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Ce que c’est que de se faire larguer pendant une pandémie

Illustrated by Naomi Blundell Meyer
Bienvenue dans la rubrique "Love Lockdown : l'amour en confinement", une nouvelle chronique hebdomadaire sur la façon dont les gens gèrent leurs relations amoureuses au temps du coronavirus.
La première fois que j'ai entendu le mot "coronavirus", mon copain et moi - avec qui j'entretenais une relation à distance - célébrions nos un an à Mexico. C'était mi-janvier et nous avions décidé de renoncer aux cadeaux au profit d'un beau voyage. Entre les visites des marchés et des galeries d'art, j'ai envoyé un SMS à ma mère pour lui dire que j'avais du mal à respirer à cause de la pollution de la ville. Elle m'a parlé d'une nouvelle maladie qui attaquait le système respiratoire des gens, craignant que je l'aie contractée d'une manière ou d'une autre. En roulant les yeux, je lui ai assuré qu'elle réagissait de manière excessive.
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En mars, la menace du COVID-19 ne semblait plus si lointaine. J'ai commencé à craindre que la frontière entre le Canada, où j'habite, et l'Amérique, là où habite mon copain, se ferme (elle a fini par se fermer.) et que je sois séparée de lui pendant des semaines ou des mois. Il ne partageait pas mes craintes et nous avons commencé à nous engueuler par textos, appels téléphoniques et FaceTime. Je voulais juste qu'il me prouve son amour en me rejoignant au plus vite. Il voulait que je me détende et qu'on laisse faire les choses.
Nous nous disputions à propos de nos besoins différents - le mien pour la proximité et le sien pour l'indépendance - quand il m'a dit qu'il voulait être seul. Pour de bon. Tout mon corps s'est paralysé. J'avais imaginé que nous allions nous marier (Il utilisait de la crème pour le visage parce que je le lui avais demandé, ce qui est en gros la chose la plus dévouée qu'un homme puisse faire). Quelques semaines avant qu'il ne me largue, nous avions dansé à côté de la bibliothèque que nous avions construite ensemble lors d'une de ses nombreuses visites à Toronto et je me suis dit que nous avions trouvé notre chanson de mariage.
Le même week-end où il a mis fin à notre relation, le Canada s'est retrouvé complètement dépassé par la situation et l'isolement social est devenu la nouvelle norme. Les entreprises non-essentielles ont fermé et toutes mes amies se sont retirées chez elles avec leurs maris, leurs partenaires et leurs enfants. Mais pour moi (et les 4 millions d'autres Canadien·nes vivant seul·es), le confinement représentait un immense panneau d'affichage qui criait "TU ES ENTIÈREMENT SEULE". Pendant cette pandémie, je n'aurais personne pour me serrer dans ses bras, partager mes charges financières ou s'occuper de moi si je tombais malade. Je souffre d'anxiété et de dépression depuis la puberté, et en confinement - surtout après un événement bouleversant comme une rupture - je craignais de retomber dans le gouffre de la dépression dont j'avais réussi à me sortir ces deux dernières années.
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Pour moi (et les 4 millions d'autres Canadien·nes vivant seul·es), le confinement représentait un immense panneau d'affichage qui criait "TU ES ENTIÈREMENT SEULE".

Mais à ma grande surprise, ce ne fut pas le cas. Bien sûr, il y a eu beaucoup de matins où je me suis réveillée avec les yeux gonflés. Et il y a eu des moments où je me suis sentie coupable. J'avais peur qu'à 32 ans, toutes mes bonnes années soient derrière moi et que je ne retrouve jamais l'amour. J'étais triste, mais pas de manière accablante. Quand je suis déprimée, je suis obsédée par la mort et je peux à peine sortir du lit. Mais cette fois, je ne me suis pas sentie désespérée.
Mais alors, qu'est-ce qui a changé ?
Pour commencer : moi. Après des années de thérapie et de réflexion sur moi-même - plus des séances régulières d'entraînement à la boxe pour soulager le stress et des antidépresseurs - j'ai enfin trouvé l'auto-compassion. Même si j'ai été tenté de minimiser mes émotions et de penser, il faut faire avec. Le monde a des choses plus importantes à se préoccuper que votre petite rupture (comme une pandémie mondiale !), j'ai décidé de passer outre la culpabilité et de me donner la permission de faire mon deuil. Et c'est crucial pour la cicatrisation, selon Jennifer Hollinshead, fondatrice et directrice clinique du centre de conseil Peak Resilience de Vancouver. "La première étape [pour surmonter une rupture] n'est pas de se pathologiser soi-même d'être triste de ne pas avoir d'amour. Il faut reconnaître : "Je le veux. C'est un besoin que j'ai et qui n'est pas satisfait, donc bien sûr je suis triste".
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La rupture pendant une pandémie a également renforcé une chose que je savais déjà : le contrôle est une illusion. Ceci m'a rappelé que la seule chose dont je suis responsable, ce sont mes actions. Tout le reste - des sentiments de mon ex au statut du marché boursier - est hors de ma portée. Le fait que je réapprenne cette leçon aux côtés de la planète entière m'a permise de me sentir moins seule. "Il y a quelque chose dans une expérience partagée", convient Hollinshead. "Le fait de savoir que tout le monde y participe permet d'avoir une certaine marge de manœuvre pour faire face à la situation."
Bien sûr, il peut y avoir d'autres raisons pour lesquelles ma santé mentale est restée stable ces dernières semaines. Certaines personnes ayant des antécédents d'anxiété voient leurs symptômes diminuer en ce moment parce que notre esprit est déjà préparé à anticiper les pires scénarios - même les plus improbables. Le fait que certaines de nos plus grandes craintes se soient réalisées pendant cette pandémie signifie que nous pouvons enfin prendre une pause parce que le pire est déjà arrivé et que nous allons toujours bien. "Les études montrent que les gens ont tendance à se concentrer sur les choses dont ils ont besoin dans des circonstances traumatisantes", explique Hollinshead, et à mettre de côté les questions non-essentielles, comme les ruptures merdiques.
Quelles que soient les raisons, j'entre maintenant dans ma sixième semaine de confinement et je vais toujours étonnamment bien. J'ai un travail de rédactrice freelance que j'adore, deux petits chiens, et un appartement qui est devenu mon sanctuaire. Mon thérapeute, mes ami·es et mes parents à Winnipeg ont été une force ; nous parlons presque quotidiennement sur FaceTime et Zoom. Nous communiquons même bien plus souvent qu'avant le début du confinement.
J'utilise aussi ce temps pour comprendre que, même si je souhaiterais que mon copain et moi soyons toujours ensemble, je survivrai (et peut-être même prospérerai) sans lui. J'avoue que je suis tentée de proposer des dates sur Zoom avec tous les mecs avec qui j'ai matchés sur Tinder, mais j'essaie de me contenir. En fin de compte, je veux profiter de cette rupture pour me concentrer sur moi et sortir de cette pandémie avec plus d'amour-propre, de résilience et d'indépendance que jamais auparavant.

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