Limites. Si vous n'avez pas entendu ce mot lors de vos séances de thérapie, vous l'avez certainement vu partagé sur les réseaux sociaux. C'est le mot tendance qui souligne l'importance de protéger notre propre espace physique et émotionnel tout en encourageant les autres à faire de même. L'idée de fixer des limites est la suivante : en exprimant ce avec quoi vous êtes à l'aise et ce avec quoi vous ne l'êtes pas, et comment vous souhaitez être traité·e, vous protégez votre identité et votre bien-être.
Depuis la pandémie, la popularité de ce terme a été alimentée par la nécessité pour les gens de trouver un équilibre entre de nouvelles routines et priorités, tout en prenant soin d'eux-mêmes. Pensez à la pression du confinement, où tant d'entre nous ont dû vivre avec des membres de la famille imposés ou avoir des conversations inconfortables avec des ami·e·s sur les raisons pour lesquelles nous ne participerions pas à des rassemblements sociaux inappropriés. C'est à cause de cette expérience traumatisante que beaucoup d'entre nous se sont senti·e·s obligé·e·s de fixer des limites qu'elles ou ils n'avaient pas encore mises en place. Ou de renforcer celles que nous essayions d'établir depuis longtemps.
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Pourtant, alors que beaucoup d'entre nous sont occupé·e·s à parler et à lire sur les limites, il y a encore un grand nombre de personnes qui ne savent pas comment communiquer efficacement leurs besoins. En effet, le mot "limite" peut souvent prêter à confusion. Il véhicule l'idée que vous devez vous retirer d'une situation ou d'une personne qui vous cause de l'angoisse ou des difficultés. Il est troublant de constater que cela semble souvent coïncider avec le déni des situations - qu'il s'agisse d'amitiés ou de relations professionnelles - et des personnes - qu'il s'agisse de membres de la famille ou d'ex-partenaires - comme étant "toxiques".
En tant qu'apprentie thérapeute psychodynamique, il m'arrive souvent d'entendre que la majorité des relations platoniques et romantiques échouent parce que les limites n'ont pas été communiquées. Au lieu d'aborder la situation et d'établir des règles saines, les gens préfèrent ghoster ou qualifier l'autre personne de "toxique". Cela crée une culture du blâme qui est non seulement contre-productive mais qui permet aux gens d'éviter d'être responsables de leurs propres réactions.
J'ai vu d'innombrables mèmes sur des comptes de thérapie Instagram qui prétendent nous aider à identifier les personnes toxiques. La vérité est qu'à l'exception de certaines circonstances extrêmement graves où une personne a commis des abus, très peu de personnes sont "toxiques". Et même dans ces circonstances graves, qualifierions-nous de "toxique" un violeur ou un conjoint violent ? Probablement pas. Il existe d'autres termes pour décrire leurs actions.
En réalité, la mise en place de limites saines doit être considérée comme un acte visant à renforcer les relations plutôt qu'à construire des murs pour empêcher les gens d'entrer ou, en fait, pour éviter d'avoir des conversations difficiles sur nos besoins et nos sentiments.
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Il suffit de regarder des émissions de télé-réalité comme Love Island et L'incroyable famille Kardashians, où des disputes dramatiques se produisent toutes les cinq minutes, pour comprendre pourquoi cela est important. Ces disputes sont souvent le résultat d'une mauvaise communication, où les deux parties font rapidement taire l'autre au lieu de parler et d'écouter. Il y a ensuite les plateformes de réseaux sociaux, comme Twitter, où les commentaires des gens sont démolis. Bien sûr, il y a des occasions où nous devons nous insurger contre des opinions qui encouragent les préjugés raciaux, le sexisme et l'homophobie ou qui renforcent toute forme d'inégalité, mais nos réactions doivent être canalisées vers des moyens plus productifs si nous voulons provoquer le changement. Cette tactique de communication est exactement le même principe à suivre pour poser des limites saines.
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Lorsque les gens fixent des limites, il ne s'agit pas d'une tentative de blesser ou de rejeter une personne. C'est une tentative de poursuivre leur relation avec cette personne. Les limites sont fixées dans l'espoir que vous puissiez mieux comprendre les besoins de l'autre à l'avenir.
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Fixer des limites semble relativement simple quand on le lit noir sur blanc. Alors pourquoi est-il devenu difficile d'exprimer ce que nous ne pouvons pas tolérer ? De décrire et de discuter de ce qui nous fait mal ?
Un manque de limites est souvent dû à un certain nombre de raisons, comme la peur de contrarier ou de décevoir les autres. Les personnes qui n'ont pas de limites ont généralement un niveau élevé de besoin (ou en termes psychologiques, de codépendance) et ont tendance à lutter contre l'idée d'être rejetées ou de ne pas être aimées. Ensuite, nous avons celles et ceux qui préfèrent blâmer les autres pour leurs propres émotions et actions plutôt que d'en assumer la responsabilité. Ce manque d'appropriation peut créer de la confusion chez toutes les personnes impliquées, conduisant à des reproches excessifs et déplacés. En psychologie, nous appelons cela "mécanisme de défense, projection".
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Lorsque nous projetons, nous avons tendance à placer une partie inacceptable de nous-mêmes, comme des pensées, des sentiments et des traumatismes, sur quelqu'un d'autre. C'est comme si vous alliez chez quelqu'un et que vous y mettiez votre désordre, puis que vous détestiez cette personne parce que sa maison est en désordre. La projection est un moyen facile d'éviter de rendre des comptes en rejetant la faute sur quelqu'un d'autre, et c'est souvent le signe que des limites saines doivent être fixées.
Alors comment mettre un terme à cette culture du blâme ? Tout d'abord, nous devons identifier nos propres limites, puis communiquer ces besoins avec assurance. Ensuite, décidez et expliquez quelles sont les conséquences lorsque vos limites sont dépassées. Vous serez influencé·e par le contexte et la personne, mais lorsque vous maintenez des limites solides, il est important de faire ce que vous avez dit que vous feriez. Si les limites sont souvent d'ordre émotionnel, elles peuvent prendre de nombreuses formes, notamment physiques, matérielles et temporelles. Voici à quoi peuvent ressembler certaines limites dans la pratique :
Les limites émotionnelles
Fixer des limites émotionnelles signifie reconnaître la quantité d'énergie émotionnelle que vous pouvez absorber d'une autre personne et ce que vous pouvez et ne voulez pas partager ou tolérer. Fixer une limite émotionnelle peut être : "Je comprends que tu traverses beaucoup de choses en ce moment, mais je mérite d'être traitée avec respect. Je ne tolérerai pas tes abus et je vais m'éloigner de cette situation".
Les limites physiques
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Fixer des limites physiques est l'acte de définir votre espace personnel et vos besoins physiques. Poser une limite physique peut ressembler à : "Je n'aime pas faire la bise, je préfère les poignées de main quand je salue les gens".
Les limites temporelles
Votre temps est précieux et il est important de protéger la manière dont votre temps et votre énergie sont hiérarchisés. Une limite temporelle peut ressembler à ceci : "Je peux venir à cet événement mais je partirai après une heure".
Limites matérielles
Les limites matérielles peuvent être n'importe quoi que vous possédez, comme votre maison, argent, vêtements etc. Avoir des limites sur vos biens empêche la rancœur. Fixer des limites matérielles pourrait ressembler à : "Je ne peux pas te prêter ma voiture car je suis la seule personne assurée pour la conduire".
Les limites mentales
Il est important d'avoir ses propres croyances, valeurs et opinions. Avoir des limites mentales signifie aussi respecter les croyances des autres. Fixer cette limite peut ressembler à ceci : "Je respecte ton opinion, même si je ne suis pas d'accord, et j'espère que tu peux respecter le mien".
Respecter les limites ci-dessus est plus facile à dire qu'à faire, surtout pour celles et ceux qui ont peur de la confrontation. Cependant, il est important de développer une tolérance à cet inconfort et, au lieu d'éviter les conversations difficiles, d'énoncer calmement ce dont vous avez besoin. Une personne avec des limites solides n'a pas peur de la colère de quelqu'un ou d'un argument ; une personne avec des limites faibles l'est. Il est essentiel de garder à l'esprit que fixer des limites ne répondra jamais aux besoins de tout le monde, ce qui peut créer des tensions. Si vous voulez avoir des limites solides, vous devez comprendre que vous ne pouvez pas déterminer ce que ressent une autre personne. Vous n'êtes pas non plus responsable de sa réaction. Une relation saine ne consiste pas à assumer la responsabilité des émotions de l'autre personne, mais plutôt à se soutenir mutuellement dans la construction d'une haute estime de soi.
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Une fois que vous avez réussi à communiquer vos besoins, il est important de se rappeler qu'il appartient à la personne d'accepter vos limites, mais qu'il vous incombe de les faire respecter. Il peut être exaspérant de voir quelqu'un continuer à dépasser vos limites, mais il est important d'être cohérent, compatissant et ferme dans ces situations. Construire des relations saines peut être un processus difficile mais, en fin de compte, cela permet à vos relations d'être mutuellement respectueuses et attentionnées.
Pour celles et ceux qui préfèrent encore éviter la confrontation ou rejeter la responsabilité sur d'autres, gardez à l'esprit que lorsque les gens fixent des limites, il ne s'agit pas d'une tentative de blesser ou de rejeter une personne. C'est une tentative de poursuivre leur relation avec cette personne. Les limites sont fixées dans l'espoir que vous puissiez mieux comprendre les besoins de l'autre à l'avenir.
Stina Sanders est une apprentie thérapeute psychodynamique.