Cette dissonance cognitive allait devenir une sorte de marque de fabrique pour les Français·es ; si Paris était connue dans le monde entier comme la "ville de l'amour" en raison de ses sites touristiques pittoresques et de ses vues romantiques de la Seine la nuit, la plupart, sinon la totalité, des images de la France diffusées dans la publicité, au cinéma et à la télévision étaient composées de personnes blanches, et ce en dépit de
l'augmentation rapide de l'immigration postcoloniale en provenance du continent africain et des Caraïbes dans les années 70, 80 et 90. L'immigration reste le principal outil de mesure que nous pouvons utiliser pour établir la présence croissante de personnes non blanches en France, car il est toujours interdit de faire état de l'ethnicité dans le recensement national (la philosophie française de l'universalisme présente une double contrainte en supprimant la question même qui doit être discutée). En France, être citoyen·e est synonyme d'assimilation à la blancheur, ou à l'idée de la nation au-dessus des expériences vécues de leurs distinctions. Dans l'épisode 5 d'
Emily in Paris, Alfie, le nouveau venu, reproche à Emily de vendre une version fantasmée de Paris, quelque chose qui n'est pas réel. Dans le contexte de la série, cette remarque est un clin d'œil au fait que la série, comme de nombreux programmes centrés sur Londres, Rome, Milan, New York et bien d'autres, crée un univers artificiel qui existe en marge des aspects pratiques du bon fonctionnement d'une métropole. Pourtant, avec les particularités françaises, le sous-texte involontaire souligne la façon dont l'histoire du divertissement français a, intentionnellement ou non, écarté les femmes noires du récit dominant, comme un moyen subtil d'affirmer son identité fantaisiste.