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Des 70s à TikTok, on craque pour le style de la Roller Girl

Photo: Vadmin Photography
Si vous avez vu défiler depuis mars dernier sur votre feed Instagram des gens en débardeur et en short moulant dévalant des rues bordées de palmiers, aux rythmes doux qui accompagnent leurs mouvements fluides, alors vous n'êtes pas seul·e. Vous avez peut-être même acheté une paire de patins à roulettes vous-même, pour profiter de la joie désinhibée dont vous vous remémorez les fêtes d'anniversaire de votre enfance.
Entre l'isolement social, l'avenir incertain et l'anxiété mondiale générale quant à savoir où cette pandémie nous laissera, beaucoup d'entre nous ont cherché du réconfort dans des activités nostalgiques, et le patin à roulettes a occupé le devant de la scène. Globalement, les recherches sur Google pour ce sport ont plus que doublé depuis mars dernier. Pariss Cozier, responsable marketing chez Rookie Rollerskates, l'une des premières marques de roller du Royaume-Uni, me dit qu'ils ont "vu un afflux de ventes et de personnes partageant l'amour du patinage en ligne". On attribue à TikTok le mérite d'avoir braqué les projecteurs sur la discipline cet été, car les débutant·es comme les pros utilisent la plateforme pour montrer leurs compétences depuis les parkings vides du monde entier.
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"Je patine depuis cinq mois et, comme la plupart des nouveaux patineurs, TikTok est l'endroit où j'ai trouvé mon inspiration", explique Marician Dedeaux Brown, basée en Californie, dont ses posts sur l'application ont souvent plus de 400 000 likes. Le feed de Marician est alimenté par des vidéos de rêve qui la montrent en train de patiner sur des terrains de basket-ball déserts, vêtue d'un haut jaune soleil et d'un short, avec des écouteurs soigneusement placés au-dessus de ses chignons. L'obsession du patin a également atteint nos équipes chez Refinery29, où la journaliste Jessica Morgan n'a pas résisté à l'appel de la glisse. "J'ai acheté mes patins il y a trois semaines, après avoir vu des tas de vidéos de jeunes patineuses inonder mes réseaux sociaux", explique-t-elle. "C'était tellement cool et - oserais-je dire - facile, que je me suis dit : pourquoi pas ?". Candice Brathwaite, auteure, s'est également mise au patinage pour la première fois. En postant une photo de ses Rookies, elle a partagé ses progrès avec ses 191 000 followers sur Instagram.
Pour les novices, la montée en flèche du patin à roulettes peut sembler être un retour en arrière qui s'est développé pendant le confinement, mais les professionnels chevronnés vous diront que la passion pour les huit roues n'a jamais disparu. Les patins existent depuis les années 1760 lorsque, selon l'histoire, l'inventeur belge John Joseph Merlin a attaché deux roues à chacune de ses chaussures et s'est rendu à un dîner, heurtant par la même occasion un miroir intégral. Cent ans plus tard, l'inventeur américain James Leonard Plimpton a rendu l'affaire beaucoup plus facile en brevetant des patins à quatre roues qui pouvaient être dirigés simplement en se penchant vers la gauche ou vers la droite. Au tournant du XXe siècle, les patinoires à roller étaient florissantes - ceci dans pratiquement toutes les grandes villes d'Europe - et ce sport est devenu un passe-temps important pour les adultes comme pour les enfants.
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Mais dans ce milieu, tout n'est pas toujours rose. Le roller a un passé mouvementé, comme le souligne United Skates, un documentaire de Storyville réalisé par Tina Brown et Dyana Winkler et produit par John Legend. Une lettre d'amour au sport qui explore comment il a servi la communauté noire d'Amérique pendant près de 100 ans, il y a des images à couper le souffle de patineu·ses·rs représentant leur État au Skate Jamz. Des artistes comme Coolio et Salt-N-Pepa soulignent également l'importance musicale des patinoires : les rappeurs et les artistes hip-hop qui étaient rejetés par les radios et MTV, dont Queen Latifah, Dr Dre et Eazy-E, ont fait leurs débuts sur des patinoires comme Skateland à Los Angeles. Le film montre également comment la mode et le patinage sont inextricablement liés : les gens ont laissé tomber les patins de location ordinaires et ont amélioré leur style en fixant des supports et des roues en métal à des chaussures de sport et de ville, des Timberlands aux Air Jordans en passant par les Converse All Stars. Les patineu·ses·rs de TikTok ont repris ce style de DIY de nos jours, me dit Cassandra Napoli, spécialiste des médias numériques et du marketing chez le prévisionniste de tendances WGSN.
Si le documentaire est plutôt une célébration du sport, il montre également les liens directs entre les divisions raciales et la fermeture rapide des patinoires aux États-Unis. Pendant la ségrégation, la communauté noire était mal accueillie sur les patinoires, les membres du Ku Klux Klan attaquant violemment les manifestant·es qui se battaient pour leur droit de patiner. Tout au long des années 50 et 60, de nombreu·ses·x Blanc·hes ont refusé de patiner sur les patinoires réintégrées, si bien que les propriétaires ont créé des sessions spécifiques pour les Noir·es en utilisant des termes extrêmement codés : "Martin Luther King Jr. Night", "Soul Night" et "Gospel Night" sont tous apparus mais "Adult Night" est resté et est encore utilisé dans tout le pays aujourd'hui. Cette discrimination n'était qu'une autre façon de ségréguer la communauté. Mais dans les années 70 et 80, la culture afro-américaine s'est épanouie dans ces lieux durement gagnés et le jam, le hip-hop et le patinage rythmique qui en sont issus ont donné naissance à des styles de danse régionaux de patinage époustouflants qui restent très influents, du James Brown de Chicago au Snap de Washington DC en passant par le Open House Slide de Detroit. Malheureusement, malgré les patinoires qui apportent du plaisir et des espaces sûrs aux communautés noires d'Amérique, United Skates documente la menace que représentent la présence de la police, les restrictions en matière de vêtements et de musique ("pas de vêtements amples, pas de musique rap") et l'augmentation du prix des loyers.
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Pourtant, il y a de l'espoir. L'activisme reste bien vivant dans la communauté du patinage - Cassandra souligne comment, lors des récentes manifestations de Black Lives Matter à Los Angeles, "des skateurs et des patineurs se sont unis pour une manifestation menée par le groupe Skate For Justice, dont le hashtag prend de l'ampleur sur TikTok" - et comme l'a prouvé la hausse mondiale des ventes de rollers, une nouvelle génération est attirée par les huit roues. "Alors que nous étions bloqués à l'intérieur ces derniers mois, le contenu du patinage a permis de rompre la monotonie de la vie quotidienne", note-t-elle. "Voir les influenceurs de patins sur TikTok glisser librement sur le trottoir est devenu une expérience cathartique et une échappatoire bienvenue aux dures réalités actuelles que nous endurons".
La Berlinoise Oumi Janta pourrait bien avoir été l'influenceuse qui vous a donné envie de vous mettre à patiner. Sa vidéo, qui a été visionnée plus de deux millions de fois sur Instagram, a mis le feu à Internet, et pour cause : ne voulez-vous pas, vous aussi, porter un outfit jaune inspiré des années 70, tout en dansant sur de la musique house lors de la golden hour ? Oumi donne l'impression que patiner se fait sans effort, mais elle nous donne aussi un aperçu d'une vie insouciante. N'est-ce pas exactement ce dont nous avons besoin en ce moment ? Oumi, qui a commencé à patiner il y a six ans, explique que cette joie est la clé de son succès dans ce sport. "C'est tellement amusant qu'on ne réalise même pas que c'est un sport", me dit-elle. "Ça a l'air facile alors que c'est difficile. Mais quand vous patinez, c'est comme une drogue ; vous prenez du recul, vous ne pensez pas aux mauvaises choses, et vous vous contentez de profiter du moment présent".
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Ces vidéos virales sont la clé de notre intérêt pour le patinage, mais nous ne pouvons pas négliger l'importance du style. Le penchant d'Oumi pour les crop tops, les chemises nouées à la taille, les shorts de sport rétro et les chaussettes tubulaires est l'archétype du style de la roller girl, enraciné dans les années 1970 et dans la culture des plages californiennes (typiquement la roller girl de Boogie Nights). Cassandra précise : "Les références incluent un mélange d'influences de plage, de sport et de disco, avec des vêtements clés tels que des shorts de sport rétro, beaucoup de jeans denim coupés et évasés, des combinaisons, des hauts licou à crochet, des hauts de bikini et des chaussettes tubulaires rayées qui sortent des patins à quatre roues colorées. Le look a tendance à être complété par des sacs banane et des chouchous pour renforcer le style rétro nostalgique. Il s'agit d'une mode durable, facile à porter, confortable et respirante et, dans de nombreux cas, assez voyante pour se démarquer dans l'océan de patineu·ses·rs sur les réseaux sociaux". Avec de nombreux mouvements parmi les meilleurs de la discipline réalisés dans les patinoires aux sons du disco, du funk et de la soul des années 1970, il n'est pas étonnant que l'esthétique du roller soit figée dans le temps. "La nostalgie des années 70 est réellement forte car cette époque était si unique où le groove a vraiment trouvé sa place dans le courant dominant", explique Toni Nicole, qui s'habille de velours côtelé, de t-shirts à cols roulés et de débardeurs à rayures lorsqu'elle patine. "Tout le monde s'exprimait comme il l'entendait - c'est l'insouciance de cette époque qui attire les gens, moi y compris".
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Cette esthétique ultra cool des années 70 est en grande partie à l'origine de la vidéo de patinage virale d'Ana Coto qui a fait exploser Internet : 2,2 millions de personnes sur TikTok l'ont maintenant vue glisser sur un boulevard au coucher du soleil dans un pantalon taille haute, un t-shirt noué à la taille, des créoles et des lunettes de soleil. Une fois de plus, le roller a dépeint l'image d'une femme vivant sa meilleure vie estivale face à tous les problèmes que 2020 a fait surgir. "Le roller est fantastique pour l'esprit, le corps et l'âme, selon moi", me dit-elle. "Ça offre une échappatoire, un espace sûr. Une communauté". Ana dit qu'elle a "surmonté son chagrin d'amour à la patinoire et qu'elle est tombée amoureuse là aussi", ce qui fait aussi écho à Shove, qui patine depuis trois ans. Partageant sa vie de patineuse avec ses followers (42k) sur Instagram, Shove attribue à ce sport le mérite de lui avoir sauvé la vie après une relation toxique. Bien qu'elle porte elle aussi d'excellents looks inspirés des années 70 - des combinaisons rose bébé, aux denims évasés et aux chaussettes tubulaires - ce sont ses tenues plus vives et plus audacieuses qui ont captivé son audience, des shorty à rayures arc-en-ciel et imprimés léopard aux bodys imprimés drapeau américain. "J'aime la mode, quoi que je fasse, mais en patins, je me sens comme une super-héroïne ! La confiance que l'on apprend en tombant et en remontant sans cesse a tendance à se répercuter dans d'autres domaines de la vie, comme la mode", avoue-t-elle.
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L'attrait de l'esthétique du patin des années 70 est indéniable, car elle fait honneur aux fondements de la discipline, mais ce qui est passionnant avec le coup de projecteur de 2020 sur le roller quad, c'est qu'il n'y a pas une seule façon d'être. "Aujourd'hui, plus que jamais, les gens rejettent certains stéréotypes et certaines formes de contrôle, comme cela devrait être le cas", explique Toni. "Les roues sont pour tout le monde !" La principale idée fausse, selon Shove - que votre page Explorer d'Instagram pourrait bien vous faire croire - est que pour patiner "il faut être une femme blanche, mince et cis et porter un short moulant". La communauté est composée de personnes de toutes tailles, de toutes ethnies, de tous les genres et de tous les non-genres, de trans, de queer et de toutes sortes de personnes entre deux". Tout comme le cyclisme - une autre tendance sur roues qui a rencontré un grand succès depuis le confinement - le roller est l'antithèse des cours de spinning et des entraînements intensifs de HIIT : c'est excellent pour la santé mais l'objectif final n'est pas de maintenir un type de corps particulier. Il s'agit ici de profiter de l'extérieur et de se vider la tête. En 2019, Jonathan Van Ness a été salué pour avoir posté des vidéos de lui-même, comme Bambi sur la glace, essayant de maîtriser des figures tout en apprenant à patiner. Il a montré un parcours beaucoup plus réaliste, parsemé de chutes, d'éraflures et d'échecs, que ce que nous connaissons habituellement sur les réseaux sociaux. Les influenceu·ses·rs les plus expérimenté·es de la communauté du patin font la même chose, ce qui rend la discipline d'autant plus attrayante pour les débutant·es inquiet·es. "La chute fait partie du patinage et quand on devient vraiment bon en patinage, on devient aussi très bon en chute", affirme Ana. "Vous tomberez quoi qu'il arrive même si vous êtes doué et c'est normal. Mais peu importe comment vous tombez, c'est la façon dont vous vous relevez qui compte", réitère Shove.
Pour ceux et celles qui souhaitent se mettre aux patins à roulettes, Toni déclare : "Mon plus grand conseil est d'écouter votre corps et de ne pas comparer vos progrès à ceux des autres. Soyez patient·es et amusez-vous !" Pour Oumi, la motivation initiale se trouve dans les films de glisse, tandis qu'Ana affirme que l'investissement dans les protège-poignets est une priorité absolue : "Et n'oubliez pas, où va votre nez, vous allez - donc ne regardez pas en bas !"

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