Prioriser mes besoins ne fait pas de moi une mauvaise mère
Le plus grand tabou de la maternité est d’admettre qu’il est non seulement normal, mais nécessaire, pour une femme d’être au centre de son monde.
"Je suis une mauvaise mère." Voilà cinq mots que l'on se dit, aveuglées par le sentiment de ne pas bien faire les choses. La vérité, c'est qu'avec la barre de la maternité qu'on place toujours plus haut, il est impossible de bien faire les choses, tout le temps et sur tous les plans. Et, en pleine pandémie mondiale, la barre est encore montée d'un cran. Si vous aussi, vos menus repas reposent beaucoup sur les coquillettes au beurre, si vous avez décidé de renoncer aux limites de temps d'écran et, si vous êtes parfois terrifiée par ce que l'avenir vous réserve, vous n'êtes pas seule. No Bad Moms est une série qui ne se contente pas de faire baisser la barre, mais qui voudrait qu'on l'abandonne une bonne fois pour toute. L'objectif est de trouver la bonne mère qui est en chacune de nous et de le célébrer chaque jour. Alors, faites-nous part de vos expériences sur ce que c'est que d'être une mère en ce moment avec #nobadmoms, parce que nous sommes là pour vous. Et, quoi qu'il en soit, nous pensons que VOUS êtes une source d'inspiration.
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Cinq mois après la naissance de mon fils, en plein coeur de la période la plus difficile et la plus éreintante de ma vie de jeune maman, on m'a offert un poste à la BBC de Londres. Cela signifiait déraciner ma nouvelle famille de notre vie à Toronto pour poursuivre mes ambitions professionnelles à l'autre bout de l'océan. J'ai tout fait pour donner l'impression que cette décision était prise avec tout le dévouement et le sacrifice maternel qu'on attendait de moi, pourtant cela n'a pas été si difficile. J'avais toujours rêvé de travailler pour la BBC, pourquoi un bébé se mettrait-il en travers de mon chemin ?
Bien sûr, j'ai gardé ça pour moi. Après tout, ce n'est pas comme ça que les mères, surtout les jeunes mamans, sont censées réfléchir. Je n'ai pas non plus avoué à qui que ce soit à quel point j'étais heureuse de reprendre le travail après mon congé mat'. Quand mes ami·es et ma famille me demandaient si ce n'était pas trop dur d'être loin du bébé, je leur répondais d'un geste de la tête, alors que ce que j'avais vraiment envie de dire, c'était que reprendre le boulot m'avait aidée à me retrouver. Le fait d'avoir des enfants - j'attends mon deuxième - a renforcé mon sens de l'auto-préservation, mon besoin de me forger un espace créatif rien que pour moi, loin des exigences d'un enfant en bas âge et des pleurs d'un nouveau-né. Cette opinion, j'ai tendance à éviter de la partager, en particulier avec d'autres parents. Malgré les petits progrès réalisés par la société sur des questions telles que le partage des tâches domestiques et le congé parental, le plus grand tabou de la maternité est de parler ouvertement et sans complexe de la nécessité, pour une femme, de placer ses besoins à la tête des ses priorités.
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Même avec des mères très populaires comme Chrissy Teigen ou Kristen Bell, qui partagent avec fierté le chaos que peut être la maternité et qui n'ont pas peur de montrer qu'être maman n'est qu'une des nombreuses facettes de leur vie, nous continuons à nous raccrocher à des attentes dépassées et rigides pour ce qui est des figures maternelles.
On a tendance à considérer les femmes comme Teigen et Bell comme des anomalies - et elles doivent constamment faire face aux réactions négatives. Un parfait exemple : l'auteure Ayelet Waldman qui, en 2005, avait osé exprimer son désir de créer une autonomie par rapport à ses enfants dans un essai au New York Times, a admis qu'elle aimait son mari plus que ses enfants. "Si je devais perdre un de mes enfants, Dieu m'en préserve, je l'aurais toujours, lui, mon mari", a-t-elle écrit. "Mais je n'arrive pas à imaginer un futur sans mon mari". Avec ces quelques lignes, Waldman avait réussi à créer une frénésie virale si intense que pendant un certain temps, elle a été la femme la plus détestée d'Amérique. Elle a même dû faire une sorte de mea culpa sur le plateau d'Oprah.
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Quand mes amis et ma famille me demandaient si ce n'était pas trop dur d'être loin du bébé, je leur répondais en acquiesçant de la tête, alors que ce que j'avais vraiment envie de dire, c'est que ça m'avait aidée à me retrouver.
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Bien qu'on remarque une sensible évolution dans la manière dont nous abordons la maternité, nous continuons largement de visualiser la mère idéale comme une femme blanche issue de la classe moyenne. Des privilèges qui permettent d'imaginer beaucoup plus facilement une réalité consistant à rester à la maison et concentrer son identité autour de ses enfants. Mais la réalité est bien différente pour la plupart des mères. La plupart des mamans de la génération Y doivent jongler entre travail et vie de maman pour pouvoir se payer les produits de base que sont la nourriture, le logement et la garde d'enfants. Pourtant, les mères modernes sont toujours dépeintes par les médias comme des "control freaks", amatrices de vin, libérées du fardeau de la curiosité intellectuelle et toujours à la merci des désirs de leurs enfants.
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Cette définition restrictive de la maternité est non seulement étouffante, mais elle est aussi dangereuse. Dans une étude sur les effets de la parentalité intensive - un style de parentalité trop poussé où les mères et les pères s'impliquent fortement dans toutes les décisions et tous les aspects de la vie d'un enfant, laissant peu de place au parent pour exister en dehors de l'enfant - la psychologue de l'Université de Mary Washington, Miriam Liss, a constaté que les femmes qui croyaient que la parentalité devait être centrée autour de l'enfant étaient moins satisfaites de leur vie.
C'est un piège dans lequel il est très facile de tomber. Lorsque notre fils est né, j'ai été tellement bouleversée par les conséquences physiques et psychologiques de la naissance, que j'ai eu l'impression de devoir concentrer toute mon attention et mon énergie sur mon enfant. La relation qui a principalement été affectée a été celle avec mon mari. Et pourtant, c'est notre amour réciproque qui avait créé cette nouvelle personne sans défense. Prendre du temps l'un pour l'autre loin du bébé, que ce soit en voyageant à la découverte de villes où nous avions toujours voulu aller avant les enfants, en regardant un épisode de Love Island en douce tous les deux, ou même en prenant simplement notre café du matin ensemble avant que le bébé ne se réveille, a permis de raviver la flamme entre nous. Car, même si l’affirmation de Waldman sur le fait d'aimer davantage son mari a suscité l'indignation, ce à quoi elle faisait vraiment allusion, c'était à l'étouffement qu'elle ressentait aux confins de l'idéal de la maternité. Elle ne voulait pas se priver de sexualité ou du désir de son partenaire, et surtout, elle ne culpabilisait pas d’avoir ces besoins. Pour certains, c’était peut-être ce manque de culpabilité qui représentait la partie la plus gênante de son essai.
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Prendre du temps pour soi, en particulier en temps de crise, est vital et nécessaire pour chaque mère.
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Et nous savons tou·tes que la culpabilité semble être l'émotion prépondérante que l'on attend des mères. Je connais beaucoup de femmes qui portent leurs liens d'attachement à leurs enfants comme une médaille, annonçant fièrement qu'elles n'ont jamais passé une nuit loin du petit ou déplorant le fait que, malgré la présence de leur partenaire, elles n'ont même pas le temps de se faire couper les cheveux. Même maintenant, en pleine pandémie, alors que ceux et celles d'entre nous qui ont de jeunes enfants doivent les garder 24 heures sur 24 à la maison, il y a des moments chaque jour où je me dis : "Est-ce qu’on peut vraiment dire que le temps que je passe avec mon fils en ce moment est qualitatif ? Est-ce que j'en fais assez ? Chaque jour me file entre les doigts sans que je ne trouve le temps de faire le point avec moi-même, et encore moins le temps de prendre soin de moi. Dans tout autre scénario, accepterions-nous un tel don de soi comme étant sain ? Prendre du temps pour soi, en particulier en temps de crise, est vital et nécessaire pour chaque mère.
Alors que je compte les jours avant la naissance de mon deuxième enfant, je continue à ressentir l’appel de mon ambition. J'espère pouvoir reprendre le travail en free-lance peu après la naissance du bébé. J'ai soif d'être désirée dans le monde en tant qu'être physique, soif d'être vue pour la somme de toutes mes facettes. Je suis le centre de mon monde et le fait de m'y épanouir fait de moi une meilleure partenaire, une meilleure auteure et une meilleure mère. L'admettre à haute voix ne devrait pas être perçu comme une aberration.
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