Avertissement : cet article traite de sujets difficiles comme le suicide et l'automutilation.
Après la naissance de son premier enfant, Lisa Abramson a commencé à délirer.
Un matin, alors que sa fille nouveau-née est encore endormie, elle se réveille en entendant une sonnerie. Au lieu de reconnaître l'appel téléphonique qu'elle recevait, elle était certaine qu'il s'agissait d'une radio de police. Sa maison avait été mise sur écoute. La police venait la chercher, et elle restait dans le noir, craignant pour sa vie.
Cela a été un changement terrifiant dans des symptômes qui étaient déjà assez terribles, explique Abramson à Refinery29. "Quelques semaines après l'arrivée de ma fille, je ne pouvais plus dormir. Je ne pouvais pas manger. J'avais l'impression de vivre dans un épais brouillard, et je pleurais tout le temps". Au début, elle se convainc que ce n'est que le "baby blues" et espère que sa tristesse passera bientôt. Mais lorsque les symptômes d'Abramson ont dégénéré en paranoïa, la situation est devenue vraiment catastrophique. "Je pensais que la seule façon de sortir de ma crise était de me suicider", dit-elle.
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Lorsque Abramson a annoncé à sa mère et à son mari qu'elle prévoyait de sauter du Golden Gate Bridge, ils ont compris qu'elle avait besoin d'une aide médicale d'urgence. Ils l'ont fait hospitaliser, mais même à ce moment-là, elle avait encore du mal à comprendre ce qui se passait.
Un médecin a annoncé la nouvelle à la famille d'Abramson : elle souffrait de psychose post-partum (appelée aussi psychose puerpérale), un trouble grave de la santé mentale chez la mère. Cette maladie rare (elle survient après environ une naissance sur 1 000) se manifeste généralement de manière soudaine dans les semaines qui suivent la naissance du bébé et provoque des hallucinations, des délires, des croyances étranges et de la paranoïa. Elle peut parfois commencer par de graves symptômes dépressifs et s'aggraver rapidement, comme dans le cas d'Abramson. Les personnes souffrant de psychose post-partum sont déconnectées de la réalité et, dans certains cas, cela les rend suicidaires.
À l'hôpital, "mon mari m'a montré des informations provenant d'un site web, qui décrivait les symptômes de la psychose post-partum, et dans mon délire, j'ai pensé qu'il avait créé un faux site web pour essayer de me faire sentir mieux", dit-elle.
Les médecins ont donné à Abramson des antidépresseurs et des antipsychotiques qui l'ont aidée à sortir de cet état psychotique. Pourtant, à la suite de ce traumatisme, elle et sa famille ont eu du mal à comprendre pourquoi le fait d'avoir un bébé avait détraqué son cerveau.
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Les gens pensent qu'une fois que vous êtes enceinte, vous n'avez plus le droit de disposer de votre corps, mais ce qui arrive à la mère arrive au fœtus ; une mère en bonne santé mentale est essentielle au développement du fœtus et de l'enfant.
Katherine Wisner, mÉdecin
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Si la psychose post-partum est rare, quatre semaines après l'accouchement, le risque pour une personne de devenir psychotique est 23 fois plus élevé qu'à toute autre période de sa vie. Jusqu'à présent, peu d'études ont été menées sur les causes de cette maladie mentale maternelle peu fréquente (mais toujours terrifiante et parfois mortelle). Mais une importante analyse de la recherche menée par la Northwestern University fournit des informations sur les facteurs de risque, les causes et les traitements potentiels. Katherine Wisner, médecin et auteure principale de l'étude, explique que l'un des facteurs qui rendent la psychose du post-partum si difficile à diagnostiquer et à traiter est que tous les cas ne sont pas identiques - et que trop peu de personnes réalisent qu'elles sont à risque.
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Nous vous expliquons ce que vous devriez savoir sur ce diagnostic rare mais grave.
La maladie peut frapper au hasard
Tout d'abord, la bonne nouvelle : 20 à 50 % des personnes touchées par une psychose post-partum connaissent une "psychose post-partum isolée", ce qui signifie que les symptômes, une fois traités, se dissipent immédiatement, et que ces personnes n'ont besoin de médicaments que pendant une courte période suivant la crise. Mais la mauvaise nouvelle est que, comme dans le cas d'Abramson, il n'y a aucun moyen de le prévoir.
Ce type de psychose post-partum est provoqué par les changements hormonaux et métaboliques tout à fait normaux qui se produisent après l'accouchement. Pendant la grossesse, les hormones telles que l'œstrogène et la progestérone augmentent - mais après la naissance du bébé, ces hormones chutent soudainement. Et pour des raisons inconnues, certaines personnes sont plus sensibles à ces grands changements.
Dans ces cas isolés, des médicaments tels que le lithium apportent souvent un soulagement immédiat, et la médication peut généralement être arrêtée dès que l'humeur de la personne devient plus stable, selon l'étude du The American Journal of Psychiatry. Lors de futures grossesses, ces personnes pourront peut-être continuer à ne pas prendre de médicaments pendant leur grossesse, mais elles seront surveillées de près. Leur médecin commencera généralement à leur administrer des antipsychotiques après la naissance de leur bébé, afin de prévenir un nouvel épisode.
Cette maladie mentale est le plus grand facteur de risque
Dans 50 à 80 % des cas, le trouble bipolaire est le principal facteur de risque, ont constaté les chercheurs. Selon fondation fondamental, le trouble bipolaire, qui se caractérise par des symptômes tels que la manie, l'insomnie, l'adoption de comportements impulsifs et l'accélération des pensées, touche entre 1 et 2,5 % de la population, soit entre 650 000 et 1 650 000 personnes en France.
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Pour les personnes qui sont conscientes de leur trouble bipolaire avant et pendant la grossesse, savoir qu'elles risquent de souffrir d'une psychose post-partum peut être une bonne chose, car cela leur permet, ainsi qu'à leur famille, d'être au moins préparées à cette éventualité.
C'est pourquoi il est si important pour toutes les personnes enceintes de faire part de leurs antécédents en matière de santé mentale à leur obstétricien·ne et à leur sage-femme - et de travailler avec leur médecin pour peser le pour et le contre de la prise de leurs médicaments pendant la grossesse, déclare le Dr Wisner.
Ce que chaque personne devrait savoir
À moins que vous n'ayez déjà reçu un diagnostic de bipolarité, la meilleure chose que vous puissiez faire à l'heure actuelle est simplement d'être conscient·e (et de vous assurer que vos proches sont conscients) que cela peut arriver. Cela augmente la probabilité que vous obteniez l'aide dont vous avez besoin dès que possible (avant que cela ne devienne dangereux), si cela vous arrive.
En revanche, si vous savez que vous souffrez d'un trouble bipolaire, vous pouvez réduire le risque de développer une psychose post-partum en continuant à prendre votre médicament (sous la supervision de votre médecin) tout au long de la grossesse et de l'allaitement. Cela reste - littéralement - un médicament effrayant à avaler pour de nombreuses mères atteintes de maladie mentale, en raison de la question de sûreté.
Et c'est vrai : il n'y a pas de réponse simple. La sûreté de la prise d'antidépresseurs et d'antipsychotiques pendant la grossesse et la période post-partum fait l'objet d'un vaste débat au sein de la communauté médicale. De nombreuses personnes craignent que le médicament nuise à la croissance et au développement du bébé, et comme il existe peu d'études de grande envergure et à long terme sur le sujet, il est difficile de dire avec certitude quels en seront les effets.
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J'espère qu'en partageant mon histoire, d'autres mères ne se sentiront pas honteuses de leur santé mentale, et qu'elles réaliseront qu'il existe une communauté de soutien prête à les aider à guérir.
Lisa Abramson
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Cependant, le Dr Wisner affirme que vous devez peser les risques. "Les gens pensent qu'une fois que vous êtes enceinte, vous n'avez plus le droit de disposer de votre corps, mais ce qui arrive à la mère arrive au fœtus ; une mère en bonne santé mentale est essentielle au développement du fœtus et de l'enfant".
Pour les personnes qui traversent un épisode après la naissance de leur bébé, les conclusions de la Northwestern University indiquent que le lithium, un médicament couramment utilisé pour traiter les troubles bipolaires, est le plus efficace pour traiter la psychose du post-partum - et il ne cause aucun dommage aux bébés allaités.
Les chercheurs citent une petite étude sur des mères allaitantes qui ont pris du lithium ; elle a révélé que les bébés étaient heureux, en bonne santé et ne présentaient aucun effet négatif tant que leur médecin les surveillait. Tout aussi important : ces mères ont déclaré se sentir bien, et leur maladie est restée en rémission.
Conclusion : "Souvent, le risque de prendre des médicaments est inférieur au risque de ne pas traiter la maladie", affirme le Dr Wisner. Elle précise que les personnes qui ne sont pas prises en charge courent un risque accru de suicide - 5 % des personnes souffrant de psychose post-partum non traitée mettent fin à leurs jours. En fin de compte, le Dr Wisner affirme que le traitement de la psychose post-partum par des médicaments permet de prévenir ces tragédies impensables et déchirantes.
Le parcours de Lisa Abramson vers la guérison est passé par une hospitalisation, des médicaments et une psychothérapie, et aujourd'hui, elle est une mère heureuse et en bonne santé avec sa fille, Lucy, âgée de 2 ans. "J'espère qu'en partageant mon histoire, d'autres mères ne se sentiront pas honteuses de leur santé mentale, et qu'elles réaliseront qu'il existe une communauté de soutien prête à les aider à guérir".
Si vous ou une personne que vous connaissez avez des pensées suicidaires, veuillez contacter la ligne téléphonique de Suicide Ecoute au 01 45 39 40 00 pour en parler.