"Une alliance (allyship) efficace… est enracinée dans les besoins des personnes les plus touchées." Ces mots puissants ont été prononcés par l'activiste et organisatrice communautaire Leslie Mac, dont le travail consiste à aider les blanc·hes à devenir de meilleurs allié·es, lors d'une récente interview avec Refinery29. Une chose que les allié·es peuvent faire dès maintenant - parmi une multitude d'autres - est de prendre des nouvelles de leurs ami·es noir·es et de leurs collègues noir·es. "Ils ont probablement encore mal, ils sont encore confus, ils sont encore épuisés", écrit Roy S. Johnson sur Al.com. "Ils apprécieront d'avoir de vos nouvelles." Mais il y a quelques éléments à prendre en compte avant de les contacter.
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Alfiee Breland-Noble, psychologue, auteure, fondatrice de l'association AAKOMA Project pour la santé mentale et podcasteuse du "Couched in Color with Dr. Alfiee", affirme qu'il existe une bonne manière de tendre la main, et que la première étape consiste à tenir compte de vos différences culturelles.
"Si nous sommes amis ou collègues de travail avec cette personne depuis longtemps, et que nous sommes attentifs, nous devrions déjà avoir quelques indices sur la façon dont elle aime être engagée", dit le Dr Breland-Noble. "La difficulté consiste parfois à travailler avec les gens, mais nous ne prenons pas le temps d'essayer d'apprendre à travers les cultures. Ainsi, lorsqu'une crise survient, nous manquons de ressources ou de connaissances pour savoir comment nous allons engager avec cette personne".
Tout d'abord, posez-vous la question : est-il approprié pour moi d'entrer en contact avec cette personne ? "C'est très différent de prendre des nouvelles d'une personne avec laquelle vous n'avez pas de relation réelle en dehors d'être amis sur Facebook", explique Moraya Seeger DeGeare, thérapeute conjugale et familiale agréée et copropriétaire de BFF Therapy à Beacon, NY. "Si c'est votre ami proche que vous contactez et à qui vous parlez régulièrement, j'espère que vous prenez dans tous les cas de ses nouvelles - peu importe la situation - et qu'il fait de même pour vous".
Si vous êtes tenté·e d'entrer en contact avec une personne noire avec laquelle vous n'avez pas de véritable lien, mieux vaut s'abstenir. Il existe d'autres moyens de soutenir les Noir·es en ce moment, que ce soit en faisant un don ou en parlant aux personnes qui vous entourent. C'est aussi un bon moment pour vous demander pourquoi vous n'avez pas ou très peu de liens avec des personnes de couleur.
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D'autres bonnes questions à se poser avant de prendre contact : l'envoi de ce message est-il une action symbolique ? Pourquoi le faites-vous ? Pour vous-même, pour que vous ayez l'impression d'avoir "fait un effort" ? Ou est-ce vraiment par souci de votre ami·e noir·e et de son bien-être ?
Une fois que vous avez décidé d'entrer en contact avec votre ami·e, le Dr Breland-Noble estime qu'il est essentiel que vos mots ou votre message proviennent d'un sentiment de compréhension. "Si vous êtes une personne blanche, essayez de comprendre comment vous pourriez vous sentir si vous étiez dans le genre de situation que traverse votre collègue ou ami noir en ce moment", explique-t-elle. "Que voudrais-je entendre ?" Le Dr Breland-Noble souligne également que s'ils sont vraiment nos amis - s'ils sont vraiment des collègues que nous apprécions - nous devrions toujours essayer de les comprendre, que ce soit en situation de crise ou non.
Le Dr Breland-Noble a souligné quelques phrases ou actions spécifiques à éviter à tout prix. N'approchez jamais vos collègues noir·es avec des phrases où règne la culpabilité, la douceur ou la peur des Blanc·hes, dit-elle. C'est-à-dire ? Des phrases comme : "Je ne sais même pas quoi dire" ou "Je me sens tellement coupable pour mon privilège".
Bien que ce ne soit pas votre intention, ce type de propos demande implicitement à vos collègues noir·es de vous réconforter. Comme Mariel Buquè, thérapeute en traumatologie, l'a expliqué à Refinery29 : "Il arrive souvent que des Blancs bien intentionnés, dont je sais qu'ils tiennent réellement à moi, fassent des discours de culpabilité blanche ou expriment qu'ils ne savent pas quoi faire… [plaçant ainsi] un lourd fardeau de leur propre culpabilité et honte sur une personne qui est déjà en deuil et traumatisée".
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Dans le même ordre d'idées, évitez de demander à vos collègues ou ami·es noir·es de vous apprendre comment aider les communautés noires, explique DeGeare. Elle suggère de réfléchir à la question suivante : "Qu'attendez-vous réellement de cette personne ? Si vous attendez d'elle qu'elle travaille davantage avec vous sur ce point, vous ne devez probablement pas le faire. Ne posez pas la question", affirme DeGeare. "C'est cette fainéantise qui crée cet environnement vraiment toxique autour de ces relations occasionnelles avec vos amis noirs." Vous devriez être bref et aller droit au but. "En envoyant un roman, si je voudrais vraiment y répondre et aider à vous éduquer en ce moment, vous me demandez une heure ou deux de mon temps", ajoute DeGeare.
Une autre phrase à éviter ? "Je ne peux pas imaginer ce que tu ressens". "Pour une raison quelconque, je déteste ça", avoue le Dr Breland-Noble. "Non, tu ne peux pas. Je n'ai pas besoin que tu me le dises. Je sais que tu ne peux pas."
Reconnaissez plutôt la douleur que ressentent les personnes noires dans votre entourage, faites savoir à ces personnes que vous voulez être un soutien pour elles, précisément, et laissez-leur le pouvoir de vous dire exactement comment elles veulent être abordées.
Vous pouvez commencer par des excuses sincères. "Dites : 'Je suis vraiment désolé·e de ce que tu vis en ce moment'. Parce que vous ne savez pas ce qu'ils vivent. Mais vous savez que c'est difficile, et vous savez que ce n'est pas bon", explique le Dr Breland-Noble.
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"Ensuite : 'Je veux être là pour toi. J'attendrai que tu me dises comment je peux le faire de la meilleure façon possible'", poursuit-elle. "Et puis vous attendez." Cela permet aux collègues de vous dire exactement ce dont ils ou elles ont besoin ou ce qu'ils ou elles attendent de vous, qu'il s'agisse d'un soutien important ou de rester seul·e pendant un certain temps.
Ne supposez pas que vous savez ce que veut votre collègue. "En fin de compte, nous devons faire très attention à ne pas projeter nos sentiments personnels ou ce que nous pensons que cette autre personne voudrait. Traitez les gens comme vous voulez être traités, en tenant compte du fait qu'il y aura des différences", explique le Dr Breland-Noble.
Nous espérons que cela va sans dire, mais si vous donnez à vos collègues noir·es le support nécessaire pour vous dire ce qu'ils ou elles attendent de vous, vous devez être prêt·e à leur donner ce qu'ils ou elles demandent. Cela commence par devoir laisser un peu d'espace et de temps.
Ensuite, et c'est là la clé, il faut donner suite à ces paroles. Dire que vous voulez aider ne signifie rien si vous ne prenez pas les mesures nécessaires pour aider réellement - qu'il s'agisse de réaffecter temporairement la charge de travail de vos collègues noir·es pour leur permettre de prendre des congés, de vous abstenir de leur poser des questions liées au travail pendant quelques jours, ou de leur fournir une plateforme pour s'exprimer au sein de votre organisation, si c'est ce qu'ils ou elles demandent.
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The Creative Collective NYC a tweeté une série de questions utiles qui évite le "Comment ça va ?" que vous pouvez poser à vos ami·es et collègues noir·es s'ils ou elles décident d'ouvrir le dialogue. Voici quelques exemples de questions : As-tu dormi ? Comment as-tu besoin d'être soutenu·e en ce moment ? Qu'est-ce que tu ressens en ce moment ?
Instead of “How are you?” here’s how you can check in with others today: A THREAD
— The Creative Collective NYC (@THECC_NYC) June 1, 2020
Pour être vraiment un·e allié·e efficace, il ne suffit pas de se manifester uniquement lorsqu'il y a un nouveau hashtag en vogue sur Twitter ou une crise qui secoue un pays.
"Ce que les Noirs ressentent en ce moment ne concerne pas seulement George Floyd", explique le Dr Breland-Noble. "C'est l'effet cumulé de toutes ces choses qui remontent à Emmett Till. C'est depuis les années 20 et 30, lorsque la NAACP accrochait des banderoles disant 'Un homme a été lynché aujourd'hui'. Voilà pourquoi. Nous devons aussi nous familiariser, en partie, avec cette histoire afin de ne pas commettre d'erreurs en allant voir une personne et en supposant qu'il ne s'agit que des quatre dernières semaines. C'est bien plus que cela".
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