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Afficher sa rupture sur TikTok : bonne ou mauvaise idée ?

J'étais au lit en train de boire du thé au gingembre et de regarder ma 64 milliardième vidéo TikTok quand j'ai commencé à remarquer une nouvelle tendance. Celle-ci implique beaucoup de mascara qui coule. Et beaucoup de vidéos avec la chanson "Driver's License" d'Olivia Rodrigo. Sous mes yeux, des personnes étrangères étaient en train de décortiquer leurs relations ratées - parfois quelques heures seulement après leur rupture. Elles se parlaient à elles-mêmes : "Chérie, il est temps de passer à autre chose". En bref, je suis tombée sur #BreakupTikTok, et j'étais fascinée.
Si vous faites une recherche sur le hashtag #Breakup ou #BreakupTikTok, vous trouverez un éventail de contenus croustillants et déchirants. Certaines personnes utilisent la plateforme pour partager comment elles ont surmonté leurs peines de cœur. D'autres créent des montages de photos de leur ex, avec des conseils pour la prochaine personne qui les fréquentera. Un nombre surprenant de personnes se filment en train de pleurer devant la caméra, essuyant leurs larmes pendant qu'une chanson de rupture classique comme "Stay With Me" de Sam Smith joue en arrière-plan. Dans les vidéos TikTok les plus cruelles, vous verrez même des gens se faire larguer devant la caméra.
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En regardant ces vidéos, une partie de moi a été impressionnée par la sincérité de ces gens. Certains d'entre eux m'ont rappelé un peu de moi au moment où je vivais ma pire rupture. Mais l'autre partie de moi était sceptique - et un peu préoccupée. Essayaient-ils simplement d'attirer l'attention ? Ne regretteraient-ils pas d'avoir été aussi francs sur leur peine de cœur ?  
Les TikTokeuses avec lesquelles j'ai parlé ont été remarquablement ouvertes sur les raisons de leur contenu - et sur les avantages et inconvénients de devenir virale pour avoir montré au monde leur cœur brisé. Amber Anderson, par exemple, a publié une vidéo sept jours après avoir rompu avec son fiancé, qu'elle fréquentait depuis deux ans et demi. C'était une décision assez impulsive, dit-elle : un matin, alors qu'elle se préparait pour sa journée et se maquillait, elle s'est regardée dans le miroir et a fondu en larmes. Puis, elle a commencé à filmer. "Ce n'est pas parce que quelqu'un surgit de nulle part et que vous tombez désespérément amoureux que vous êtes des âmes sœurs", exprime la jeune femme de 20 ans dans la vidéo, en prenant un moment pour essuyer ses larmes. "Cela signifie simplement que vous vous êtes rencontrés à un moment où vos âmes avaient le plus besoin l'une de l'autre".
Anderson est originaire du Royaume-Uni et, entre son accent et ses cheveux roux ondulés, elle a une vraie allure de Kate Winslet. Elle ne pensait pas que beaucoup de gens verraient la vidéo, me confie-t-elle sur Zoom. Cela fait 17 jours qu'elle a posté la vidéo et seulement 24 jours après sa rupture, mais elle semble beaucoup plus heureuse aujourd'hui qu'elle ne l'était sur TikTok. "Je l'ai fait pour m'aider, en espérant que je pourrais regarder la vidéo dans un mois et voir le chemin parcouru, combien j'avais grandi", dit-elle. "Je ne pensais pas que ça allait cartonner. Je n'avais que quelques milliers de followers à ce moment-là, et maintenant plus de 300 000 personnes m'ont vu pleurer". Encore plus, en fait : au moment de la rédaction de cet article, elle a eu plus d'un million de vues et près de 350 000 likes.
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Tess Mueske ne s'attendait pas non plus à ce que l'un de ses moments les plus difficiles devienne viral. La jeune femme de 24 ans s'est séparée de sa partenaire en octobre. Ses trois colocataires vivaient également des ruptures à ce moment-là. Dans une de ses vidéos, on peut y voir une capture d'écran d'un texto de groupe avec ses amies au cœur brisé - dont une de ses colocataires qui rigole de la situation - et Mueske lire les messages : "Alors, à quel stade de deuil se trouve tout le monde ?" Après que la vidéo TikTok ait pris son envol - plus de deux millions de personnes l'ont regardé - Mueske a commencé à poster ses propres vidéos, à demander des conseils et à analyser ses sentiments. "J'ai l'impression que je pense encore beaucoup à elle", admet-elle dans une vidéo.
Mueske était motivée par le désir de voir plus de contenus vrais sur TikTok. "Je pense que nous voyons beaucoup les bons côtés de la chose", dit-elle à Refinery29. "Les gens parlent de transformation post-rupture ou de 'Oh, j'ai appris toutes ces choses étonnantes sur moi-même'. Mais nous avons aussi besoin d'entendre les gens dire : 'C'est nul et j'aurais préféré que cela n'arrive pas'. Je ne veux pas seulement partager les moments parfaits de ma vie sur Internet, car ce n'est pas ce que je suis en tant que personne". Mais elle a également mentionné le sentiment d'isolement : elle avait récemment déménagé et n'avait pas beaucoup d'ami·e·s dans la région. Et puis avec la pandémie, cela s'est avéré encore plus compliqué. Sur TikTok, elle s'est sentie écoutée.
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"C'est une chose profondément humaine que de vouloir partager nos expériences, que ce soit en thérapie, par écrit ou sur TikTok", déclare Anthony T. Pinter, candidat au doctorat à l'université du Colorado Boulder qui a mené une étude sur les réseaux sociaux et les ruptures.
L'envie de partager n'est pas si mauvaise. "Il est sain de faire sortir ses émotions de son corps, et documenter son processus de guérison peut être utile", ajoute Moraya Seeger DeGeare, codétentrice de BFF Therapy et consultante en entreprise en matière de lutte contre le racisme. Mais il est plus sain de partager avec des personnes en qui vous avez confiance - un·e thérapeute, un·e ami·e - qu'avec vos followers des réseaux sociaux, dit-elle. "Les clics et les vues sont différents de l'aide apportée dans la vie réelle par quelqu'un qui vous connaît, qui peut vous consoler et qui peut vous dire des vérités difficiles", dit DeGeare.
Partager des moments intimes en ligne a des conséquences. "Internet n'oublie pas", note Pinter. Et parce qu'il est si facile de télécharger des vidéos sur TikTok, et que la plateforme encourage les gens à faire des collages de vidéos et à emprunter des sons, la durée de vie technologique de vos larmes pourrait théoriquement durer éternellement. Les vidéos pourraient entraver votre processus de guérison. "Que se passe-t-il si vous devenez un mème et que vous ne pouvez plus échapper à votre propre rupture ?" demande Pinter.
Anderson et Mueske n'en sont encore qu'au début de leur processus de rupture, mais elles affirment toutes deux que la popularité de leurs vidéos respectives a été un peu angoissante - bien que difficile à imaginer. "Au début, quand je pensais au nombre de personnes qui l'avaient vue, mon cœur se mettait à battre très fort", explique Anderson. "Mais je continue à dire aux gens qui pensent à le faire de le faire. Cela m'a aidé à grandir… Quand je regarde en arrière et que je vois à quel point je m'apitoyais sur mon sort, j'ai l'impression de revenir de si loin".
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La vie privée est également un problème - pour les créat·eur·rice·s et leurs ex, dit Pinter. "Les gens n'ont pas peur de mener ce que l'on pourrait appeler la 'justice de la foule' lorsqu'ils voient ce genre de choses et qu'ils ont le sentiment que quelqu'un a été lésé", explique Pinter. "C'est donc une chose importante à considérer si vous envisagez de partager votre histoire sur TikTok ou par d'autres moyens publics… Le public pourrait décider de prendre les choses en main".
Photo : Getty Images.
Et puis il y a le fait que votre ex pourrait voir votre vidéo. Pour certain·e·s, ce n'est pas un problème. "J'espère qu'il l'a vue", déclare Anderson. "J'aimerais qu'il sache à quel point j'étais bouleversée et je veux continuer à poster sur mon processus de guérison. Que je m'en sors bien". En revanche, Mueske a été choquée lorsque son ex a liké une de ses vidéos après leur rupture. "Elle a toujours insisté sur le fait qu'elle n'allait pas télécharger l'application, et quand elle l'a fait, c'était comme si elle lisait mon journal intime", se souvient Mueske. "C'était le seul endroit où j'avais l'impression de pouvoir parler ouvertement de ma rupture en ligne".
Après que son ex soit passée à TikTok, Mueske a supprimé certaines de ses vidéos de rupture. "Je ne veux pas la dépeindre sous un jour négatif, même si elle m'a fait du mal", dit-elle.
D'une certaine manière, je comprends la position de Mueske et Anderson. En 2015, j'avais 20 ans, j'écoutais beaucoup l'album "Red" de Taylor Swift et je traversais une rupture difficile. J'ai ressenti le besoin d'écrire sur le fait de ne pas pouvoir passer à autre chose. J'avais fait confiance à quelqu'un et il m'a brisé le cœur - alors j'ai laissé ce dernier s'exprimer. J'étais incroyablement triste, et je ne pouvais plus retenir cette émotion par moi-même. Au lieu de faire appel à mes meilleures amies qui en avaient assez de m'entendre ruminer, j'ai soumis au magazine en ligne pour adolescents Thought Catalog ce qui était en fait une page non éditée de mon journal intime. Peu de temps après, ils l'ont mis en ligne. Au début, je me suis sentie validée. Puis je me suis sentie mortifiée. J'espérais que mon ex le lirait et je redoutais l'idée. Mais en fin de compte, je n'en avais plus rien à faire.
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Je suis retournée lire mon écrit après avoir parlé à Anderson et Mueske, et j'ai vu dans mon récit certaines des mêmes émotions qu'elles avaient évoquées. À l'époque, je voulais être vue, et savoir que je n'étais pas seule. Plus que tout, je voulais faire sortir mes pensées de mon cerveau, où elles tournaient en boucle de façon malsaine. Aujourd'hui, je peux à peine passer un paragraphe de l'histoire sans rire de l'ouverture dévastatrice dont j'avais fait preuve (et soupirer de l'horrible écriture). Je trouve le post un peu gênant, mais je ne regrette pas de l'avoir soumis - peut-être parce que, à ma connaissance, personne ne l'a lu. Et parce qu'il m'a apporté un peu de paix à l'époque.
Anderson et Mueske disent toutes deux qu'une conséquence positive de la publication de leur vidéo TikTok a été la communauté qu'elles ont trouvée grâce à cela.
Mueske a suivi les conseils que les commentat·eur·rice·s ont laissés, comme celui de se trouver un nouveau passe-temps pour ne plus penser à la séparation. Elle a commencé à enregistrer des chansons qu'elle chante et écrit depuis chez elle. "Je me suis jetée dans un fragment de mon identité qui n'était pas liée à elle, et cela m'a libérée", dit Mueske.
Anderson affirme que des centaines de personnes l'ont contactée sur Instagram depuis qu'elle a publié la vidéo. Bien qu'elle reconnaisse qu'il peut y avoir un côté sombre à la recherche de soutien en ligne, elle s'est surtout liée d'amitié avec des personnes qui vivent une situation similaire. Elle a même organisé une célébration virtuelle de la Galentine's Day avec elles. 
"On fait des trucs vraiment stupides quand on est vraiment triste, mais ça m'a aidé dans ma solitude, et ça a donné un coup de fouet à pas mal de choses pour moi. Je ne pleure même plus. Et c'est tellement étrange, mais en fin de compte, je suis fière de moi", dit Anderson. "Dans le passé, je me suis cachée, et cela ne m'a pas aidée à guérir. Mais cette vidéo m'a aidée, et maintenant, j'ai de nouvelles personnes à qui je peux m'adresser sans jugement ni opinion, et qui traversent aussi quelque chose de difficile".
L'expérience post-vidéo TikTok d'Anderson est le meilleur scénario. Comme l'a souligné Pinter, il y a de nombreuses façons dont les publications sur des amours perdues peuvent tourner au vinaigre. Mais si vous décidez de vous afficher en ligne et que, comme moi, vous vous en plaignez plus tard, rassurez-vous en sachant que vous n'êtes pas la première personne à trop parler de sujets qui vous tiennent à cœur sur les réseaux sociaux. Et vous ne serez certainement pas la dernière.

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