Il m'arrive parfois de repenser à mon nez d'avant avec nostalgie : son large arête et sa bosse, sa pointe ronde et ses ailes asymétriques. Mais je pense que c'est parce que j'ai oublié ce que c'était que de vivre avec.
Il y a cinq ans, après de longs mois de recherches et de nombreuses consultations, j'ai pris rendez-vous pour me faire refaire le nez. On entend sans cesse parler de personnes qui regrettent leurs opérations de chirurgie esthétique, mais en toute honnêteté, je n'ai jamais regretté ma décision, même pas une journée - même si elle a englouti la moitié de mes économies. Si mon "nouveau" nez n'est pas parfait (les perfectionnistes ne sont jamais contents), l'os nasal plus mince, les ailes bien définies et la pointe très fine ont transformé ma vie. Ma confiance en moi est montée en flèche. Je ne fais plus la grimace quand je me vois en photos.
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Pour ceux qui m'ont rencontrée après, mon nez est tout simplement un nez normal. Il n'a rien d'extraordinaire ni de choquant. Cependant, je ne peux pas m'empêcher de remarquer que ma décision de subir une rhinoplastie dérange certain·es, en particulier ceux et celles qui me connaissaient avant. Il est intéressant de noter que personne ne s'est rendu compte de la différence tout de suite. Mais au bout d'un an environ, les remarques méprisantes et les commentaires blessants ont commencé à s'inviter dans les conversations quotidiennes.
"Oh, ma chérie, mais pourquoi t'es-tu fait ça ?" Voilà ce que m'a lancé un membre de la famille les larmes aux yeux lors d'un diner, en pointant mon nez à l'autre bout de la table. Tous les yeux se sont rivés sur moi à ce moment-là, et je me souviens de la réponse d'une tante (qui soutenait pleinement ma décision) disant que mon nez n'aurait pas pu recevoir de réactions plus négatives, même si j'avais demandé au chirurgien de l'enlever entièrement et de le fixer sur le sommet de mon crâne.
Puis est venue la réaction que craignent la plupart de ceux qui sont passés sous le bistouri. "Je trouve que ça se voit trop que tu l'as fait refaire, vraiment", m'a lancé une amie autour d'un verre une fois, tandis que d'autres emploient des expressions telles que "faux" et "plastique" pour le décrire. J'ai même commencé à adopter ces mots moi-même chaque fois que quelqu'un me pose la question. "Oh, mon faux nez ? Oui, je l'ai fait refaire il y a quelques années. Non, ça ne m'a pas fait mal du tout".
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Aujourd'hui, la chirurgie a beaucoup évolué. Si vous choisissez un·e chirurgien réputé·e, membre de toutes les bonnes associations, votre rhinoplastie peut être pratiquement imperceptible. C'est en partie pour cette raison que je me suis décidée pour une clinique en particulier. Les rhinoplasties sont désormais beaucoup plus adaptées en fonction de la personne et un bon chirurgien peut très subtilement améliorer une caractéristique de votre visage : plus de pointes trop fines à la Michael Jackson. Pas de corps étrangers et évidemment zéro plastique, malgré ce que le nom suggère.
Il m'arrive de voir mon nez dans le miroir ou sur des photos et d'être surprise de voir à quel point il me va bien. Il est parfait : une version améliorée du nez que j'avais avant. Alors pourquoi tant de gens le méprisent ? J'ai demandé à M. Naveen Cavale, chirurgien en chirurgie plastique et réparatrice et directeur clinique du King's College Hospital , de m'éclairer à ce sujet. La question n'est pas aussi simple qu'il n'y paraît. "Pour les générations précédentes en particulier, les hôpitaux sont des endroits dangereux et la chirurgie n'est pas un acte anodin", m'a-t-il confié. Il existe aussi une attitude générationnelle qui voudrait qu'on "fasse avec" et qu'on "soit content de ce qu'on a". Mais aujourd'hui, il est tout à fait possible de changer certaines parties de notre corps si nous le souhaitons". Cela a du sens, si l'on considère que beaucoup de ces commentaires viennent de proches beaucoup plus âgés.
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Mais mes ami·es millenials se montent également très critiques. "Si les attitudes à l'égard de la chirurgie esthétique ont beaucoup évolué, il existe toujours une certaine stigmatisation", continue M. Cavale. Souvent, les gens se disent : "Ah, elle doit vraiment être superficielle pour se faire opérer" ou "Pourquoi les gens ne peuvent-ils pas être heureux de ce que leur a donné la nature ?" Mais si j'ai eu recours à la chirurgie esthétique, ce n'est pas pour les gens. En fait, 99 % du temps, ce n'est pas une question d'ego ; simplement des personnes qui veulent se sentir mieux dans leur corps et être plus belles pour elles et pour personne d'autre".
M. Cavale mentionne également que la chirurgie plastique intrigue et peut faire peur. Il n'est pas rare que des ami·es ou des membres de la famille profitent de l'expérience de celles et ceux qui ont subi des interventions pour répondre aux questions qu'elles peuvent se poser. "En ce qui concerne la chirurgie mammaire en particulier, les jeunes femmes ont tendance à beaucoup se comparer. J'ai souvent vu des personnes poser des questions pour savoir si elles auraient elles-mêmes le courage de sauter le pas. Le bouche-à-oreille joue un rôle important".
Je ne peux pas m'empêcher de penser que la perspective ethnique entre également en ligne de compte, comme le souligne M. Cavale. Après tout, le nez Kilikita est un "trait de famille". Mes ami·es et ma famille ont-ils pensé que je voulais me défaire de mon identité ou que je n'en étais pas fière ? Bien sûr, ce n'est pas du tout la raison pour laquelle je l'ai fait ; je n'étais tout simplement pas satisfaite de l'aspect de mon nez. La rhinoplastie n'a en aucun cas effacé mes racines.
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On me faisait des commentaires sur mon nez, si particulier, bien avant l'opération ; il y en a toujours qui trouvent des choses à redire apparemment. Si quelqu'un change un peu son apparence, il y a de fortes chances que ce soit parce que cette personne n'était pas heureuse au départ. Ajouter des commentaires pourrait accentuer ce mal-être, et même peut-être créer de nouvelles insécurités. Cela vaut pour toute intervention, qu'il s'agisse d'une rhinoplastie, d'un traitement au Botox ou de lip-filler.
M. Cavale résume très bien la situation : "Les personnes se permettent parfois des commentaires absurdes sans y réfléchir, surtout sur les réseaux sociaux où ils peuvent être brutaux et non filtrés parce qu'ils ont l'impression d'être cachées derrière leurs écrans". Cependant, il mentionne que, de manière générale, les gens sont très intéressés et même un peu préoccupés par la chirurgie esthétique. Bien qu'il y ait une poignée de personnes qui semblent ne pas pouvoir se faire à l'idée, M. Cavale et moi-même soulignons l'importance d'avoir un réseau de soutien si vous envisagez une opération chirurgicale. "Prenez votre temps et discutez-en avec des membres de votre famille en qui vous avez confiance", conseille M. Cavale. "Il est essentiel de bénéficier d'un bon réseau de soutien".
Pour ne pas être gêné·e par des commentaires négatifs sur votre apparence, le mieux reste de laisser couler. Ma décision de me faire refaire le nez fait de moi une personne aussi courageuse qu'heureuse. Et si mon nez ne vous plaît pas, ce n'est pas grave. Ce n'est pas le vôtre, de toute façon.
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