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Butch et enceinte : et alors, où est le problème ?

Ari Fritz avait presque oublié qu'elle avait un utérus. Pour cette YouTubeuse noire, queer et butch, il y aura fallu tellement de temps pour apprécier son identité (et la faire accepter aux autres), qu'elle ne s'était jamais autorisé à envisager la grossesse, comme si cette expérience lui était interdite.
Il aura fallu attendre qu'une autre YouTubeuse de sa communauté tombe enceinte (Frankie Smith), pour qu'elle s'intéresse à la chose. Le résultat : un documentaire intitulé My Mama Wears Timbs (Ma maman porte des Timberland, en français) et qui suit Frankie Smith tout le long de sa grossesse.
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Frankie se souvient du moment où elle a eu l'idée de filmer une vidéo sur les vêtements de maternité pour des femmes comme elles. C'est quand Frankie s'est mise à chercher de l'inspiration sur Google qu'elle s'est rendue compte que celles-ci n'était jamais représentées dans les médias, ni nul part.
« Ces images ne parlaient ni aux gens comme moi ni à mes amis » nous dit Ari. « On ne voit toujours que des femmes dans des robes fleuries, avec un homme à leurs côtés, qui marchent dans une prairie avec une couronne de fleurs, si vous voyez ce que je veux dire. »
Non pas qu'il y ait quelque chose à reprocher à ces images, mais il faut bien reconnaître qu'elles prennent le pas sur toutes les autres. Si bien qu'Ari a fini par prendre la mesure du problème. Il fallait créer une discussion à ce sujet. Ouvrir les vannes. C'est là qu'elle a eu l'idée de créer ce documentaire, pour montrer que « masculinité et maternité peuvent co-exister et
[que] ce n'est pas plus profond que ça. »
Et elle a raison. Qu'est-ce qu'il y a de difficile à comprendre dans le fait qu'une femme cisgenre qui a toujours voulu avoir un enfant tombe enceinte ? Rien. Pourtant, les gens regardent Frankie comme s'ils avaient du mal à connecter les deux.
« Quand on est gay, on est déjà hors de la norme. Même chose quand on un garçon manqué » dira Frankie dans la vidéo. « Quoi que vous soyez, on trouvera toujours le moyen de vous mettre dans une case. Et les gens n'aiment pas que vous sortiez de leur case. »
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Pour ces deux femmes, le malaise vient du fait que jusqu'alors, elles étaient plus vues comme des hommes que des femmes. C'est en tous cas la meilleure manière pour les autres de comprendre leur identité. Alors quand elles tombent enceinte, rien ne va plus. Le problème, c'est surtout que les gens ont du mal à comprendre l'intersectionnalité.
« Il y a des gens qui arrivent à accepter votre masculinité, mais ils le font toujours au travers de votre virilité. Les gens pensent qu'ils sont tolérants, mais en fait ils ne font que vous mettre dans les boîtes qu'ils comprennent. »
Et pour ces gens-là donc, une femme butch ne peut pas avoir envie d'avoir des enfants. On imagine toujours que seule les lesbiennes « féminines » peuvent avoir envie de tomber enceinte. Pourtant, ce n'est pas toujours le cas, et de toutes façons, ça n'a pas vraiment d'importance pour un couple comme le leur.
« Les enfants s'en foutent de comment vous vous habillez, de si vous mettez une jupe ou un bas de survêtement » nous dit Frankie.
Cela va faire 2 ans depuis que le documentaire My Mama Wears Timbs est sorti. « Tout va bien pour nous » nous dira Frankie au téléphone, même si la vie est très rythmée depuis qu'elles ont eu un deuxième enfant, porté par sa femme, Tia. Confrontées aux mêmes problèmes que n'importe quels parents, le couple a encore du mal à comprendre qu'elles étonnent.
« Honnêtement, parfois j'oublie qu'on est des parents lesbiennes, jusqu'à ce que quelqu'un nous le fasse remarquer. On nous demande par exemple si on est soeurs, souvent. Ou cette fameuse question « Oh mais qui est la mère du coup ? ». Au début, quand Cody venait de naître, ça nous arrivait de dire qu'on était soeurs, juste pour ne pas avoir à être jugées par un étranger. Aujourd'hui, on a plus peur de répondre "non, on est mariée et ce sont NOS enfants" . On est trop fière de qui on est et de la famille qu'on a créée pour taire la vérité, juste pour mettre les gens à l'aise avec notre réalité. D'ailleurs, ça fait plaisir de pouvoir se dire qu'on contribue à l'idée de normaliser les familles queer. »

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