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Comment le rouge à lèvres m’a aidé·e à explorer mon identité de genre

Photo par Caroline Tompkins
Jusqu'en février, je ne possédais qu'un seul rouge à lèvres de toute ma vie. Il était rouge vif, brillant et n'était pas du tout la bonne nuance pour moi. Il est actuellement caché dans le fond d'un tiroir d'où il me nargue avec son sourire carmin. Même si le rouge à lèvres ne me convient pas particulièrement, je ne peux pas supporter de le jeter. Cela reviendrait à m'avouer à moi-même que je n'avais auparavant aucune idée de la façon dont je pouvais exprimer la féminité que l'on attendait de moi. Chaque femme doit sûrement posséder au moins un rouge à lèvres !
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Bien sûr que non ; le maquillage n'est pas plus synonyme de genre que les parties génitales. Mais il a fallu que je devienne trans pour que je puisse vraiment croire que je n'étais pas un cas désespéré. Le maquillage m'a toujours troublé·e et, en grandissant, je ne comprenais pas pourquoi les filles autour de moi s'y intéressaient autant ou pourquoi on supposait que je le ferais aussi. Quand j'avais 11 ans, mon amie a organisé une soirée de relooking pour son anniversaire. Après cela, j'ai essayé de me maquiller, mais ça n'a pas marché et j'ai réalisé que je ne pourrais jamais être "normal·e". Je n'arrivais pas à m'intéresser aux fards à paupières à paillettes.
Tout au long de mon adolescence, on m'a constamment demandé : "Pourquoi tu ne te maquilles pas ?" Moins je le faisais, plus je sentais la pression et la confusion de mes pairs grandir. La découverte du féminisme m'a aidé·e ; elle m'a montré que ne pas se maquiller est un choix valable. Mais aujourd'hui encore, je continue à déballer ma misogynie intériorisée autour des "autres femmes" qui choisissent de se maquiller. J'ai jeté la honte sur les gens qui aimaient ça parce que ça me faisait peur. Je me suis accroché·e à ma supériorité féministe pour cacher le fait que je me sentais brisé·e parce que je ne portais pas de rouge à lèvres ou que je ne me rasais pas les jambes. Pire encore, je ne voulais pas.
En vieillissant, j'ai été frustré·e par l'augmentation des représentations de genre qui m'étaient demandées, surtout lorsque je suis arrivé·e au lycée et que les spectacles de danse exigeaient des talons et des bas résilles plutôt que des justaucorps et des chaussons souples à semelle séparée. C'est à cette époque que j'ai acheté mon premier rouge à lèvres, qui matchait avec un fard à joues et à un fond de teint que j'avais emprunté. Mais je me sentais fake. Je n'étais pas à l'aise et cela m'a rappelé que j'étais différent·e.
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Je me suis dit : 'Et si le maquillage ne m'avait jamais convenu parce que les attentes sexistes d'être une femme ne me convenaient pas ?'

Dans le monde d'aujourd'hui, la société met tellement de pression sur les femmes et les personnes feminine-of-center pour qu'elles aient une grande connaissance du maquillage et de la mode, mais d'une certaine manière, je n'ai pas réussi à y parvenir. Ce n'est qu'en me permettant d'explorer mon identité de genre que j'ai commencé à m'intéresser au maquillage pour la première fois. Je me suis dit : "Et si le maquillage ne m'avait jamais convenu parce que les attentes sexistes d'être une femme ne me convenaient pas ?" Peut-être que le maquillage n'était pas ce qui faisait le plus peur, peut-être était-ce l'idée d'être une femme. Et peut-être, en fait, que le rouge à lèvres pourrait faire partie de mon nouveau genre, plus queer.
La première fois que je suis entré·e dans une boutique de maquillage après mon coming out, en essayant de trouver un rouge à lèvres qui me convenait, je me suis senti·e moi-même comme je ne l'avais jamais été auparavant. Je portais un jean et un badge qui indiquait mes pronoms ('ze/hir', souvent utilisé dans la communauté trans par des personnes non binaires et des gender queer au lieu de 'she/her' ou 'he/him'). À ce moment-là, je ne me souciais pas que quelqu'un me prenne pour une femme. Je me sentais comme un·e enfant excité·e parmi les rouges et les roses magnifiquement emballés. Plutôt que de me laisser envahir par une attente déroutante, je pouvais utiliser du maquillage - en particulier du rouge à lèvres - pour exprimer mon genre fluide.
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Le maquillage, qui représentait à l'origine mon incapacité à être une femme, est devenu quelque chose d'amusant et de ludique. Réaliser que je suis trans m'a permis d'embrasser une partie de la féminité que je craignais depuis si longtemps.

Après des années à me sentir brisé·e, il est étonnant de voir à quel point il a été facile de retourner la situation. Le maquillage, qui représentait à l'origine mon incapacité à être une femme, est devenu quelque chose d'amusant et de ludique. Je n'ai plus à contourner les rayons de maquillage et je n'ai pas à avoir honte de n'avoir jamais maîtrisé l'application du blush. Je peux aborder le maquillage avec curiosité et expérimentation, en l'essayant comme une veste en denim ou des bottines. Je continue à trouver mon style, mais sans toutes ces exigences, cette exploration est devenue un plaisir. Réaliser que je suis trans m'a permis d'embrasser une partie de la féminité que je craignais depuis si longtemps.
Maintenant, je ne porte plus le poids des exigences d'une jeune femme qui doit savoir appliquer un mascara ou être capable de manier un eye-liner. Le maquillage me fait sentir trans. Je veux mettre du rouge à lèvres tout en portant un packing (un objet rembourré ou phallique à l'avant du pantalon ou des sous-vêtements pour donner l'impression d'avoir un pénis) et un binder (camisole ou bandage pour pousser les tissus des seins vers le bas pour créer l'apparence d'une poitrine plate), deux pratiques courantes chez les hommes trans.
Utiliser le rouge à lèvres comme une expression de la fluidité de mon genre - et non comme une expression d'être une femme - me donne un sentiment de puissance. Aujourd'hui, le rouge à lèvres ne fait pas de moi une femme ; le rouge à lèvres fait de moi un·e badass.

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