le numéro de permanence de soins de votre région. Vous pouvez également bénéficier d’une téléconsultation. Si les symptômes s’aggravent avec des difficultés respiratoires et signes d’étouffement, appelez le SAMU- Centre 15. Les personnes sourdes et malentendantes peuvent entrer en contact avec un téléconseiller ou appelez le 114 en cas de forte fièvre ou de difficultés respiratoires.
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