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Sexe : être “bottom”, ça veut dire quoi au juste ?

Photographed by Savanna Ruedy
Je me souviens d'un post sur Tumblr qui, comme beaucoup de posts Tumblr ont tendance à le faire quand on a 16 ans et qu'on utilise l'ordinateur familial tard le soir, a changé ma vision des vagins à tout jamais. L'utilisateur analysait la sémantique de la façon dont nous parlons de sexe. Pourquoi, voulait-il savoir, le sexe est-il toujours considéré comme la pénétration d'un pénis dans un vagin ? Pourquoi les pénis devraient-ils toujours être dominants et les vagins soumis ? Et si nous inversions le scénario ? Et si le vagin enveloppait ou circlusait le phallus ? Et si c'était le pénis qui était soumis dans ce duo ?
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Cet exemple hétéronormatif peut tout aussi aisément s'appliquer aux relations queer. La personne qui reçoit est appelée "passif" ou bottom, celle qui donne "actif" ou top. Ce langage se prête aux stéréotypes selon lesquels la première serait soumise et la seconde dominante. En effet, les termes "top" et "bottom" sont souvent utilisés de manière interchangeable avec les termes "dom" et "sub", mais est-ce toujours exact ? Et est-ce une hypothèse fondée ?
En 2018, une enquête d'Autostraddle a découvert que 47,4 % des bottoms lesbiens préfèrent ne pas avoir activement "le contrôle" lors des rapports sexuels et que seulement 41 % des bottoms s'identifient comme kinky. 
Nate*, un homme trans qui s'identifie comme versatile, a contribué à l'enquête en apportant une précision importante : "Être bottom n'implique pas forcément de lien avec le kink (idem pour le fait d'être actif), alors que soumis (et dominant) signifie quelque chose de plus spécifiquement lié au monde du kink et au jeu de pouvoir."

Ce que font les doms - donner plutôt que recevoir - demande plus de soumission.

Bethan, 26 ans
Fran*, 25 ans, une femme queer soumise de Londres, pense que cette distinction est incroyablement importante, non seulement pour le sexe, mais aussi pour la libération des personnes queers. "Top et bottom sont des termes génériques pour donner et recevoir", me dit-elle. "Mais j'ai l'impression que ces termes sont issus de tentatives de faire entrer les relations de femmes qui aiment des femmes dans un stéréotype hétéronormatif. Je m'oppose fermement à cela, donc je préfère me qualifier de soumise plutôt que de bottom."
Une fois encore, le stéréotype veut que recevoir soit un acte traditionnellement féminin dans les relations hétérosexuelles et que, par conséquent, être la "femme" de la relation soit un rôle intrinsèquement soumis. Cet amalgame pue le sexisme d'une époque révolue où la femme est considérée comme inférieure à l'homme et où donc recevoir, c'est aussi être plus faible.
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Lucy Rowett, sexologue clinicienne qui collabore avec la marque de bien-être sexuel Pleasy Play, nous demande de reconsidérer le fait d’être "passif" et la soumission en général comme une rébellion contre les rôles de genre dépassés. "Rappelez-vous que si vous êtes dans une relation lesbienne ou que vous êtes une femme queer, vous défiez déjà les rôles et les attentes liés au genre. Et si vous envisagiez le fait d'être passif comme une autre forme de rébellion contre ces rôles et de fidélité à vous-même ? " s'enthousiasme-t-elle.
Indépendamment de la sexualité ou du genre, de l'implication ou non d'un kink tel que le BDSM, plus vous parlerez à des "bottoms" ou des "sub", plus vous trouverez un point commun : ils partagent un sentiment de liberté", ajoute-t-elle.  
En bref, ajoute-t-elle, en pratiquant des actes qui ne nous apportent que du plaisir, qui nous apportent la liberté, nous pouvons trouver une sorte de libération et de pouvoir subversifs dans le fait d'être un soumis ou passif. 
Cependant, il n'est pas toujours vrai que la femme est la personne qui "reçoit" dans une relation hétéronormative. Il est possible pour deux personnes cis hétéro ou bisexuelles d'être dans une relation où l'homme préfère recevoir et la femme préfère donner (à savoir : le pegging). 
Alors, que faire ? Le problème que pose le fait de considérer ces étiquettes comme "hétérosexuelles" n'est pas sans rappeler les féministes lesbiennes des années 1970 qui se sont mobilisées contre les termes "butch" et "femme", arguant que ceux-ci imitaient les rôles relationnels hétérosexuels. Ce discours reste controversé aujourd'hui, mais il s'agit d'une façon dépassée d'envisager l'homosexualité. Les identités "femme" et "butch" restent importantes pour notre communauté, notre histoire et nos identités. Le fait d'écarter complètement les étiquettes "top" et "bottom" du langage queer me donne l'impression de répéter les erreurs du passé. 
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"Pour moi, l'acte de donner demande plus de soumission", partage Bethan, 26 ans, une bisexuelle soumise basée à Londres. "Ce que font les tops - donner, plutôt que recevoir - peut définitivement être plus soumis... Par exemple, si une femme s'assoit sur votre visage et vous utilise pour son plaisir, ça ressemble à un acte de domination."
@theayapapaya

My humor lately has only consisted of pegging jokes I’m sorry #fyp #foryoupage #superbowlliv #couplegoals #groupchat #boyfriend

♬ original sound - teresaatm_
Vous retrouverez également cette idée dans la culture pop qui se crée autour du pegging. Les mèmes sur le pegging suggèrent qu'il y a beaucoup plus d'hommes qui aiment la pénétration que ce que notre éducation sexuelle limitée au collège nous a permis d'imaginer. Traditionnellement, le pegging est aussi très stigmatisé. Le même problème que les lesbiennes décrivent avec la dynamique "top" et "bottom" se répète ici : supposer qu'être pénétré·e équivaut à se soumettre implique que prendre le rôle "féminin" est automatiquement un acte de soumission. Non seulement la soumission est présentée comme négative, mais elle implique que le fait d'être une femme est également négatif. La réalité est que la soumission et le fait d'être une femme ne vont pas nécessairement de pair ; sinon, comme le dit Fran, "on ne verrait jamais de femmes doms".
Jessica*, une femme soumise de 28 ans qui aime aussi enfiler des godes ceinture, explique que le pegging n'est pas nécessairement lié à un jeu de pouvoir. "J'ai toujours été soumise au lit, au point que le fait d'être dominante me met extrêmement mal à l'aise", me dit-elle. "Cela dit, j'ai vraiment aimé pratiquer le pegging avec mon ex - qui était aussi mon dom - et cela n'a en rien diminué ma soumission." 
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"Comme notre dynamique relationnelle était déjà fermement établie, il me semblait naturel et même soumis dans un certain sens d'être la personne qui lui donnait du plaisir de manière aussi intime", poursuit-elle. "Si de nombreuses personnes qui apprécient le pegging sont soumises, je pense qu'il est important de reconnaître qu'il est possible de le pratiquer sans renoncer à ces sentiments de soumission."
Ness Cooper, sexologue chez The Sex Consultant, confirme que les décisions concernant qui est actif, qui est passif, qui domine et qui est soumis ne peuvent être prises que par les personnes qui se trouvent dans la relation en question. Si vous êtes tou·tes deux adeptes des jeux de pouvoir de manière consensuelle, vous pouvez utiliser librement les termes "top" et "bottom" si vous les préférez à "dom" et "sub"", dit-elle.
Ness souligne également l'importance de se pencher sur votre relation et de décider de ce qui vous convient le mieux. "N'oubliez pas que notre sexualité est grandement influencés par le monde qui nous entoure", poursuit-elle, "mais prendre le temps d'apprendre à vous connaître peut se révéler utile, car personne d'autre ne connaît entièrement votre monde pour ce qui est de votre vision de la sexualité et du sexe." 
Qui plus est, les seules personnes qui ont besoin de savoir comment vous décrivez votre sexualité et comment vous abordez le sexe sont celles avec qui vous êtes intime. Une étiquette est loin de justifier que l'on vous force à participer à une dynamique qui ne vous plaît peut-être pas ou avec laquelle vous n'êtes pas à l'aise. Tant que vos rapports sexuels sont consensuels et vous procurent du plaisir, les étiquettes ont la signification que vous leur donnez.
Comme l'expliquent Jessica et Ness, la dynamique d'un couple - qu'il s'agisse de top et bottom, de dom et sub ou de tout autre type de rôle que vous souhaitez endosser - est aussi unique que la relation en question. Supprimer les étiquettes ne fait que diminuer la nature hautement personnelle de chaque relation et peut conduire à invalider les personnes qui ne correspondent pas aux définitions strictes des rôles sexuels et kinky. 
*Les noms ont été changés pour préserver l'identité des personnes interrogées
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