Un nombre inconnu de femmes souffrent de vaginisme après la pose douloureuse d'un stérilet (également connu sous le nom de dispositif intra-utérin ou DIU). Le vaginisme est un trouble psychosexuel qui touche environ 1 à 3 % des femmes et des personnes ayant un col de l'utérus, bien qu'il soit généralement sous-diagnostiqué et qu'il n'existe pas de statistiques exactes. Pour les personnes qui en souffrent, toute forme de pénétration vaginale devient douloureuse, inconfortable et, pour certaines personnes, impossible.
Hannah, une étudiante de 24 ans, fait partie de ce dernier groupe. Elle souffre aujourd'hui d'un vaginisme douloureux qui a changé sa vie après la pose d'un stérilet qui, dit-elle, l'a laissée "à l'agonie".
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Le vaginisme est causé par la réaction automatique du corps à la peur de la pénétration. Quelque chose dans votre cerveau déclenche une contraction des muscles vaginaux, parfois au point que vous ne pouvez même plus voir l'ouverture du vagin. Il existe deux types de vaginisme : le vaginisme primaire, qui se manifeste avant les premiers rapports sexuels, et le vaginisme secondaire, qui se déclenche plus tard dans la vie, à la suite d'une intervention médicale douloureuse, d'une infection ou d'une agression sexuelle.
Hannah souffre de vaginisme secondaire. Lorsqu'elle s'est rendue chez son médecin généraliste pour une consultation préalable afin de discuter de la pose d'un stérilet - un dispositif contraceptif en forme de T qui est inséré dans l'utérus pour éviter une grossesse -, elle ne s'attendait pas à ce qu'on lui propose de lui poser sur-le-champ.
"J'étais un peu décontenancée", raconte-t-elle à Refinery29. "Mais j'avais déjà pris ma décision, alors je me suis dit : pourquoi pas ?".
Après avoir connu une période difficile avec la pilule, Hannah a décidé d'opter pour le stérilet parce qu'elle ne voulait pas avoir à se soucier de se rappeler de prendre la pilule tous les jours, ni des autres effets secondaires liés à la contraception hormonale (comme les problèmes de santé mentale). "La pilule a perturbé mes émotions", explique Hannah.
Selon Bayer, le stérilet au cuivre (sans hormones) est efficace à 99 % pour prévenir une grossesse et dure entre cinq et dix ans. Hannah pensait que c'était une solution de facilité.
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"La procédure était différente de tout ce que j'avais vécu auparavant", poursuit Hannah. "Une assistante m'a tenu la main et j'ai senti le stérilet s'enfoncer. C'était une sensation bizarre et inconfortable mais pas forcément douloureuse au début".
Bien qu'elle se soit d'abord sentie bien, Hannah a commencé à se sentir faible petit à petit. Puis elle s'est mise à vomir quelques minutes plus tard. On l'a mise dans un fauteuil roulant et on l'a fait s'allonger. Puis son médecin généraliste lui a dit que son "col de l'utérus avait subi un choc" à la suite de l'intervention, ce qui peut se produire en raison de la stimulation des nerfs du col de l'utérus. Une fois rétablie, le père d'Hannah est venu la chercher et l'a ramenée chez elle.
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Chaque fois que nous avions des rapports sexuels, j'avais des douleurs atroces après. Je devais m'allonger sur le sol car j'avais des vertiges si je me levais. Je n'avais jamais ressenti une telle douleur.
Hannah, 24 ans
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La douleur ne s'est pas arrêtée là. "Les jours qui ont suivi ont été une véritable agonie", raconte-t-elle. "Avant d'avoir mon stérilet, je n'avais jamais vraiment connu de crampes menstruelles, mais j'ai commencé à en avoir tellement […] que je devais m'allonger à même le sol".
"Je me sentais tellement malade et étourdie et je ne pouvais rien faire d'autre qu'attendre qu'elles passent, y compris pour travailler", poursuit Hannah. "Rien ne m'aidait vraiment pleinement à supporter la douleur, je prenais des antalgiques et j'avais une bouillotte, mais ça ne les faisait pas disparaître".
Hannah commençait une nouvelle relation à l'époque et après avoir attendu le temps recommandé (environ trois jours), elle a tenté d'avoir des rapports sexuels avec son copain.
"Chaque fois que nous avions des rapports sexuels, j'avais des douleurs atroces après", raconte-t-elle à Refinery29. "Je devais m'allonger sur le sol car j'avais des vertiges si je me levais. Je n'avais jamais ressenti une telle douleur. Les semaines ont passé et rien n'a vraiment changé, mais mon médecin généraliste m'avait dit qu'il fallait environ 12 semaines pour que la situation se stabilise, alors j'ai attendu".
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Douze semaines ont passé. Toujours rien n'avait changé.
"Les rapports sexuels après la pose de mon stérilet n'ont plus jamais été les mêmes, je n'y prenais plus goût", raconte Hannah. "Je pense que, psychologiquement, j'avais associé le sexe à la douleur et non au plaisir, si bien que ma libido a massivement diminué, et chaque fois que mon copain et moi faisions l'amour, mon vagin ne pouvait jamais se détendre ; il était toujours très serré et sensible. Nous étions également limités dans les positions que nous pouvions adopter ; avec certaines, s'il allait trop loin, cela faisait mal et je sentais le stérilet cogner contre quelque chose à l'intérieur de moi".
Finalement, Hannah est retournée chez le médecin généraliste pour un scanner et des analyses de sang. Elle a dit à son docteur qu'elle pensait souffrir d'un vaginisme secondaire. "Il voulait obtenir les résultats des tests avant d'approfondir le sujet", raconte-t-elle. "Mais ensuite, il a semblé se désintéresser de la question. Un médecin généraliste a suggéré que c'était une chose courante dans ma tranche d'âge - que ça allait 'passer' - et m'a même recommandé de boire un verre d'alcool avant les rapports sexuels pour m'aider à me détendre". Oui, vous lisez bien. Mais la triste réalité, c'est qu'Hannah n'est malheureusement pas la seule personne souffrant de vaginisme à qui un médecin généraliste recommande de boire de l'alcool.
Le Dr Laura Jarvis, médecin spécialiste de la santé sexuelle et reproductive et porte-parole de la Institute of Psychosexual Medicine, qui travaille avec le Royal College of Obstetricians and Gynaecologists (RCOG), a déclaré à Refinery29 : "Les causes du vaginisme ne sont pas toujours claires, mais il est possible qu'une expérience désagréable ou inconfortable puisse induire une peur de la pénétration, ce qui pourrait amener le corps à avoir cette réaction automatique par la suite".
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"La façon dont les femmes vivent la pose d'un stérilet est très variée", a-t-elle ajouté. "Si beaucoup de femmes trouvent que la douleur est gérable, certaines trouvent que la pose d'un stérilet peut être très douloureuse, et cela peut alors entraîner une association négative ou un sentiment de douleur".
Le Dr Jarvis précise que si la pose d'un stérilet est "similaire à des crampes menstruelles" pour certaines femmes, d'autres ressentent "une douleur intense" et il peut "être difficile de prévoir comment le corps d'une personne va réagir à la douleur".
Le vaginisme peut avoir un impact énorme sur l'estime de soi, la santé mentale et la qualité de vie globale des personnes qui en souffrent. "Je me suis sentie si anormale pendant très longtemps", raconte Hannah. "Toutes mes amies parlaient de la façon dont leur vie sexuelle était extraordinaire, et je me sentais comme une ratée".
"Je ne profite plus de ma vie comme avant", ajoute-t-elle. "Cette expérience a eu un impact considérable sur mon couple […] et a créé un fossé entre mon copain et moi. Je n'arrive pas à croire qu'on m'ait fait subir cette intervention aussi facilement, sans m'avertir de la douleur, sans me laisser le temps de me préparer et, surtout, sans me donner d'analgésique".
Ce type de douleur est connu pour être courant chez les femmes qui, comme Hannah, n'ont jamais accouché. Selon une étude, 70 % des femmes qui n'ont pas accouché ont ressenti une douleur légère à modérée pendant la pose, tandis que 17 % ont ressenti une douleur intense.
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Malgré le fait que le risque est connu de la communauté médicale, la prise d'antalgique n'est pas systématique en France bien qu'elle peut être recommandée avant la pose d'un stérilet. Vu que cette recommandation n'est pas obligatoire, il semblerait que des médecins omettent de prévenir le ou la patient·e, comme pour le cas d'Hannah.
La Haute Autorité de Santé précise : "l’administration d’antalgiques avant la pose peut être proposée, notamment chez une femme nullipare dans la mesure où son risque de douleur est décrit comme plus élevé que chez la femme multipare".
L'impact réel sur la vie de la pose de stérilets sans analgésie ne peut être sous-estimé.
Liberty, 23 ans, institutrice stagiaire dans une école primaire, souffre d'endométriose, diagnostiquée à 17 ans. Cette affection signifie que les rapports sexuels étaient déjà douloureux pour elle. Sa gynécologue a donc décidé de lui poser un stérilet hormonal sous anesthésie générale pour atténuer ses symptômes. L'intervention s'est bien déroulée et Liberty allait très bien ensuite.
Cependant, en août 2021, Liberty s'est rendue à un rendez-vous de routine avec sa gynécologue et a appris que son stérilet devait être changé en raison de complications liées à son endométriose. Cette fois, elle n'a pas reçu d'analgésique.
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Mon corps s'est refermé. Je pense que c'était l'impact psychologique de ne pas être consciente de ce qui allait se passer lors de ce rendez-vous. Si j'avais su, j'aurais pu me préparer.
liberty, 23 ans
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"Je n'étais pas préparée pour le deuxième ajustement", explique-t-elle. "C'était une expérience gênante dans son ensemble. C'était douloureux, car on ne m'a pas laissé le temps de prendre des analgésiques avant".
Pendant un an et demi après ce rendez-vous, Liberty dit qu'il était impossible d'avoir des relations sexuelles.
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"Mon corps s'est refermé", raconte-t-elle à Refinery29. "Je pense que c'était l'impact psychologique de ne pas être consciente de ce qui allait se passer lors de ce rendez-vous. Si j'avais su, j'aurais pu me préparer. Je suis une personne assez nerveuse et le choc a dû être trop fort pour moi".
"Vivre avec le vaginisme est douloureux, à la fois physiquement et émotionnellement", poursuit Liberty. "Je me sentais contrariée que ma gynécologue m'ait mise dans cette situation, mais j'étais aussi frustrée contre moi-même parce que mon corps avait l'impression d'avoir finalement abandonné, et ma confiance a été massivement abattue, ce qui a été un parcours en soi".
Le Dr Jarvis a déclaré à Refinery29 que "le retrait d'un stérilet ne met pas nécessairement fin au vaginisme".
Quant à la manière dont les professionnel·le·s de santé peuvent mieux soutenir les femmes qui décident de se faire poser un stérilet, le Dr Jarvis a déclaré : "Nous encourageons les professionnels de santé à expliquer ce qui va se passer avant la pose du stérilet et à s'entretenir avec les femmes pendant la procédure. Si la personne souffre, il faut interrompre l'intervention ou lui proposer un traitement antidouleur approprié. Personne ne devrait jamais avoir l'impression d'être 'obligé' de subir une intervention, et ne devrait jamais voir ses inquiétudes rejetées par un professionnel de santé".
"Ce qui est vital, c'est que tous les praticiens reconnaissent que nous sommes tous différents et que, quelles que soient les circonstances, tous les patients ont la possibilité d'envisager des options d'anesthésie - même si cela signifie retarder l'intervention ou la faire réaliser ailleurs", a-t-elle ajouté.
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Le Dr Jarvis et le RCOG se disent "favorables à des recherches plus approfondies pour mieux comprendre pourquoi des niveaux de douleur aussi différents sont ressentis, et pour aider à identifier les personnes susceptibles de ressentir une douleur plus intense".
Il existe un problème d'inégalité entre les genres en matière de soins de santé. Par conséquent, les femmes et les personnes ayant un col de l'utérus ne reçoivent pas le traitement qu'elles méritent.
Le Dr Jarvis a déclaré que toute personne souffrant de vaginisme devait "contacter son médecin et demander à être orientée vers un spécialiste". Elle a ajouté que le traitement de cette affection comprend "des techniques de relaxation et des exercices de musculation vaginale qui peuvent contribuer à rendre le retrait d'un stérilet moins inconfortable". Ce traitement est généralement effectué sous la direction de thérapeutes spécialisés, qui aident à explorer les sentiments de la femme face à la pénétration. Ces spécialistes sont connus sous le nom de "thérapeutes psychosexuel·le·s", car ils sont formés pour prendre en compte à la fois l'esprit et le corps dans leur approche du traitement de problèmes tels que le vaginisme.
Les expériences d'Hannah et de Liberty ne sont pas uniques. Il se peut que l'on soit aujourd'hui plus conscient·e de l'impact potentiel de la pose douloureuse d'un stérilet, mais la question demeure : pourquoi, jusqu'à présent, les femmes ne se voient-elles pas systématiquement proposer un analgésique décent pour ce type de procédure ? Pourquoi minimise-t-on la douleur qu'elle peut causer ?
Si vous, ou une personne de votre entourage, souffraient de vaginisme ou pensaient en souffrir, il existe des solutions. Il est souvent conseillé de consulter un·e sexothérapeute ou sexologue qui travaillera avec vous sur les éventuelles causes du vaginisme. La plateforme digitale Mia.co a également créé un programme par deux experts dans le but d'aider à guérir du vaginisme et des douleurs génitales. Il existe aussi des cliniques ou cabinets médicaux qui propose un traitement par la toxine botulique (ou Botox®) mais celui-ci ne s'adresse pas à toutes les personnes souffrant de vaginisme. Cette dernière pratique doit être discutée en amont avec votre médecin et/ou praticien·ne.
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