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Comment se forger sa propre opinion dans un monde de distractions

Photographed by Eylul Aslan
Combien d'heures avez-vous passé à checker votre téléphone, tout en regardant Gossip Girl, distrait·e par le bouquin que vous vous êtes promis de commencer la semaine dernière ?  
Notre génération est saturée de "musts" culturels. Nous sommes devenu·e·s consommat·eur·rice·s permanent·e·s de médias, des podcasts aux articles, des séries télévisées aux réseaux sociaux. Le terme "infobésité" a été créé en 2013 pour décrire "l'état de consommation continue de grandes quantités d'informations, lorsque cela a un effet négatif sur le bien-être d'une personne et sa capacité à se concentrer". Ça vous rappelle quelque chose ?
Une étude réalisée par Microsoft en 2015 sur la consommation des médias au Canada a conclu que la durée moyenne d'attention était tombée à huit secondes, contre 12 secondes en 2000. Selon l'étude, nous disposons désormais d'une capacité d'attention plus courte que celle d'un poisson rouge. Satya Nadella, PDG de Microsoft, a déclaré à l'époque : "La véritable rareté est maintenant l'attention humaine." Depuis lors, nos mondes n'ont fait que s'encombrer davantage des idées des autres - notre attention diluée par l'écoute de podcasts, le binge-watching et le scrolling sur les réseaux sociaux.  
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Lorsque des émeutiers ont pris d'assaut le Capitole aux États-Unis le mois dernier, j'ai, comme la grande majorité des personnes que je suis, exprimé mon écoeurement via les réseaux sociaux. Ce n'est pas pour autant que j'ai pris le temps d'écrire mon propre commentaire pour exprimer mes sentiments ; je l'ai fait en repostant un article dont je partageais le sentiment. C'est pareil, non ? Dans ce cas particulier - une tentative de coup d'État et un exemple flagrant de racisme systémique - il n'y avait qu'une opinion qui méritait d'être exprimée. Mais qu'en est-il des sujets un peu plus nuancés ?
Avec la culture du repost, il n'a jamais été aussi facile d'avoir un avis. Cela agit comme un tampon entre nous et la position vulnérable et nous enlève l'opportunité d'explorer ce que nous ressentons vraiment. Pourtant, s'aligner sur les opinions des autres et se contenter de les retransmettre nous empêche de former notre propre opinion. Et dans une société de plus en plus rongée par l'anxiété, il est parfois beaucoup plus facile d'adopter la rhétorique des autres que de risquer de goûter aux joies de la cancel culture pour avoir développé (et exprimé) la nôtre.  
Hors ligne, les ventes de livres de développement personnel ont atteint des niveaux records, car les millennials épuisé·e·s se tournent vers des psychologues et des célébrités comme Russell Brand, Ruby Wax et Fearne Cotton pour savoir comment faire face à la vie et à toutes ses incertitudes.  
On se fraye un chemin à travers des ouvrages comme Speak Your Truth, Declutter Your Mind et Think Like a Monk, mais on ne pense pas du tout par nous-mêmes. Nous sommes tellement absorbé·e·s par les choses que les autres nous disent de vivre - de la façon de penser à la "bonne" façon d'organiser notre tiroir à culottes - que nous avons oublié comment nous forger notre propre opinion. Tout cela parce que nous n'avons pas la capacité, ou la motivation, de passer un moment seul avec nos pensées. Nous avons peur de l'ennui.
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Et si un peu d'ennui nous faisait du bien ? Et si, dans une certaine mesure, l'ennui nous donnait l'occasion de faire le point et de réfléchir - une façon d'éviter les décisions impulsives basées sur un sondage rapide de l'opinion d'autrui ? Peut-être que l'ennui, un peu de temps pour réfléchir, une chance d'être simplement "présent·e" - plutôt qu'un constant bruit de fond - est essentiel à notre bonheur, et même à notre productivité. 
Dans son livre Imperturbable : Comment s'affranchir des distractions du monde numérique et rester maître de sa vie, Nir Eyal, ancien professeur de l'université de Stanford et expert en design comportemental, affirme que toute distraction peut être utile si on se l'approprie. "Il est trop simple de dire que les écrans abîment votre cerveau", dit-il. "Il est clair que cela joue un rôle. Mais même si vous arrêtiez complètement d'utiliser toute technologie, la distraction ne disparaîtrait pas".
La quête de la distraction comporte un énorme élément émotionnel. "La gestion du temps est une gestion de la douleur", explique Eyal. Le cerveau, dit-il, a évolué vers un sentiment d'insatisfaction et la raison pour laquelle vous recherchez une distraction est que vous essayez d'échapper à ces sentiments inconfortables. Avec le temps, prendre son téléphone ou lancer Audible et écouter la voix de quelqu'un d'autre afin d'éviter l'ennui devient une habitude.
Eyal a développé une technique pour apprendre à faire face au malaise d'être seul·e avec ses propres pensées. Cette technique s'appelle A.C.T : (une psychothérapie d'acceptation et d'engagement). Que vous souhaitiez vous recentrer ou simplement vous accorder un peu de temps pour réfléchir, il affirme que la méthode A.C.T vous aide à recalibrer votre cerveau pour y parvenir. 
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La première étape est d'apprendre à remarquer le sentiment d'inconfort qui vous distrait en tenant un "journal de déclencheurs". Peut-être remettez-vous un engagement professionnel particulièrement monotone préférant passer du temps sur Twitter sans réfléchir, par exemple. Prendre note de vos pensées sur votre ordinateur portable ou sur une feuille de papier vous aidera à prendre conscience de ce qui se passe et à quelle fréquence.  
La prochaine étape est celle qui vous va vous faire souffler. Votre tâche consiste maintenant à vous asseoir et à vous questionner sur ce sentiment. "La plupart des gens vont s'autoflageller ou s'accuser d'être distrait", dit Eyal. "Au lieu de cela, vous devez vous confronter à la tentation et faire preuve de curiosité".
La troisième étape consiste à être attenti·f·ve à ces moments déclencheurs. La prochaine fois que vous irez en quête de distraction, que ce soit via Instagram, Netflix ou le frigo, essayez la règle des 10 minutes. "Je m'autorise à le faire, mais pas tout de suite. Je dois simplement patienter 10 minutes", explique Eyal. Les psychologues appellent cela "surfer sur l'envie". Pensez à votre envie comme à une vague - elle va monter en intensité, atteindre un pic, puis finalement s'écraser et se calmer.  
Augmenter la quantité d'effort nécessaire pour accomplir une action non souhaitée peut également vous aider à surmonter votre impulsivité. Désactivez les notifications push, supprimez les applications distrayantes de votre page d'accueil et faites preuve de discernement quant aux centaines de discussions de groupe que vous avez sur WhatsApp. Des applications comme SelfControl et BlockSite permettent de restreindre l'accès aux sites Web et peuvent également vous encourager à vous libérer de votre téléphone. 
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Pour finir, Eyal suggère de consacrer du temps à la "traction". Cela signifie que vous devez définir vos objectifs dans tous les domaines de votre vie - dans vos relations, professionnelles et personnelles - et planifier du temps pour la réalisation de ces objectifs au quotidien. "C'est particulièrement important lorsque nous manquons de structure", dit-il. "Nous devons ramener cette structure dans notre vie pour nous apporter une certaine routine".
Prévoyez donc un moment pour vos responsabilités professionnelles, un autre pour la famille, votre prochaine séance d'entraînement et cette heure pour réfléchir à ce que vous pensez réellement. À une époque où les théories du complot et les fake-news sont monnaie courante, il est plus important que jamais d'adopter une pensée critique. Consacrer du temps à la réflexion et à examiner ce que vous pensez vraiment est non seulement important, mais aussi indispensable.
Et si vous décidez qu'il vaut mieux laisser votre tiroir à culottes désorganisé, tant mieux pour vous - ça fait une chose de moins à faire.

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