J'ai toujours eu une relation compliquée avec le Nouvel An lunaire.
D'un côté, il y a ce qui est probablement ma tradition préférée de tous les temps : chaque année depuis les dix ans que nous l'avons, mon chien est le premier à franchir le seuil de la maison de mes parents le matin du Nouvel An, ou comme on l'appelle au Vietnam, le Tết.
Mes parents m'ont toujours dit que c'était parce que les chiens sont supposés porter chance (les chats, en revanche, sont supposés porter malheur), et que le jour du Nouvel An, la personne qui franchit en premier le seuil de la maison donne le ton pour le reste de l'année.
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C'est ma tradition préférée, principalement parce que c'est mon chien et que je l'aime - et c'est probablement la raison pour laquelle c'est la seule tradition qui résonne en moi. Mais pour le reste, j'ai toujours eu du mal à m'identifier à cette fête et, par extension, à ma culture.
D'une part, ce n'est pas une fête nationale et, enfant, je ne comprenais pas pourquoi ce serait un "vrai" Nouvel An si on ne pouvait pas rester à la maison pour le fêter comme on le ferait le 1er janvier. Comme mes parents ont toujours insisté sur l'importance de l'école et ne voulaient pas que je rate même une journée, rester à la maison était hors de question, même pendant la fête la plus importante de notre culture.
Et même si mes écoles acceptaient le Nouvel An lunaire, on l'appelait généralement le Nouvel An chinois, même s'il est célébré par de nombreuses autres cultures. On apprenait à mes camarades à préparer des dumplings et à souhaiter la bonne année en disant "Gung Hay Fat Choy". Même si mes professeur·es avaient de bonnes intentions, j'avais l'impression que les Vietnamien·nes étaient exclu·es des festivités, ce qui ne faisait qu'ajouter au mythe selon lequel les Asiatiques sont un monolithe, que nous sommes en quelque sorte tou·tes Chinois·se.
Et puis, quand on est un enfant gâté comme moi, la partie la plus fun du Nouvel An est de recevoir des "li xi", des petites enveloppes rouges remplies d'argent que vos proches vous remettent pour vous porter chance.
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Mais depuis que j'ai déménagé à New York il y a quelques années et que je n'ai plus de chien (ni aucun membre de ma famille) près de moi, j'ai dû redoubler d'efforts pour me sentir connectée au Nouvel An lunaire, et à mon identité vietnamo-américaine en général.
J'ai parlé à plusieurs autres personnes racisées qui m'ont dit ressentir la même chose : elles ont elles aussi commencé à faire des efforts pour renouer avec leur culture après s'être éloignées de leur famille.
Mes parents ont toujours été mon lien avec ma culture. Après tout, je peux à peine parler vietnamien aujourd'hui. Et pourtant, c'est la seule langue que j'ai parlé jusqu'à l'âge de cinq ans, jusqu'à ce que j'entre à l'école et que je doive m'assimiler aussi vite que possible. Maintenant que je vis à New York, à près de 5 000 km de mes parents, trouver des moyens de me connecter à cette partie de moi-même a été un peu plus difficile. Mais c'est peut-être là tout l'intérêt : l'identité et la culture sont des choses pour lesquelles il faut parfois travailler si l'on veut trouver les traditions qui nous conviennent.
Je dois admettre que je ne sais pas encore trop bien ce que cela représente pour moi. Ces deux dernières années, j'ai organisé des dîners avec des amis qui célèbrent aussi le Nouvel An lunaire. Et, bien sûr, comme cette fête n'est pas complète sans mon chien, je continue à trouver des moyens de l'inclure aux festivités, même s'il me déteste pour avoir envoyé à la maison ce qu'il considère probablement comme une camisole de force festive.
Cette année, je profiterai également de cette journée pour participer aux célébrations de mon quartier (je vis actuellement à Chinatown) et pour déterminer quelles traditions de mes parents j'ai envie de perpétuer, même s'ils ne sont pas là pour me tenir la main.
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