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Comment le cancer a changé ma vie sexuelle

Photographie par Karen Sofia Colon.
Lorsque Rebecca, 31 ans, a reçu son diagnostic de cancer du sein début 2019, le sexe avec son partenaire est devenu une heureuse distraction. "Nous étions redevenus comme des ados. Il n'y a rien de tel que d'être confronté à votre propre mortalité pour vous donner envie de vous sentir vivant et rien ne vous fait vous sentir plus vivant que de faire l'amour", a-t-elle déclaré. "Avec le cancer, je me suis sentie abandonnée par mon corps et le sexe est devenu un moyen de me réconcilier avec lui. C'est devenu un acte psychologique indispensable", a-t-elle ajouté.  
Cependant, lorsque Rebecca a commencé la chimio, le traitement a affecté sa vie sexuelle. Plus précisément, elle a commencé à souffrir de sécheresse vaginale, puis de vaginisme, un trouble où les muscles vaginaux se resserrent, empêchant la pénétration. "Quand j'ai demandé à mon médecin si c'était un effet secondaire de la chimio, elle ignorait si c'était fréquent car personne n'en parle." 
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Bien qu'en France, environ une femme sur trois se verra diagnostiquer une forme de cancer au cours de sa vie, son impact sur la sexualité et l'intimité est rarement évoqué dans le milieu médical, et encore moins dans la société en général. Naturellement, le fait de subir un traitement contre le cancer a des répercussions sur votre vie sexuelle de nombreuses façons. "Les difficultés les plus courantes pour les femmes que je vois sont la perte du désir sexuel, les difficultés à être sexuellement excitées ou les changements vaginaux tels que la douleur", explique Isabel White, thérapeute psychosexuelle, spécialisée dans le travail avec les personnes qui ont ou ont eu un cancer. 
Les problèmes proviennent à la fois des répercussions physiques et mentales du traitement. "Il peut s'agir d'une origine physique, comme la ménopause induite par le traitement, très fréquent après les cancers du sein hormonaux, ou de problèmes de santé mentale. La mauvaise humeur et l'anxiété sont deux troubles que l'on retrouve plus fréquemment chez les patient·es atteint·es de cancer que dans la population générale et qui ont un effet négatif important sur le bien-être sexuel." Les changements corporels peuvent également avoir un effet considérable. "La perte de cheveux, le changement de poids ou la perte de parties du corps associées à l'érotisme peuvent avoir un impact négatif sur la confiance en soi et la capacité à se connecter aux autres lors d'une relation sexuelle intime", ajoute Isabel. 

La perte de cheveux, le changement de poids ou la perte de parties du corps associées à l'érotisme peuvent avoir un impact négatif sur la confiance en soi et la capacité à se connecter aux autres lors d'une relation sexuelle intime.

Pour Bronté, à qui l'on a diagnostiqué une leucémie à l'âge de 21 ans, les conséquences physiques de sa maladie ont compliqué le maintien de sa vie sexuelle avec son petit ami de deux ans. "J'étais souvent épuisée lorsque je pouvais voir mon partenaire, ou simplement très malade, et la dernière chose à laquelle je pensais était une partie de jambes en l'air. Avec tous les changements qui se produisaient dans mon corps, j'ai connu de gros problèmes d'image corporelle et d'identité qui ont fait que je me détestais souvent et que je me sentais complètement déconnectée de ce que je voyais dans le miroir. Cela a vraiment eu un impact sur notre intimité, car je ne me sentais tout simplement pas bien dans ma peau, et encore moins sexy". 
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Les aspects pratiques de la maladie ont également été difficiles à gérer. "Nous étions tous les deux à l'université, donc quand j'ai été diagnostiquée, je suis retournée chez mes parents pour le traitement, ce qui impliquait que nous étions à trois heures de route l'un de l'autre", explique Bronte. Retrouver une vie sexuelle a été un long processus. "Trois ans plus tard, je continue à me reconstruire lentement et à découvrir de nouveaux intérêts et désirs. À mesure que je me découvrais et que commençais à me reconnaître dans le miroir, je suis devenue plus confiante et la vie intime a naturellement pris le pas. Il a fallu beaucoup de temps pour que ma libido reprenne et j'ai la chance d'avoir un partenaire qui m'a soutenue tout au long du processus."
On conseille à certain·es patient·es atteint·es de cancer d'éviter complètement les rapports sexuels. Maria, à qui on a diagnostiqué une leucémie à l'âge de 17 ans, s'est vu dire de s'abstenir complètement de toute activité sexuelle en raison du risque d'infection. "C'était comme une ceinture de chasteté imaginaire", dit-elle. Célibataire à l'époque, elle a constaté que sa libido avait aussi complètement diminué. "Avant, je pensais beaucoup à l'amour et au sexe, mais ça a complètement changé", ajoute-t-elle. Pendant cette période, elle s'est également inquiétée de la façon dont elle pourrait à nouveau faire des rencontres. "J'ai commencé à déprimer en y pensant et je me suis dit que je ne serais plus assez bien pour personne, car je ne pensais pas pouvoir être à la hauteur des attentes d'un homme." 
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Kimia, aujourd'hui âgée de 30 ans, a également eu du mal à faire des rencontres après avoir souffert d'un lymphome non hodgkinien à l'âge de 21 ans. Au début, je craignais de sortir à nouveau avec quelqu'un, mais comme ma confiance a augmenté après mon coming-out en tant que bi, je me suis dit : "Voilà qui je suis, et si les partenaires potentiel·les réagissent bizarrement à mon histoire de cancer, alors tant pis. Dès que les gens voient mes cicatrices, je leur raconte toute l'histoire", explique-t-elle. "Heureusement, je suis maintenant dans une relation amoureuse avec quelqu'un qui ne me traite pas différemment", a-t-elle ajouté.
Pour certaines femmes, renouer avec leur sexualité après un cancer est rendu plus difficile par les médicaments qui leur sont prescrits pour empêcher le cancer de revenir. Joon, à qui on a diagnostiqué un cancer du sein à l'âge de 37 ans, doit prendre du tamoxifène pour une période pouvant aller jusqu'à 10 ans. Ce médicament très couramment prescrit induit une ménopause précoce. "C'est comme si votre vie la plus intime - votre peau, votre sexualité et votre intimité avec votre partenaire - partait en fumée. Vous vous sentez comme une vieille", nous a-t-elle confié. "J'avais une vie sexuelle saine avant, mais brusquement, je n'avais plus aucune envie de faire l'amour". La sécheresse vaginale est également un vrai casse-tête."

On m'a dit clairement qu'il ne fallait pas tomber enceinte pendant le traitement de mon cancer, mais personne ne m'a donné de conseils sur les alternatives.

Contrairement aux traitements masculins (par exemple, le Viagra), il existe moins d'options de médicaments pouvant améliorer la vie sexuelle des femmes. Comme dans tant de domaines de la santé féminine, le décalage est ici très important. "Il est plus difficile d'obtenir des fonds pour la recherche sur les troubles sexuels chez les femmes que chez les hommes, car beaucoup d'argent provient des laboratoires pharmaceutiques", souligne Isabel. 
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En 2010, Isabel a été nommée par le Royal Marsden de Londres (le premier hôpital britannique spécialisé dans le traitement du cancer) comme première thérapeute psychosexuelle interne, un poste créé en réponse à la demande des patients. Des thérapeutes comme Isabel sont disponibles dans certains hôpitaux, mais pas partout ni pour toutes les personnes atteintes d'un cancer. Outre la nécessité d'accroître les ressources en matière de santé sexuelle, Isabel souligne l'importance d'intensifier la recherche dans ce domaine, notamment pour les femmes. 
Le manque de connaissances dans ce domaine revient sans cesse lorsque je parle à des femmes qui ont eu un cancer. Lynsey, 24 ans, a été surprise par le peu d'informations fournies sur la contraception lorsqu'on lui a diagnostiqué un cancer du sein au début de l'année 2021. Comme son cancer était hormonal, elle a dû arrêter de prendre la pilule contraceptive. "On m'a dit clairement qu'il ne fallait pas tomber enceinte pendant le traitement de mon cancer, mais personne ne m'a donné de conseils sur les alternatives. J'ai fini par appeler les services de santé sexuelle, qui m'ont suggéré le stérilet non hormonal", explique-t-elle. Lorsque Lynsey a commencé la chimio, elle a également eu du mal à trouver des informations sur les pratiques sexuelles sûres. "Il est suggéré d'utiliser des préservatifs à cause des médicaments, mais personne ne semble vraiment savoir si c'est juste après la chimio ou jusqu'à une semaine après", a-t-elle déclaré. "Il est alarmant qu'il n'y ait pas plus de recherches ou d'informations sur ce sujet", a-t-elle ajouté. 
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Trouver un accompagnement peut changer la vie. Pendant son traitement contre la leucémie, Maria a eu accès à une clinique de santé féminine dirigée par une infirmière avec laquelle elle s'est sentie assez à l'aise pour discuter de sa sexualité. "Même si les informations étaient destinées à des patientes plus âgées, elles m'ont donné confiance. Sans les conseils de cette infirmière, je ne n'aurais jamais eu le courage de me remettre à la masturbation ou à faire des rencontres."

Je voulais faire un film sur le cancer sans parler de mort. Nous considérons encore le cancer comme une condamnation à mort et ce n'est pas toujours le cas

Grâce à ces femmes, on peut espérer que les idées reçues sur le sexe et le cancer vont évoluer. " Il faut en parler pour que les femmes ne soient pas gênées et que la communauté médicale comprenne que c'est un sujet important ", explique Rebecca. Productrice chez la réalisatrice de films pour adultes Erika Lust, Rebecca a décidé d'utiliser son travail pour faire évoluer le discours actuel. 
"Je voulais faire un film sur le cancer sans parler de mort. Culturellement, nous avons 30 ans de retard sur le plan médical en ce qui concerne le cancer. Nous considérons encore le cancer comme une condamnation à mort et ce n'est pas toujours le cas", a-t-elle déclaré. Après tout, le taux de survie des jeunes atteints de cancer est de 87 %. "Le sexe est un tabou dans notre société, la sexualité féminine un autre, et si vous ajoutez un cancer, ça fait un triple tabou", a-t-elle ajouté. Inspiré par sa propre expérience, Wash Me est le portrait intime et plein d'espoir d'une femme qui redécouvre son corps et son désir après un cancer. Le film vise à sensibiliser le public aux difficultés rencontrées par les personnes atteintes de maladies graves dans leur vie intime, tout en incitant les personnes qui subissent un traitement contre le cancer à ne pas renoncer à leur sexualité, mais à se la réapproprier.
Joon a également pour objectif de faire avancer les choses avec sa plateforme sexwithcancer.com. Créée avec un ami, une collègue artiste et un ex-malade du cancer, Brian Lobel, il s'agit d'un sex-shop, d'une ressource pour des conseils prodigués par des pairs, d'une plateforme pour le travail des artistes et d'un lieu pour découvrir les expériences plus difficiles à aborder autour du cancer. " Il faudrait que nous commencions à considérer le cancer comme une maladie chronique, au même titre que la santé mentale ou le diabète. Au-delà de la survie, nous devons réfléchir à la manière dont nous pouvons vivre plus pleinement notre vie d'êtres humains", explique-t-elle. "Le plaisir et l'intimité sont tellement liés à la vie et à quoi bon vivre si vous ne faites que survivre ?".
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