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Que faire de la positivité toxique : les avis à ne jamais donner

Photographed by Serena Brown

Vous l’avez sûrement remarqué : impossible d’aller sur Instagram sans tomber sur une citation mielleuse sur le bonheur, un message supposément inspirant ou un mème motivant et il y a une raison à cela : l’injonction à la positivité. Il est vrai que parfois, s'accrocher à la moindre lueur d'espoir permet de traverser des moments difficiles, des moments de stress.

C'est réconfortant de savoir qu'après une période difficile, le soleil va briller à nouveau. On se dit alors que ça ne va pas peut-être pas aussi mal que notre cerveau nous laisse à penser. Peut-être que la vie n'est pas aussi catastrophique qu'elle en a l'air en ce moment.

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Inversement, la positivité n'est pas toujours la meilleure façon d'aider les autres et peut même avoir un effet néfaste. Le terme « positivité toxique » fait référence au concept selon lequel pour mener une vie saine, il faut se concentrer sur les soi-disant émotions positives et rejeter tout ce qui peut déclencher des émotions négatives.

Natalie, 34 ans, s’est vue très frustrée par les réactions de ses amis durant les deux ans qu’elle a passé à chercher un nouvel emploi, à tel point qu’elle a arrêté de dire à ses ami·e·s quand elle passait des entretiens. 

Si je ne décrochais pas le job, je savais par avance qu'ils allaient me dire des choses dans les lignes de : « Un de perdu, dix de retrouvé » ou « Il y a une raison à tout  ».

« Mais il y avait des jours où je détestais tellement mon travail que je n’avais même pas la force de me sortir du lit le matin. Et puis j'entendais des phrases du genre : « Ça pourrait être pire ! Ou : « Si tu restes positive, tu auras le poste ! » Ce n'est pas comme ça que ça marche et c'est malhonnête de prétendre le contraire. Je me sentais encore plus mal et j'appréhendais tellement les réponses que j'ai décidé de tout garder pour moi.

« J'aimerais juste qu’on me dise : « Tu sais quoi, ça craint vraiment ».

Clara, 38 ans, a vraiment souffert lorsqu'on a diagnostiqué un cancer à son fils à l’âge de 9 mois.

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« Il va mieux maintenant, mais nous sommes passés par six mois de chimio et de chirurgie et ça a été très traumatisant », raconte t-elle à Refinery29.

« Je ne parlais que de ça, sur mon blog et ailleurs. De nombreuses personnes me disaient : « Tout ira pour le mieux », « Garde le sourire », « Tu es une inspiration », et ce n'est pas du tout ce que j'avais besoin d'entendre à l'époque.

« Je n'en ai rien retiré, ça ne m'a pas aidée, et ça m'a fait me sentir encore plus mal parce que je n’allais pas bien. »

« Nous étions évidemment très inquiets, traumatisés et déprimés. Ce genre de réponse donne envie de justifier pourquoi vous vous sentez triste, et vous finissez par vous disputer avec la personne. »

Fatima, 33 ans, scientifique, parle d'un « culte » de la positivité toxique dans le milieu universitaire qui, selon elle, minimise le fardeau que le travail peut avoir sur la santé mentale d'une personne.

« On a souvent tendance à ne faire qu'effleurer tous les aspects négatifs et vraiment épuisants sur le plan émotionnel qu’impliquent une carrière et on ne se concentrent que sur la façon dont celui-ci mène aux aspects positifs », dit-elle.

Une fois que vous aurez terminé votre thèse, vous vous sentirez beaucoup mieux préparé en tant qu'universitaire », vous dira t-on, ou « Le financement est très compétitif, continuez à faire des demandes et vous obtiendrez éventuellement une bourse ».

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« J'ai l'impression que je ne suis pas faite pour ce type de carrière, car je ne suis pas aussi coulante. C'est beaucoup de pression et on se sent très seul. »

Jodie, âgée de 26 ans, a commencé à se sentir très frustrée par certaines des réponses qu'elle a reçues de ses proches lorsqu'elle a été harcelée en ligne.

« Tout a commencé lorsque j'ai participé une émission intitulée Rich Kids Go Skint et on s'est mis à me dire toutes sortes de choses en ligne, » poursuit-elle. « On me disait qu'on voulait me frapper et me gifler, on n'arrêtait pas de critiquer mon apparence, ma façon de m'habiller, on me disait que j'étais une enfant gâtée et que je n'avais aucune idée de la réalité du monde.

« Je pense que bien souvent, mes ami·e·s ne comprenaient pas ce que cela représentait que d'être harcelée. Vous pouvez essayer de vous concentrer sur les aspects positifs, mais cela vous traînera tout de même vers le bas et vous rendra anxieux.

« Parfois, j'aimerais que ces personnes prennent le temps de me laisser parler de ce qui me déprime, plutôt que d'essayer de me donner des réponses positives toutes faites. »

On ne peut pas pas rendre quelqu'un heureux s'il ne l’est pas en lui disant de « regarder le bon côté des choses » ou de « garder la tête haute »

La vérité est qu’on ne peut pas pas rendre quelqu'un heureux s'il ne l’est pas en lui disant de « regarder le bon côté des choses » ou de « garder la tête haute ». Vous ne pouvez pas faire disparaître leurs peurs et leurs problèmes en bombardant leur WhatsApp de vidéos d'animaux mignons, bien que cela puisse leur remonter le moral un court instant. Quand une personne vous parle de ce qu’elle ressent, le plus souvent, c’est pour valider son émotion, pour normaliser son problème et surtout, pour qu'on les écoute.

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Noel McDermott est un psychothérapeute clinique avec plus de 20 ans d'expérience.

« Nous sommes conçus d’une certaine manière : soit on ressent des émotions soit on n’en ressent pas  », nous dit-il. 

« On ne peut pas choisir les émotions que nous allons ressentir. Si nous essayons de nous débarrasser d'un ensemble d'émotions, nous nous débarrasserons de toutes et nous prenons le risque de ne plus rien ressentir, que ce soit les émotions agréables ou désagréables. Si vous tentez de vous débarrasser des mauvaises émotions, vous mettez en péril l’équilibre intérieur.

« Un bon exemple de personnes qui tentent de ne ressentir que des émotions positives : les personnes dépendantes à l’alcool ou à d'autres drogues. Ce détournement du bonheur ne fait effet qu’à court terme, et rapidement, ces personnes vont se sentir mal. » Les émotions, poursuit-il, qu'elles soient positives ou non, fournissent rapidement un grand nombre d’informations qui vont nous permettre de déterminer si une situation est sûre ou non. Cela permet de savoir qu’il faut persévérer ou mettre un terme à la situation. Au lieu d'ignorer les émotions négatives, nous devrions nous servir de notre expérience pour renforcer notre résilience, afin d'être mieux en mesure de faire face à des situations similaires à l'avenir.

L'amélioration du bien-être ne doit pas se concentrer uniquement sur le fait d'être heureux, car cela revient à nier les expériences de renforcement de la résilience.

Noel McDermott, psychotherapEUTE CLINICIEN

« Un plus grand bien-être devrait signifier la résilience plutôt qu'un biais positif [se concentrer uniquement sur le bonheur], parce que cela nie les expériences de fortification de résilience. »

« Si vous fuyez les émotions qui vous poussent à vous surpasser — ou encouragez les autres à les fuir — vous réduisez la portée des relations que vous pouvez avoir et des expériences de vie que vous pouvez avoir.

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« Parce que l'humain est un animal social, nous fonctionnons mieux lorsque nous avons un groupe de personnes avec lequel nous pouvons nous identifier intimement. Plus l'éventail social des individus autour de nous est étroit, moins nous sommes en bonne santé. »

Daria Kuss, professeure agrégée de psychologie à l'Université Nottingham Trent, est une experte en psychologie émotionnelle.

Elle parle d'un concept psychologique appelé « résonance limbique », ou la capacité de refléter les sentiments d'une autre personne afin d'approfondir notre connexion avec elle.

« Si ces personnes sont malheureuses, cela signifie qu'il ne faut pas minimiser cette expérience, leur accorder toute votre attention et reconnaître pleinement ce qu'elles ressentent. »

C'est logique, n'est-ce pas ? Alors pourquoi sommes-nous si nombreux·ses à utiliser ces phrases de positivité toutes faites, plutôt que d'amorcer un dialogue qui serait plus utile ?

Le Dr Kuss explique que c'est à cause de notre propre peur de la négativité.

« Nous avons appris à faire usage de ce genre de phrases parce que c'est une façon simple de se sortir d'une situation inconfortable ; cela nous évite d'avoir à refléter le malheur d'une autre personne, ce qui nous permet d'induire un état de bonheur en nous plutôt que de ressentir ce qu'elle ressent.

M. McDermott dit que bon nombre d'entre nous finissent par succomber à la positivité toxique parce que nous craignons d'être responsables des emotions de quelqu'un d'autre.

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« Je pense que c'est en grande partie parce que les gens se sentent dépassés », ajoute-t-il.

« Au lieu de cela, vous pourriez vous rendre utile. Essayons de faire preuve d'empathie envers les autres. Ecoutez sans porter de jugement, sans essayer de résoudre le problème et ou parler d'expériences ou de sentiments similaires.

« La majorité de mes clients ont simplement besoin d'une bonne dose d'écoute. Rien de plus.

« Cela les aide aussi à normaliser leurs problèmes en établissant des relations avec eux et en ne les stigmatisant pas pour se sentir tristes », conclut-il.

« Il s'agit de les aider à réduire l'impact de ces problèmes sur leur vie quotidienne. »

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