Ce mercredi 3 juin, la députée LREM Laurence Vanceunebrock a annoncé le dépôt d'une proposition de loi visant à interdire les thérapies de conversion, ces pratiques qui prétendent transformer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne.
"Quand j'ai été saisie du sujet en 2017, je connaissais l'ampleur du sujet aux États-Unis, mais pas sur le territoire national. J'ai commencé à faire quelques recherches et, rapidement, je me suis rendue compte qu'il y avait différentes sortes de thérapies de conversion." a-t-elle déclaré à franceinfo lors d’une interview.
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Cette proposition de loi a pour but d'instaurer une infraction spécifique pour interdire ces pratiques. Elle prévoit des facteurs aggravants pour prendre en compte la situation des mineurs, grandes victimes de ces thérapies.
Comme l'indiquait Laurence Vanceunebrock et Bastien Lachaud lors de la présentation des conclusions de leur mission d’information parlementaire en décembre, l'homosexualité, exclue en France depuis 1992 de la liste des pathologies psychiatriques, est toujours considérée comme une maladie par les promoteurs de ces thérapies de conversion, qui couvrent un spectre très large de pratiques souvent insidieuses.
De nombreuses études, notamment aux États-Unis et au Royaume-Uni montrent les conséquences dévastatrices sur la santé mentale et la vie des personnes victimes de cette pratique.
Le film de Desiree Akhavan, "The Miseducation of Cameron Post" (2018), explore l'absurdité de ces programmes de "conversion" et les effets qu'ils peuvent avoir sur les personnes qui y participent. Aux États-Unis, on estime que 698 000 adultes ont participé à une thérapie de conversion, dont 350 000 à l'adolescence, selon une étude du Williams Institute de la faculté de droit de l'UCLA. Malheureusement, il n’existe pas encore de statistique sur la question en France.
Shulli, une consultante londonienne de 27 ans, a suivi une thérapie de conversion homosexuelle privée alors qu’elle avait tout juste 20 ans. Judi Price, 56 ans, photographe et assistante médicale au Kansas, a suivi un séminaire de thérapie religieuse alors qu'elle était jeune adulte. Les deux femmes partagent ici leur expérience troublante.
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Shulli, 27 ans
J'ai fait mon premier coming-out à ma mère un soir pendant les vacances d'été. J'avais 11 ans. Je ne comprenais pas les concepts d'homosexualité et d'hétérosexualité, pour moi je lui racontais simplement le crush que j'avais pour une fille. Comme j'étais très jeune, on a toutes les deux fait abstraction et on n'en a plus vraiment reparlé. J'ai refait mon coming-out à 18 ans, puis au début de la vingtaine.
Mes deux parents ont été très surpris parce que personne n'était gay dans notre entourage. Malgré ça, ils m'ont beaucoup soutenue, même s'ils étaient inquiets des implications pour mon avenir. Bien que la communauté juive ne soit pas opposée à l'homosexualité, j'avais l'impression de pécher. J'avais entendu dire que certaines personnes réussissaient à devenir hétéro et je me suis dit que je pourrais faire pareil.
J'ai pris contact avec des rabbins très conservateurs et c'est ainsi que j'ai été initiée à la thérapie de conversion homosexuelle. J'ai arrêté la fac pendant un an et j'ai suivi des séances hebdomadaires avec un thérapeute qui coûtait une blinde. J'ai financé la thérapie avec l'argent gagné pendant l'été.
On a commencé par rechercher la "cause" de mon homosexualité. Ils ont mis en cause mon manque de confiance en moi, ma relation avec mes parents et un possible traumatisme de mon enfance. J'ai désespérément essayé de mettre le doigt sur les abus de mon passé. Je me disais que je les avais peut-être refoulés de mon esprit. Mais ça ne semblait pas être le cas. Quand ça n'a pas marché, ils sont passés à des arguments d'intimidation.
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Ils m'ont dit qu'être gay, ça se résumait au sexe et à la fête. On m'a fait croire que je ne réussirais jamais à avoir une relation amoureuse, à me marier et avoir des enfants.
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Ils m'ont dit qu'être gay, ça se résumait au sexe et à la fête. On m'a fait croire que je ne réussirais jamais à avoir une relation amoureuse, à me marier et avoir des enfants. Ensuite, ils m'ont dit que ça pouvait être le résultat de quelque chose que j'avais fait dans une vie antérieure, alors on a tenté une régression dans ma vie antérieure, une forme de méditation où on cherchait ce qui aurait pu me faire devenir lesbienne. Je ne voyais rien, alors j'inventais quand on me posait des questions à ce sujet. Bien sûr, ça n'a pas marché, alors j'ai commencé à me sentir frustrée.
Après un certain temps, j'ai fini par avouer à mon thérapeute que je ne lui faisais pas confiance. J'avais l'impression de me donner à fond et pourtant ça ne marchait pas. Je demandais même des exercices supplémentaires et je bloquais toute pensée qui allait à l'encontre de ce que j'apprenais, mais toujours pas de différence. Pour continuer, je lui ai demandé de me présenter quelqu'un qu'il avait réussi à soigner. Ça a pris six mois - en attendant, je devais continuer à payer mes séances. J'ai demandé à la fille qu'ils m'ont présentée si elle arrivait à embrasser ou avoir des relations sexuelles avec une personne du sexe opposé, ce à quoi elle a répondu non. Elle n'était clairement pas hétéro. C'est là que j'ai décidé d'arrêter la thérapie.
L'idée d'un test de Dieu est répandue dans tous les mouvements religieux qui tentent de dissuader les gens d'être homosexuels. Ils prétendent que la plupart des gens ne savent pas quel est le test de leur vie, mais que nous, on a la chance de le connaître. Arrêter la thérapie fait peur, car on n'a pas envie d'échouer. J'ai finalement réussi à m'en sortir, mais ça n'a pas été facile. M'efforcer de ne pas être gay à longueur de journée, tous les jours, c'était épuisant. Je pleurais tout le temps et mon père m'a suppliée d'arrêter.
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Depuis la thérapie, j'ai du mal à faire confiance, surtout aux personnes qui sont en position de pouvoir.
Judi, 56 ans
J'étais en troisième année de licence quand ma pote Stéphanie et moi nous sommes embrassées. Même si elle m'attirait, je ne réalisais pas que j'étais lesbienne à l'époque. Je n'avais pas de modèle gay et l'homosexualité n'était jamais mentionnée à l'église. Pour moi, s'embrasser n'avait rien de sexuel, mais une fois que notre relation a commencé à s'intensifier, je ne pouvais plus prétendre que nous étions juste amies. Je me sentais coupable et je ne pouvais en parler à personne, alors j'ai rompu.
Après Stéphanie, je suis sortie avec d'autres femmes, mais c'était toujours la même histoire : je sortais avec elles et ma foi se mettait en travers de notre relation. C'était horrible parce que j'aimais vraiment ces femmes, et elles n'arrivaient pas à comprendre pourquoi on devait rompre. Mais pour moi, être lesbienne voulait dire aller en enfer, donc ce n'était pas une option.
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Les intervenants insistaient sur le fait qu'être gay, c'était dans la tête, et donc, modifiable
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Un jour, quand j'ai commencé à me sentir coupable, la fille avec qui je sortais m'a convaincue de parler à un pasteur. Celui-ci m'a proposé de payer pour que je participe à un séminaire. La conférence était destinée à des personnes "sexuellement brisées", donc ça incluait les accro du sexe. Les intervenants insistaient sur le fait qu'être gay, c'était dans la tête, et donc, modifiable. À l'époque, je méprisais le fait d'être lesbienne, car je souffrais de rencontrer quelqu'un avec qui je crevais d'envie de sortir, sans pouvoir le faire.
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J'ai cherché des groupes d'ex-homosexuels dans ma région et j'en ai trouvé un qui proposait un programme d'hébergement pour hommes, des séances hebdomadaires de thérapie de groupe et des études bibliques pour ceux qui ne pouvaient pas ou ne voulaient pas participer au programme d'hébergement. Ce programme était très similaire à une cure de désintoxication. Ils insistaient sur le fait que les sentiments que nous éprouvions n'étaient pas naturels et qu'il s'agissait de pulsions semblables à celles d'une dépendance à l'alcool. Ils expliquaient que le fait d'être gay était le résultat d'expériences de vie négatives, comme le fait d'avoir été agressé sexuellement. Ou alors, de relations négatives avec des parents du même sexe. Comme j'avais une relation désastreuse avec ma mère, qui m'a maltraitée quand j'étais petite, je me suis convaincue que c'était la raison.
Je me suis efforcée de sortir de cet "état d'esprit" avec le groupe pendant près de trois ans et j'ai prié si fort pour ne plus être homosexuelle. Mais ça n'est jamais arrivé. La frustration a pris le dessus une fois que j'ai constaté que la conversion ne fonctionnait pas. J'ai réalisé que non seulement je ne pouvais pas sortir avec des femmes à cause de mes croyances, mais que je ne pouvais pas non plus sortir avec des hommes.
J'ai fini par réaliser que ce groupe était une arnaque et j'ai rejoint une église gay-positive, mais la route vers l'acceptation de ma sexualité n'a pas été simple. Pendant cette période, je me serais suicidée si mon désir de vivre n'était pas si fort. Ma famille a des antécédents familiaux très lourds de dépression et de suicide, et j'étais donc déterminée à ne pas continuer dans cette lignée. Je connaissais des personnes queer qui s'étaient suicidées, donc pour moi, la thérapie de conversion ce n'est pas seulement une question sociale, c'est une question de vie ou de mort.