Lorsque j'étais à l'école, je passais devant le Victoria's Secret du centre commercial de mon quartier et j'éprouvais un sentiment d'angoisse en regardant les photos agrandies de mannequins en sous-vêtements. Il s'agissait d'un avenir que j'étais censée désirer et auquel je devais aspirer - un avenir rempli de strings à froufrous et de soutiens-gorge en dentelle que je ne pouvais pas encore remplir, le tout dans le but de paraître et de me sentir sexy. Mais même pour mon moi pré-adolescente, la lingerie ne m'attirer pas. Je n'étais pas immunisée contre la pression sociale ; une partie de moi voulait être sexy. Mais je ne voyais pas le port de sous-vêtements complexes comme un moyen d'y parvenir. Même lorsque j'ai grandi et que j'ai eu mes propres partenaires, j'ai hésité à porter de la lingerie sexy et clichée, préférant dépenser mon argent dans des sous-vêtements plus raisonnables que je pouvais porter tous les jours. La lingerie sexy me rendait plus ridicule que séduisante.
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Logiquement, je comprends d'où vient le caractère sexy de la lingerie : c'est un tabou. Personne n'est censé voir ce qui se cache sous vos vêtements, après tout - la lingerie est comme un secret coquin révélé uniquement à celles et ceux qui ont le privilège de le voir. Mais je dirais que la lingerie intentionnellement sexy - celle qui a été exhibée sur la piste du défilé de mode Victoria's Secret année après année - est objectivement ridicule, et inconfortable par-dessus le marché.
Dans notre société en constante évolution, je suppose que le fait d'enfiler des sous-vêtements en dentelle, complexes et qui démangent, dans l'espoir de s'envoyer en l'air ou de plaire à un·e partenaire, serait considéré comme gênant ou, faute d'un meilleur mot, "cheugy". Avez-vous déjà vu des porte-jarretelles ? Tous ces tissus supplémentaires, ces fermoirs et ces liens ne sont-ils pas… un obstacle à la sexualité ? De nombreuses marques de lingerie grand public créent encore des produits qui existent dans un monde imaginaire où le genre est binaire et où personne ne porte plus d'une taille 42, succombant aux stéréotypes de la féminité "sexy".
Et qu'en est-il du regard masculin dans tout ça ? Vous ne pouvez pas me dire que sans le capitalisme et le patriarcat qui nous conditionnent à penser que nous sommes censé·e·s aimer nous enfermer dans ces prisons en dentelle, personne ne choisirait de porter ces sous-vêtements de son propre chef.
Mais apparemment, j'avais tort. Lorsque j'ai demandé à mes amies et à mes followers Instagram ce qu'ils pensaient de ces sous-vêtements, leurs réponses ont clairement montré que la lingerie sexy n'a pas encore pris le chemin de l'inutilité. Une personne qui m'a répondu a qualifié la lingerie de "follement responsabilisante", tandis qu'une autre a déclaré que la lingerie est sexy "parce que c'est pour moi". Une autre a déclaré : "Cela me donne confiance en moi et me rend sexy, même si je ne le porte que pour moi". Ma position sur le fait que ces sous-vêtements sont décidément peu sexy semble aller à l'encontre de la norme. Selon des mesures objectives, la lingerie est un secteur en plein essor. Selon Statista, le marché de la lingerie est sur la pente ascendante et devrait être évalué à 78,66 milliards de dollars (66,57 milliards d'euros) d'ici 2027.
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J'ai même demandé à Ashley Cobb, experte en sexualité et éducatrice en sex toys de Lovehoney, si elle trouvait la lingerie sexy ou non, dans l'espoir que quelqu'un comprendrait mon dégoût pour les ensembles de lingerie à lanières. Mais hélas : "En fait, oui", m'a-t-elle répondu, en réponse à ma question de savoir si elle portait de la lingerie juste pour elle. "Je pense que, pour mon usage personnel, la lingerie m'aide à me sentir sexy - pas tellement avec un partenaire, mais elle me donne confiance en moi". Son ensemble préféré est une nuisette aquarelle accompagnée d'une robe de chambre en soie. "J'aime porter des robes de chambre lorsque je me mets au lit ou en sors, ou juste avant de prendre une douche… C'est vraiment mignon et confortable", dit-elle. "Vous pouvez en porter quand vous vous promenez simplement chez vous et quand c'est le moment d'être sexy, vous pouvez la retirer".
Pour moi, cependant, la lingerie est intrinsèquement performative. Je ne peux pas m'imaginer porter ce genre de choses pour moi-même, comme le prétendent Cobb et d'autres personnes que j'ai interrogées. En cherchant des raisons spécifiques expliquant pourquoi la lingerie est jugée sexy, par exemple, je suis tombée sur de nombreux articles de magazines féminins portant des titres similaires : "Ce que les hommes pensent vraiment de la lingerie" et "Les hommes nous révèlent leurs véritables opinions sur la lingerie". Même si ce n'est pas toujours dit ouvertement, chaque fois que je lis des articles ou que je vois des publicités pour de la lingerie, j'ai l'impression que le même message est sous-jacent : l'intérêt de la lingerie sexy est de plaire aux autres, en particulier aux hommes - et cela me laisse un goût amer.
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Historiquement, je n'ai pas tort. En faisant des recherches et en écrivant son livre Underneath It All: A History Of Women's Underwear, Amber J. Keysner, a découvert que le regard masculin et la misogynie étaient, et sont toujours, les éléments clés de la définition des critères de beauté des femmes - et par conséquent, de la création de lingerie et de sous-vêtements contraignants pour se conformer à ces critères. En fait, elle a déclaré : "Victoria's Secret, le type qui l'a fondé, a absolument créé intentionnellement une expérience axée sur le regard masculin". La collégienne que j'étais le savait.
Cela ne signifie pas que l'expérience de Cobb - et celle de toutes les personnes qui m'ont dit que la lingerie les faisait se sentir sexy - soit fausse. Selon le Dr Keysner, il est possible de porter de la lingerie et de se sentir sexy sans succomber aux normes de notre société patriarcale. Selon elle, porter de la lingerie peut même être un acte profondément féministe - mais c'est aussi compliqué, car la société est tellement ancrée dans le racisme, la suprématie blanche, le sexisme et la culture du viol. Si beaucoup ne voient pas d'un mauvais œil le fait de porter de la lingerie en dentelle, le choix ne se fait pas au hasard. "Je pense que cette idée de ce qui, selon nous, nous fait nous sentir sexy est compliquée par le fait que nous intériorisons notre culture patriarcale, nous intériorisons la misogynie de notre culture - c'est difficile de ne pas le faire - et cela imprègne chaque choix de notre vie, y compris les choix intimes", dit-elle.
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En d'autres termes, ce qui nous fait nous sentir sexy est parfois coloré par des systèmes sociétaux contre lesquels nous travaillons activement. Mais même ainsi, porter de la lingerie pour soi peut être "une réclamation de quelque chose qui a toujours été imposé à vous", dit le Dr Keysner. "Le pouvoir est la clé. Nous, en tant que femmes - même aujourd'hui - nous ne sommes pas encouragées ou éduquées ou soutenues dans l'expression de notre propre sexualité, de nos propres désirs, de nos propres passions. Cela rend vraiment difficile de savoir ce qui est sexy, si on ne nous donne pas l'espace ou la permission de définir pour nous-mêmes ce qui est sexy parce que nous continuons, dans les situations intimes, à nous concentrer sur le regard masculin".
En fin de compte, si une personne est capable de séparer la lingerie du spectre du regard masculin et de prendre plaisir à la porter par choix, et non parce qu'elle s'y sent obligée, je la félicite et je suis certaine qu'elle est magnifique. Portez vos porte-jarretelles et vos ensembles assortis, vos nuisettes en dentelle ou vos strings sans entrejambe, s'ils vous donnent confiance et vous rendent sexy.
Mais dans mon cas, je reste sur mes positions, du moins pour l'instant - car, après tout, la lingerie n'est-elle pas plus belle sur le sol au pied du lit ?