La vie en confinement est difficile - on ne peut pas dire autrement. Recevoir l'ordre de rester dans nos intérieurs pendant des semaines, sans véritable fin en vue, est stressant. Mais, comme l'a dit le Dr Anthony Fauci, médecin et immunologiste américain qui est aussi le directeur de la National Institute of Allergy and Infectious Diseases depuis 1984, "Le virus détermine les échéances".
Ce que nous faisons dans ce laps de temps dépend de nous - mais cette prétendue liberté peut entraîner d'autres problèmes, en particulier pour ceux qui luttent contre les troubles alimentaires, comme la boulimie.
La nourriture a toujours été un grand réconfort pour moi, surtout lorsque je me sens anxieuse ou triste. Mes principales gourmandises sont le chocolat et le fromage - et j'en ai eu mon lot ces dernières semaines. Je sais que je ne suis pas seule ; un grand nombre de mes ami·es m'ont aussi confié qu'ils ne parvenaient pas non plus à rester en dehors de la cuisine. Cela se comprend. L'anxiété et le stress causés par le COVID-19 nous poussent à chercher du réconfort partout où nous pouvons en trouver. Mais pour ceux et celles qui luttent contre la frénésie alimentaire, c'est une véritable tempête orageuse, car certaines personnes qui se battent contre le TCA (Trouble du Comportement Alimentaire) sont obligées de faire face au stress de cette pandémie tout en restant chez elles, où elles ont peu de choix en termes de soins de santé mentale ou même d'ami·es avec qui elles peuvent parler.
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L'isolement est un réel problème pour les personnes en convalescence, mais Christina Fisanick Greer, veut que les autres personnes atteintes de TCA sachent qu'elles ne sont pas seules. J'ai eu la chance de passer une journée avec Greer, professeure et auteure de The Optimistic Food Addict : Recovering from Binge Eating. Elle a passé 34 ans à lutter contre la frénésie alimentaire avant d'entrer en convalescence. Elle m'a dit que la pandémie du COVID-19 a entraîné une série de défis liés à son trouble alimentaire.
Dans cette courte vidéo en anglais, Greer décrit ce que c'est que d'être en convalescence pendant le confinement. Au début de la vidéo, elle explique que la nourriture est constamment dans ses pensées alors qu'habituellement, c'est une chose qu'elle arrive à gérer. Ses pensées la persuadent qu'elle a faim, et même si elle essaie de résister, parfois, elle les laisse gagner. On dit souvent que le trouble alimentaire est majoritairement de manger une grande quantité de nourriture dans une courte période de temps. Mais selon elle, ce n'est pas le seul schéma. En effet, elle va se lever plusieurs fois par jour seulement pour aller grignoter quelque chose dont elle n'a pas nécessairement besoin.
Depuis son plus jeune âge, la nourriture a toujours été représentée comme une "récompense" pour célébrer quelque chose en particulier, comme une réussite personnelle. Et ce genre de relation avec la nourriture est à la fois destructeur et réconfortant pour Greer qui y voyait un refuge pour elle lors d'événements difficiles dans sa vie. Selon elle, l'anxiété due au COVID-19 serait le principal facteur actuellement de son trouble alimentaire, sachant que son mari doit continuer de travailler à l'extérieur et qu'à tout moment, il peut rentrer avec le virus et contaminer elle ou son fils.
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Dans certains moments d'excès, elle réalise qu'elle n'a même pas envie de manger ce qu'elle mange, qu'elle n'aime plus le goût ou qu'elle se sent trop pleine, mais malgré cela, elle continue de se gaver. Vu qu'elle est en convalescence, elle arrive à analyser ses propres excès et à trouver des solutions pour ne plus reproduire ces actions. Elle se sent moins coupable comme elle aurait pu l'être dans le passé et ce sentiment la pousserait alors à manger plus. Au temps où elle commençait sa convalescence, elle essayait d'appliquer de nouvelles routines comme écrire un journal pour comprendre la relation entre la nourriture et son humeur, établir une liste de choses qu'elle pouvait aimer faire pour s'occuper au lieu de manger (avant la pandémie, c'était la natation), sortir avec des ami·es pour quelques heures - qui a été remplacé par des appels téléphoniques. En gros, essayer au maximum de ne pas s'ennuyer pour éviter de penser à la nourriture trop souvent. Apprendre à se pardonner et reprendre le dessus pour éviter trop d'excès a été sa plus grande réussite.
Selon la Fédération Française Anorexie Boulimie, il s'agit d'un déplacement de l'investissement affectif vers des préoccupations alimentaires. "L'objet" alimentaire, surinvesti, occupe alors tout le champ de la conscience. Mais, à la différence de l'anorexique, qui se sent toujours trop "grosse de ses envies" et cherche à maigrir sans fin, il y a, dans la boulimie, perte de cette maîtrise. Le passage à l'acte se termine alors par une sensation de malaise, bien sûr physique (la sensation d'avoir trop mangé), mais aussi psychique avec des idées de culpabilité et d'autodépréciation. En France, plus de 600 000 jeunes de 15 à 35 ans souffrent de TCA qui est la 2e cause de mortalité prématurée chez les jeunes de 14 à 24 ans, juste après les accidents de la route, d'après la Fédération Nationale des Associations liés aux Troubles des Conduites Alimentaires.
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Chevese Turner, directrice de la politique et de la stratégie de la National Eating Disorder Association (NEDA) et également fondatrice et ancienne PDG de la Binge Eating Disorder Association (BEDA), a déclaré à Refinery29 qu'il y a de l'espoir pour ceux et celles qui luttent contre le TCA pendant la pandémie. Elle a déclaré : "Ce dont nous avons besoin, c'est d'une connexion, parce que c'est comme ça que nous guérissons. Soyez indulgent avec vous-même pendant cette période où toutes les choses sont dans la catégorie de l'inconnu. Si vous faites des excès, voyez cela d'une manière plus positive. Ne culpabilisez pas. Reconnaissez ce que vous avez ressenti et parlez-en à quelqu'un. Accordez-vous une pause".
Il est préférable d'être indulgent·e avec soi-même, surtout dans le contexte actuel de stress et d'incertitude. Comme l'a dit Turner, "L'alimentation émotionnelle est normale". Soyez juste bienveillant·e envers vous-même, et demandez l'aide dont vous avez besoin quand vous en avez besoin.
Veuillez contacter la ligne d'assistance téléphonique de la Fédération Française Anorexie Boulimie (FFAB) au 0810037037 si vous pensez que vous ou un de vos proches êtes confronté·es à un trouble alimentaire et avez besoin d'aide.
Des conseils utiles ainsi que des informations mises à jour quotidiennement sur le Covid-19 sont disponibles sur le site du gouvernement. Si vous craignez d’être vous-même inffecté·e, appelez votre médecin ou le numéro de permanence de soins de votre région. Vous pouvez également bénéficier d’une téléconsultation. Si les symptômes s’aggravent avec des difficultés respiratoires et signes d’étouffement, appelez le SAMU- Centre 15. Les personnes sourdes et malentendantes peuvent entrer en contact avec un téléconseiller ou appelez le 114 en cas de forte fièvre ou de difficultés respiratoires.