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Des photos douces & sincères de jeunes vivant avec le TDAH

Nora Nord, une photographe norvégienne installée à Londres, a reçu un diagnostic de TDAH en 2018, alors qu'elle avait une vingtaine d'années. Ce fut un sentiment immensément libérateur, a-t-elle expliqué, car cela lui a donné l'occasion de donner un sens à certains aspects de sa personnalité. Mais c'était aussi une période frustrante. "Pendant la majeure partie de ma vie, j'ai eu le sentiment sous-jacent que quelque chose n'allait pas chez moi", se souvient-elle. "Je me demandais pourquoi je ne pouvais pas me concentrer ou finir les choses, et pourquoi tout ce que je faisais était à la dernière minute. Et je pense que beaucoup de personnes atteintes de TDAH ressentent encore ce sentiment. Comme il y a un manque à la fois de compréhension et de soutien facilement accessible, c'est à nous de trouver notre propre langage et de comprendre comment nous voulons évoluer dans le monde".
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Lorsqu'elle a commencé à faire des recherches sur son trouble, Nord s'est rapidement rendu compte que les voix comme la sienne, en tant que femme queer, étaient particulièrement noyées dans la conversation et elle a donc décidé de réagir. Le résultat est une série de portraits permettant de rencontrer et d'entendre les histoires d'autres personnes sous-représentées atteintes du TDAH.
Rachelle (elle/iel) : "Le fait d'entendre que des personnalités publiques accomplies et ayant ‘réussi’ souffrent du TDAH a eu un impact positif sur moi, je pense que la représentation est tellement importante. Solange, Bill Gates, Simone Biles, Zooey Deschanel, Michael Jordan, Will Smith, Mel B, Paris Hilton, Britney Spears et Will.i.am ne sont que quelques-unes des nombreuses personnalités publiques qui souffrent du TDAH et s'épanouissent dans leur vie et leur carrière. Apprendre que Cher a un TDAH a changé ma vie, non seulement elle est une icône, mais ses tweets sont ridiculement drôles et cela a beaucoup de sens qu'elle ait un TDAH. C'est tellement important d'avoir une représentation positive car cela nous rassure sur le fait que nous ne sommes pas seul·e·s et que nous sommes plus capables que nous le pensons."
Nord a commencé le projet juste avant le premier confinement dû au Covid-19, et a amorcé ses portraits comme un moyen de montrer les nombreux visages différents du TDAH. "Il y a ce stéréotype selon lequel le TDAH est un garçon turbulent dans une classe qui ne peut pas rester assis, mais chaque personne est différente et c'est ce que j'essaie de montrer ici. Les stéréotypes sont la raison pour laquelle le non-diagnostic peut durer tant d'années, car les gens ne regardent pas au-delà de ces stéréotypes. J'avais l'impression que la plupart des recherches et des projets que j'ai découverts lors de mon premier diagnostic avaient été réalisés par le même type de personnes - des hommes blancs cis - et j'ai donc voulu changer le discours", explique-t-elle. "Il a également été important pour moi de parler de ce à quoi le TDAH peut ressembler - de nos habitudes et irritations amusantes à nos parcours créatifs - car il y a tellement de personnes qui ne correspondent pas au stéréotype. Ce n'était certainement pas mon cas, et il y a tant d'autres personnes qui bénéficieraient de savoir qu'elles sont aussi neurodivergentes". Elle a commencé par photographier des ami·e·s et des ami·e·s d'ami·e·s, puis des personnes avec lesquelles elle a discuté sur Internet. Jusqu'à présent, tou·s·tes les participant·e·s étaient basé·e·s au Royaume-Uni, mais à terme, Nord espère discuter avec des personnes d'autres pays pour voir comment leurs systèmes diffèrent et comment la pensée culturelle sur la neurodiversité se compare.
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Caitlin (iel/ellui) : "Le TDAH se manifeste souvent dans ma façon de travailler. Ainsi, si je me soucie beaucoup de quelque chose, cela ne signifie pas nécessairement que je trouve facile de m'y concentrer, mais quand je le fais, c'est intense, d'une manière telle que "je dois tout faire en même temps". Et puis je peux avoir une journée où je ne fais rien pendant un petit moment. Il est très difficile de hiérarchiser les choses. En gros je vais faire une chose qui n'est peut-être pas la bonne. C'est la chose urgente du moment, mais c'est comme si je n'avais que la capacité de penser à ce que je fais et comme si l'urgence et les délais n'avaient aucun poids dans mon processus de décision sur ce que je fais, parce que ce n'est pas comme ça que mon cerveau fonctionne. C'est comme si je remettais à plus tard un projet en faisant un autre projet, comme si je devais faire les choses au fur et à mesure que mon cerveau en a la capacité. Et puis quand tu le fais, c'est fou, c'est comme si tout était en même temps et tu as la capacité de travailler pendant trois jours d'affilée. Et puis évidemment, je suis chaotique, je suis en retard et je suis désordonné·e. Et je me laisse distraire très facilement. Je suis assez impulsi·f·ve pour ce qui est des choses de tous les jours."
Loy (elle/elle) : "Je pense que ce que je préfère dans le fait d'avoir un TDAH, c'est qu'on me rappelle constamment à quel point l'esprit est expansif ! Cela m'a appris à penser de manière non linéaire, à sortir des sentiers battus et à prêter attention aux choses de ma vie qui m'apportent de la joie. Il a été plus difficile de rester motivée avec l'incertitude du Covid, mais cela m'a aussi donné l'occasion de me lancer dans un milliard de projets passionnels différents. Et je pense que mon super pouvoir de TDAH est d'être si facilement distraite par de nouvelles choses, car cela me permet de découvrir constamment de nouveaux aspects de mes capacités, de ce que j'aime et de qui je suis, cela a simplement plus de sens."
L'année même où Nord a été diagnostiquée, la BBC a rapporté qu'il faut parfois plus de sept ans aux adultes britanniques pour recevoir un diagnostic, et que sur les 1,5 million de personnes atteintes, seules 120 000 environ sont formellement diagnostiquées. Qui plus est, ce sont surtout des hommes blancs et hétérosexuels qui reçoivent le diagnostic. Psychiatry UK indique qu'à partir de cette année, les hommes ont trois fois plus de chances que les femmes d'être diagnostiqués. Une problématique qui ne diffère pas en France, le TDAH affectant 2 à 4 % des adultes selon Encéphale.
En parlant avec Nord, il apparaît clairement que certaines des raisons de l'écart de diagnostic entre les genres peuvent être socialement construites, notamment le fait que les marqueurs de neurodiversité sont souvent hyper focalisés sur des facteurs externes comme les perturbations ou les bagarres. Les filles - qui sont rigoureusement conditionnées pour éviter ce type de comportement - peuvent apprendre à mieux masquer leur TDAH. Quel que soit le genre, si votre TDAH est principalement internalisé, il peut être plus difficile de le reconnaître. "La plupart des chercheurs sur le TDAH n'ont pas commencé à croire que les femmes pouvaient souffrir du TDAH avant les années 1990, donc nous avons encore beaucoup de retard à rattraper", déclare Nord, ajoutant que c'est une histoire similaire pour d'autres groupes sous-représentés, y compris les personnes queer. "Je pense qu'il y a beaucoup de liens entre le TDAH et le queerness : réaliser que ce qui est bon pour la majorité ne l'est pas nécessairement pour nous et pour vivre sa vie selon ses propres conditions".
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Rosie (elle/iel) : "Je ne ferais pas d'art sans le TDAH et j'ai appris que mes difficultés d'apprentissage combinées sont ce qui me rend créati·f·ve, et aussi très joyeu·se·x. C'est vraiment un esprit différent. Je pense que mon humour vient de là aussi, et mon cerveau rapide me permet d'avoir ce côté spirituel car c'est comme si nous fonctionnions sur une fréquence différente de celle des autres. La seule raison pour laquelle le TDAH est débilitant (à part la sensibilité au rejet, etc.) est que le monde n'est pas fait pour nous. Mais s'il l'était, nous serions en avance sur les autres parce que nous évoluons à un rythme plus rapide, que ce soit en interne ou en externe. L'anxiété d'avoir un TDAH est souvent construite en nous par les autres qui ne le comprennent pas, je pense."
Emily (elle/elle) : "Mon père est médecin et il ne pensait vraiment mais alors vraiment pas que j'avais un TDAH. Et je crois qu'il pensait que j'essayais de trouver des raisons pour justifier mon mauvais comportement ou le fait que je ne faisais pas d'efforts à l'école. Il pensait donc que si j'étais diagnostiquée, je ferais semblant pour ne pas avoir à faire autant d'efforts."
Jade (elle/elle) : "En fait, c'est la façon Jade. Oh, mon Dieu. Je parle de moi à la troisième personne ? Mais comme ma façon de faire les choses, je pense que les gens sont genre 1, 2, 3, 4 dans les étapes qu'ils franchissent et je suis genre 1, 6, 20, 5, 30. C'est comme si une porte se ferme mais une fenêtre s'ouvre, j'ai ce genre d’approche. Je ne suis pas du genre à suivre des lignes droites. Je suis plutôt du genre à suivre des courbes, des ondulations et des gribouillis. Et c'est pour ça que je pense que, parce qu'on est dans le chaos, il y a de la synchronicité et de la raison. Comme des couleurs de différentes teintes. Et je pense que j'aime ça en moi et c'est quelque chose qui me rend différente et tout le monde a ça, ces différences, mais je reconnais la mienne et je l'embrasse vraiment."
"Il est difficile d'obtenir de l'aide en matière de santé mentale au Royaume-Uni si vous êtes marginalisé, si vous appartenez à la classe ouvrière et si vous devez faire face à un système qui n'a pas de temps à vous consacrer", poursuit Nord. À celles et ceux qui ont été diagnostiqué·e·s récemment, Nord recommande également de lire le livre ADHD 2.0. Elle souhaite aussi que les gens sachent que le gouvernement ne fait pas exactement la publicité de ce qu'il peut offrir. "Certains médecins vont prescrire des médicaments et dire que c'est le traitement alors qu'en fait, les médicaments ne sont qu'un des éléments d'une longue liste de traitements importants".
Prises à la lumière naturelle, les photos de Nord sont de jolis portraits intimes de ses modèles dans leur chambre, accompagnés de leurs citations et de leurs pensées vagabondes. "J'ai demandé à tout le monde de ne pas nettoyer ou ranger car je voulais capturer la réalité des choses, et l'espace d'une personne en dit tellement sur elle", explique-t-elle. "C'était aussi important pour moi parce qu'il y a souvent beaucoup de honte associée au fait que nous, les personnes atteintes de TDAH, pouvons être désordonnées, et il est intéressant pour moi de voir comment chacun gère cette partie de la situation". Profondément en phase avec l'importance d'apprendre à connaître ses modèles en tant que photographe, Nord passe la première heure ou les deux premières heures avec chaque personne à discuter du TDAH avant de commencer à prendre des photos, enregistrant leur conversation comme elle vient.
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Monique (elle/elle) : "Le jour où j'ai reçu mon diagnostic a été le jour où je... ne me suis pas maudite, mais j'ai toujours su que j'avais cette boule d'énergie à l'intérieur de moi, et je me souviens avoir reçu le diagnostic, j'avais 8 ou 7 ans, et c'était comme quand on découvre qu'on est blanc ou noir. J'avais l'impression d'avoir ce problème en moi, et il m'a fallu beaucoup de temps pour réaliser que ce n'est pas un problème. Je suis juste différente et c'est bien. C'est bien d'être différent. Je n'ai pas besoin de me conformer à toutes les règles, à toutes les situations ou à tous les environnements, et lorsque je rencontre d'autres personnes atteintes du TDAH, je vois que la plupart d'entre elles sont assez créatives et cela m'inspire."
Parallèlement à ses portraits, Nord a récemment porté son attention sur un nouveau volet du projet : un podcast intitulé You & Me : Let's Talk About ADHD. "Il m'a semblé logique que les conversations que j'avais soient accessibles à un public plus large", explique Nord, "c'était donc une étape naturelle". Le podcast est presque entièrement basé sur des entretiens, Nord et ses invité·e·s parlant ouvertement des différents aspects du TDAH, qu'il s'agisse du fait d'en être atteint, de le diagnostiquer ou de l'apprécier. Ce podcast est en train de devenir une ressource inestimable. "Je parle avec beaucoup des mêmes personnes que je photographie, mais je l'ai également étendu pour parler avec ma moitié et photographe trans, Heather Glazzard, et un mentor TDAH avec 25 ans d'expérience de diagnostic aussi. Les épisodes sont publiés toutes les deux semaines". Le podcast peut être écouté sur le site web du projet ainsi que sur la plupart des grandes plateformes de podcast, y compris Spotify.
Syd (iel/ellui) : "Je pense que beaucoup de luttes que nous vivons en tant que personnes neurodivergentes sont le résultat direct d'une société capitaliste qui valorise la production par rapport à tout le reste, et si cela n'existait pas, ce serait très différent pour nous. J'essaie de retrouver le sentiment que cette société a ses avantages en plus de ses inconvénients. J'ai un trouble de la personnalité limite et j'avais l'habitude de penser qu'il n'y a pas d'avantages à avoir un trouble de la personnalité limite - tout est mauvais. Mais je me suis rendu compte que cela signifie que je suis incroyablement connecté·e émotionnellement et que je suis capable d'un amour profond et puissant. De la même manière, le TDA n'est pas seulement une question de manque de productivité, d'incapacité à se concentrer, d'incapacité à prêter attention aux gens. C'est le pouvoir créatif que les personnes atteintes de TDA détiennent. Notre capacité à avoir plusieurs points de vue, à contenir des multitudes, je pense qu'il faut en parler davantage."
Calm (elle/elle) : "Je pense que si je dis spirituellement, la clairvoyance est un super pouvoir. Mes rêves sont parfois très intenses et récemment, mes rêves se réalisent, comme une clairvoyance ! J'ai rêvé de l'endroit où je travaillais avant d'y travailler ou de voir la boutique de toute ma vie, et maintenant je travaille à EYTYS.... c'est bizarre ! Et ça m'a fait penser que je devenais folle, et en étant ici je suis comme si je ne devenais pas folle. Je me sens capable de faire n'importe quoi. Ça peut me prendre du temps, mais une fois que je l'ai, je l'ai, et ça reste."
En attendant, Nord dit que la meilleure analogie qu'elle puisse trouver pour décrire la réalisation de ce projet est que cela a été comme construire une grande et belle maison en désordre. "Comme un endroit où tout le monde peut se retrouver, dans les coins et les tiroirs, dans les pièces et parfois sur le toit", songe-t-elle. Sur le plan personnel, elle a appris à se pencher sur une nouvelle forme d'acceptation de soi à laquelle elle n'avait pas accès auparavant, et c'est devenu un aspect vraiment réjouissant de sa vie. "L'une de mes principales expériences a été de me sentir à l'aise pour annoncer ma neurodivergence et dire aux gens mes besoins en matière d'accessibilité, qu'il s'agisse d'un ami, de la personne qui partage ma vie ou d'une personne avec laquelle je travaille", dit-elle chaleureusement. En fin de compte, elle espère que les personnes qui voient ses photos et écoutent le podcast se rendront compte que le TDAH est un don ou, mieux encore, un super pouvoir. Le travail qu'elle accomplit a pour but de rassembler une nouvelle communauté. La guérison passe par la communauté et les récits, dit-elle. "Mon espoir est que davantage de ces histoires soient racontées et que davantage de personnes trouvent le langage dont elles ont besoin".
Pour en savoir plus sur le travail de Nora et écouter le podcast, rendez-vous sur le site Web du projet. Nora a également dressé une liste de ressources utiles pour toute personne nouvellement diagnostiquée avec un TDAH, que vous pouvez consulter ici.

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