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Pourquoi les femmes sont-elles plus friandes de porno depuis le confinement ?

Photographed by Anna Jay
"Dessins animés hentai tentacules de pieuvre, gang bang hard core, humiliations... Ça ne ressemble à aucune expérience sexuelle que j'ai eue et ça ne m'excite pas vraiment non plus. C'est juste que je m'ennuie", nous confie Eloïse*, 29 ans. Avant la pandémie de coronavirus, Eloïse regardait du porno environ deux fois par semaine. Maintenant, c'est presque tous les jours. 
Elle n'est pas la seule. On remarque une forte corrélation entre la hausse de la consommation et l'annonce du premier confinement en mars 2020. Les statistiques fournies par Pornhub montrent que le trafic du site en provenance la France a augmenté de 38,2 % dans la période qui a suivi le confinement, certes, en partie parce que le site offrait son contenu premium gratuitement - mais à la fin de cette offre, le trafic du site était encore en hausse par rapport à la moyenne quotidienne.
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Le service de partage de vidéos par abonnement OnlyFans a connu une augmentation de 150 % des recherches au cours de l'année dernière, et compte désormais plus de 90 millions d'utilisateurs et plus d'un million de créateurs de contenu.
La consommation de porno d'Emma* est passée de "inexistante" à une "consommation bi-hebdomadaire". Cette bénévole célibataire et hétéro de 32 ans n'était pas une consommatrice de porno régulière, mais elle avoue : "En mars dernier, avoir une vie sexuelle est devenu quasi impossible, alors j'ai pensé que je pourrais renouer avec ma sexualité d'une manière ou d'une autre".
Quant à Eloïse, une lesbienne qui travaille dans la sécurité, elle s'est toujours servi du porno comme d'une sorte d'électrochoc, et non pour "prendre son pied". "Le temps que je passe devant le porno a augmenté uniquement parce que je n’ai pas grand chose d'autre à faire en ce moment", explique-t-elle. 
Pour Rebecca*, 24 ans, qui travaille dans la fonction publique et qui s'est confinée avec l'homme qu'elle fréquentait depuis six ans, le porno lesbien a toujours été son péché mignon. Elle raconte à Refinery29 qu'elle s’y adonnait tous les deux mois, mais que sa consommation a considérablement augmenté depuis le premier confinement.

Les statistiques fournies par Pornhub montrent que le trafic du site en provenance la France a augmenté de 38,2 % dans la période qui a suivi le confinement.

"J'arrivais mieux à m'imaginer [dans un scénario avec une autre femme]", explique-t-elle. "C'est plus doux et il est question de donner du plaisir plutôt que d'en recevoir, c'est ainsi que je vois le porno hétéro". 
Mais que signifie cette hausse de la consommation de porno pour celles et ceux qui le consomment ? Et quels peuvent être les effets sur notre mental quand nous sommes exposé·e·s à plus d'images des parties génitales d'inconnu·e·s par une froide soirée de confinement, que nous n'avons vu de visages amicaux en toute une année ? 
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Charlene Douglas, thérapeute psychosexuelle et conseillère psychodynamique, affirme que le porno est souvent utilisé comme un moyen d'explorer des aspects de la sexualité que l'on ose pas aborder. Elle explique à Refinery29 : "Il y a tout un tabou autour du sexe qui a toujours été présent et qui peut être limitant. Lorsqu'on n'est pas capables d'exprimer ce dont on a vraiment envie et ce qu'on aime, la pornographie fournit une plateforme pour explorer ces aspects".
Bien que les statistiques de Google Trends montrent une forte augmentation pour la recherche de porno en ligne d'une année sur l'autre dans les semaines qui ont suivi le confinement, cette tendance s'est atténuée au fil de l'année. Les dernières statistiques de Pornhub s'arrêtent en juin et la société n'a pas répondu à la demande de commentaires de Refinery29 à ce sujet. Il est évident que Pornhub a connu une baisse de trafic depuis décembre 2020, date à laquelle elle s'est engagée à ne jamais publier de contenus non-consensuels et a supprimé 9 millions de ses 13 millions de vidéos.
Mais c'est un peu avant cela qu'Emma avait mis fin à sa petite histoire avec le porno. "J'étais trop angoissée par la pandémie pour vraiment apprécier le porno. Je me suis également rendu compte, grâce à des podcasts sur les femmes dans l'industrie, que les films pornographiques ne sont pas toujours compatibles avec mes valeurs et, au fond, pourquoi regarder ces choses-là ?
Elle se sent toujours coupable après avoir regardé du porno. "Dès que tu as fini, tu es dégoûté, et c'est tellement triste. Le porno n'a rien fait pour soulager mon sentiment de solitude", ajoute-t-elle. 
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Charlene reconnaît que le porno peut avoir des effets négatifs, même plus tard. "Les gens pensent qu'une fois que vous refermez l'ordinateur, c'est fini, mais ces souvenirs s'impriment dans votre esprit et vont être déclenchés plus tard par différents éléments", explique-t-elle. "Il se peut que lors de relations sexuelles, vous n'arriviez pas à être dans le moment parce que vous repensez à ces images sexuelles choquantes".
La consommation de porno d'Eloïse, qui comprend les images des plus choquantes - mais, s'empresse-t-elle d'ajouter, légales -, se poursuit à un rythme régulier depuis le dernier confinement. "Je serais ravie de trouver quelque chose de visuel qui m'excite, mais je n'y arrive pas. Peut-être que pour moi, c'est un défi de réussir à être excitée par le porno", explique-t-elle. Elle rit et ajoute : "Peut-être qu'il y a vraiment quelque chose qui ne va pas chez moi ?"
Et même si la consommation de nombreuses femmes n'est pas aussi extrême que celle d'Eloïse, les confinements ont privé un grand nombre de personnes du lien humain que le porno prétend remplacer : l'intimité sexuelle. De nombreux professionnels de la santé sexuelle recommandent la pornographie éthique comme outil favorisant l'intimité lorsqu'on la regarde en couple ou comme outil de masturbation en solo. Mais Charlene prévient que si vous vous tournez vers le porno pour apaiser des sentiments négatifs, cela peut en réalité les aggraver. 
"Si vous vous sentez isolé ou seul, en particulier durant le confinement, la pornographie peut vous plonger dans une spirale infernale et aggraver votre sentiment d'isolement", prévient-elle. 
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Pour Rebecca, cependant, c'est le contraire qui se produit. "Je me sentais moins isolée et seule dans ma relation en regardant ça", explique-t-elle. Il y avait, ajoute-t-elle, quelque chose dans la combinaison du confinement et du porno lesbien qui lui a permis de s'échapper. "Dans la vie normale, il est facile d'ignorer les problèmes dans une relation, mais le fait de passer beaucoup plus de temps avec mon partenaire pendant le confinement m'a permis d'y voir plus clair".
À la fin de l'été 2020, elle a rompu avec son petit ami et s'est enfin rendu compte que c'est sa bisexualité latente qui l'avait attirée vers le porno lesbien. Un problème cependant : elle n'y a plus accès depuis qu'elle a quitté l'appartement qu'elle partageait avec son ex. "J'ai bien essayé de regarder du porno chez mes parents, mais ils ont un filtre Internet et c'est à la campagne, donc il n'y a pas de réseau de données mobile", dit-elle. 

Quand on ne fait pas l'amour, mais qu'on utilise le porno comme seul exutoire, cela peut être assez déprimant

emma, 32 ANS
En France, on estime que près de cinq millions de Français·e·s vivent chez leurs parents ou chez leurs grands-parents en raison de problèmes financiers que la récession post-pandémique va inévitablement exacerber. Emma est l'une de ces personnes. Elle passe le confinement en attendant de retrouver un appartement, ce qui exclut pour l'instant le porno. "De toute façon, je n'engagerais même pas cette partie de mon cerveau, il n'y a rien de sexy à avoir 32 ans et à vivre chez ses parents", plaisante-t-elle.
Emma attend de pouvoir à nouveau faire des rencontres et a arrêté de se servir du porno comme d'un pansement pour combler son manque d'intimité. "Quand on ne fait pas l'amour, mais qu'on utilise le porno comme seul exutoire, cela peut être assez déprimant", indique-t-elle. "J'essaye de ne pas y avoir recours quand je me sens seule".
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Rebecca, quant à elle, a eu la chance de pouvoir retourner à son appartement à Londres, et a pu faire quelques rencontres à la levée du confinement. Elle continue de consommer du porno, mais dit que c'est différent maintenant. "Avant, j'allais sur des sites comme Pornhub, mais depuis que je suis plus ouverte sur ma sexualité - et pas seulement sur mon attirance pour les femmes - mes amis m'ont recommandé des façons plus éthiques de regarder du porno. J'utilise par exemple le site porno Erika Lust et cela atténue le sentiment de culpabilité à l'idée que ce que je consomme pourrait ne pas être éthique", explique-t-elle.
Aussi complexe que soit sa relation avec le porno, il est indéniable que celui-ci aide Emma à explorer sa sexualité d'une manière qui lui est impossible dans la vraie vie en ce moment. "Je trouve que c'est une bonne chose de faire ça au moment où je découvre et accepte ma sexualité", me dit-elle. "Je peux définir ce que j'aime et ce que je n'aime pas, et je pense que c'est peut-être une meilleure façon de mettre les choses au clair avant de coucher avec des femmes".
Le porno est loin d'être parfait. Les abolitionnistes - tant les féministes radicales que les religieux conservateurs - en critiquent l'accessibilité, l'agressivité et l'anonymat. De nombreux hommes qui infligent des violences aux femmes au lit s'inspirent de la violence présentée dans la pornographie mainstream.
Alors que le débat fait rage sur les façons de rendre le porno plus éthique, nous devons aussi nous demander dans quelle mesure nous voulons adopter un comportement éthique. Est-il vraiment bon pour nous de consommer quelque chose qui nous fait nous sentir mal ? Pouvons-nous déterminer ce que nous attendons du sexe sans recourir au porno ? Charlene dit que de bien comprendre cette industrie nous aide à comprendre non seulement ce que le porno que nous regardons peut signifier pour notre vie, mais aussi comment notre vie réelle joue dans ce que nous voulons regarder et à quelle fréquence. Nous devons, conclut-elle, avoir conscience de ce que nous regardons. "Si vous constatez que vous regardez beaucoup de porno et que vous ne le faisiez pas avant, il convient d'explorer ce que vous faisiez avant et comment vous êtes arrivé là où vous êtes aujourd'hui".
*Les noms ont été changés pour protéger les identités 
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