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Pardon, mais que veut dire “avoir l’air” non-binaire ?

Quand je dis aux gens que je suis non-binaire, j'ai souvent la même réponse : "Ah bon ? Mais tu ne fais pas non-binaire !" C'est un commentaire frustrant, mais je comprends d'où il vient ; après tout, nous vivons dans une société qui glousse lorsque Piers Morgan s'identifie sarcastiquement comme un pingouin. Je sais que les gens n'essaient pas d'être grossiers, blessants ou dédaigneux, et qu'en général, ils n'ont simplement pas été exposés à des conversations sur la non-conformité de genre. Pourtant, il est difficile d'ignorer l'implication sous-jacente : que mon identité est non valable.
La réalité est qu'il n'y a pas une seule façon d'être non-binaire. Certain·e·s d'entre nous sont androgynes, d'autres non. Certain·e·s d'entre nous - mais pas tou·tes·s - s'identifient également comme trans. Les seuls points communs entre les personnes non-binaires sont que nous considérons le genre comme un spectre et que nous nous situons quelque part au milieu.
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Même en 2022, ces conversations ne sont pas plus faciles. En 2019, Apple a été critiqué pour une série d'"emoji non-binaires" qui semblaient renforcer le mythe selon lequel l'identité de genre (qui vous êtes) est la même chose que l'expression de genre (ce à quoi vous ressemblez). La vérité est plus compliquée : les deux sont différents mais liés. Pour de nombreuses personnes non-binaires, jouer avec leur apparence peut être un moyen d'explorer et de communiquer leur identité de genre - mais pas toujours.
"Avant, je ressentais le besoin de m'habiller avec pudeur ou en ne prenant aucun risque, mais désormais je m'habille pour le plaisir", me dit lo blogueu·r·se mode Ben Pechey. Sa garde-robe est remplie à ras bord de couleurs vives et de formes audacieuses, mais le genre ne lui vient généralement pas à l'esprit lorsqu'iel décide de ce qu'iel va porter. "Il s'agit plutôt de savoir comment la forme d'une robe me fait sentir, ou comment les talons changent mon humeur. Pour moi, s'habiller est un échange émotionnel".
Selon Ben, les médias jouent un rôle néfaste dans la conception des perceptions des personnes non-binaires : "Ils ne présentent que la moitié des faits, propageant des mythes et de dangereuses idées fausses". Aux yeux de Ben, la vérité est simple. "Mon identité de genre et les pronoms qui vont avec ne sont pas définis par ma façon de m'habiller, et penser qu'il faut avoir une certaine apparence pour être non-binaire est tellement néfaste".
"Malgré ce fait, il peut être difficile de ne pas intérioriser la pression pour avoir une apparence androgyne. J'ai utilisé le maquillage comme bouclier après avoir fait mon coming out en tant que non-binaire ; je pensais qu'en communiquant visuellement ma non-conformité de genre, j'arrêterais les questions avant même qu'elles ne soient posées".
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Pour Charlie, 23 ans (qui utilise le pronom iel), cette période d'expérimentation a eu lieu avant son coming out. "J'essayais de temps en temps de m'habiller de façon plus masculine et, même si je ne me sentais pas mal, je ne me sentais pas bien non plus. Je savais simplement que je ne me sentais pas toujours féminine ; je pensais que c'était la seule façon de l'exprimer. Mais tout ça, c'était avant de faire mon coming out - aujourd'hui, je me sens à l'aise de m'habiller de manière féminine à l'occasion, parce que je sais que le fait de porter une robe ne fait pas de moi une femme !".
Une partie de cette expérimentation provenait également d'un manque de désir d'être perçu·e comme une femme : "J'avais l'impression que si je m'habillais de manière féminine, je serais plus fortement perçu·e comme une femme". Les personnes non-binaires comprennent que le fait de se présenter comme androgyne diminue le risque qu'elles soient mal classées. En ce sens, l'expression peut être perçue comme un outil permettant de naviguer dans le monde avec le moins de frustration possible.
Mais il n'est pas toujours possible d'avoir un look androgyne, surtout si votre corps s'écarte de la norme super mince que la mode utilise souvent pour les éditoriaux "androgynes". "J'ai toujours voulu m'habiller de manière plus masculine", explique Devin, 27 ans, "mais en tant que personne plus-size aux courbes 'féminines', c'est difficile. Il m'a fallu des années pour trouver des vêtements masculins qui me fassent me sentir bien - des vêtements qui ne tombent pas à certains endroits alors qu'ils en enserrent d'autres !". Ce n'est qu'en janvier de cette année que Devin a trouvé une boutique en laquelle iel pouvait "avoir confiance", même s'iel admet qu'iel "ne ressent plus le besoin de porter des vêtements masculins pour se sentir valable en tant que personne non-binaire".
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Cette relation avec les vêtements se complique lorsque d'autres facteurs entrent en jeu. Pour le musicien new-yorkais CHAV, se fixer sur une identité visuelle a été difficile : "Parfois, je pense à ce que cela signifie pour moi de conquérir un public hétéro et de diluer mon expression personnelle comme moyen d'entrée… Mais j'ai aussi pensé que mon travail est de bénéficier et d'aider la vie des personnes de couleurs et des femmes queer, donc je me dois d'être authentiquement moi-même dans une large mesure".
CHAV admet qu'il s'agit d'une conversation difficile et permanente, surtout lorsque l'art s'en mêle. "J'étais récemment en pleine campagne et je portais une barbe, ce qui correspondait bien à l'histoire du single. Mais je ressentais l'envie de la raser - cela me rendait anxieu·se·x, car toutes mes photos de presse me montrent avec une barbe. Je craignais qu'il soit trop tôt pour avoir l'air différent·e alors que les gens apprennent encore à me connaître, mais cela m'a conduit à un moment de réflexion : je suis une personne. En tant que personne non-binaire, j'ai absolument le droit de me libérer de ces idées dépassées sur ce que signifie être un·e artiste pop et réussir dans ce milieu".
Lors de la recherche pour cet article, j'ai parlé à des dizaines de personnes non-binaires - toutes avec des expériences différentes. Tom Pashby travaille dans divers secteurs et chacun d'entre eux a une incidence sur la confiance qu'iel a à se présenter comme non-conforme au genre. "Lorsque je ne suis pas au travail, je me sens plus à l'aise en portant des vêtements et du maquillage qui signalent que je suis non-binaire. La culture du travail est encore assez conservatrice, mais lorsque j'ai des réunions au parlement, je me sens moins gêné·e si je laisse subtilement entendre que je suis queer avec des cheveux décolorés ou des ongles vernis".
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Photo par Ayla Carli
Pour l'activiste, conférencier·e et format·eur·rice Jules Guaitamacchi, éduquer toute personne peu familière avec les identités non-binaires fait partie de son travail : "Je cherche constamment à supprimer cette notion selon laquelle l'identité de genre est liée à l'expression du genre, à la biologie ou à l'orientation sexuelle". Iel est actuellement en transition mais soulignent que cela ne change rien. "L'hypothèse commune est que je suis un homme parce que mon expression de genre est masculine, mais il y a beaucoup de personnes non-binaires qui passent souvent pour binaires mais qui restent fermement attachées à leur identité de genre".
De telles déclarations ne devraient pas être remises en question. Toutes les personnes non-binaires à qui j'ai parlé m'ont confié qu'à un moment ou à un autre, elles s'étaient senties confuses, incomprises ou contraintes d'avoir une certaine apparence afin de "prouver" leur identité. Le fait d'être non-binaire est déjà épuisant ; cela peut ne pas sembler être le cas, mais les petites commentaires qui impliquent que nous sommes non valables ne font qu'ajouter à la frustration de se déplacer dans un monde qui est réticent à reconnaître notre existence.

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