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Ces Parisien·ne·s non-binaires & trans célèbrent le rituel de se préparer pour sortir

Photographie de Vincent Ferrane.
Raya
Il est fascinant de voir combien la façon dont nous décidons d'aménager notre espace peut en révéler sur nos personnalités. Le style de notre chambre, les photos que nous accrochons aux murs, les objets que nous mettons en valeur sur nos coiffeuses et nos bureaux. Ce qui est peut-être encore plus révélateur, c'est la façon dont nous intégrons nos routines dans ces espaces et les rituels personnels que nous y pratiquons. La façon dont nous passons une soirée, par exemple, ou le côté du lit sur lequel nous dormons, ou les choses que nous faisons avant de nous lancer à la découverte du monde. Pour le photographe français Vincent Ferrané, ce dernier rituel - l'acte de se préparer, devant le miroir, pour sortir de chez soi - est devenu le point central de sa nouvelle série, Every-day. Pendant un an et demi, il a passé du temps chez sept jeunes Parisien·ne·s - Ava, Jackie, Leo, Mathieu, Matthias, Maty et Raya - les photographiant alors qu'elles·ils défilaient devant leurs miroir, se maquillaient et se posaient des questions sur leurs choix vestimentaires. Le résultat est un brillant échantillon de l'expérience de se préparer, enveloppé de toute l'anticipation et de la magie de nous maquiller avant de nous aventurer dans le monde extérieur.
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Photographie de Vincent Ferrane.
Mathieu
Photographie de Vincent Ferrane.
Ava
Photographie de Vincent Ferrane.
Maty
Les sept sujets de Ferrané sont des personnes transgenres ou non-binaires, mais au-delà de leurs prénoms, Ferrané ne partage guère plus les détails sur leur vie, nous invitant plutôt à faire leur connaissance à travers leur propre vision d'elles·eux-mêmes. "Je crois qu'il y a encore beaucoup d'incompréhension ou d'aveuglement dans nos sociétés quant à la façon dont les notions de genre, de sexe et de sexualité sont concrètement articulées pour chacun", indique Ferrané. "Cette série rassemble des personnes transgenres - femmes et hommes trans - mais si certains peuvent être attachés à cette définition, d'autres, au contraire, se considéreront simplement comme hommes ou femmes, et puis il y a des personnes non-binaires pour lesquelles toute définition du genre est soit trop étroite, soit totalement hors de propos". Loin des codes binaires réducteurs, Ferrané se dit intéressé par les "extensions matérielles de l'identité" - les petites choses que les gens font ou dont ils s'entourent pour se sentir eux-mêmes.
Sur certaines photos, nous découvrons les petits gestes - la façon dont Raya applique son rouge à lèvres ou Maty met des boucles d'oreilles ou Jackie remonte les manches de sa chemise - tandis que d'autres révèlent des aspects plus personnelles de leur quotidien : le soin des cicatrices de mastectomie, le rembourrage des sous-vêtements. Ferrané prend soin de souligner que nous ne devons pas considérer ces moments comme des moments de vulnérabilité. "Je veux célébrer la fragilité, bien sûr, mais je veux aussi souligner la force et la détermination de l'esprit dont ces moments sont la preuve". Ce sont des personnes qui font des choix de vie positifs et qui les vivent, dit-il, et c'est très fort.
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Photographie de Vincent Ferrane.
Jackie
Photographie de Vincent Ferrane.
Leo
Photographie de Vincent Ferrane.
Jackie
Conjuguant la photographie documentaire et la photographie de mode, Ferrané utilise un flash direct dans toutes ses photos, leur conférant une unité avec un style sobre et percutant. "Les détails d'une pile d'objets et un regard intense dans le miroir ont la même importance", explique-t-il. L'utilisation d'une même lumière dans toutes les photos lui permet donc de traiter tous les sujets avec une sorte d'égalité. Il voulait trouver des moments auxquels tout le monde peut s'identifier et capturer des photos qui nous inciteraient à considérer les incarnations de nous-mêmes que nous projetons dans le monde. Ses sujets semblent complètement oublier sa présence.
Outre leur identité trans ou non-binaires, Ferrané nous dit que ces sept individus sont surtout liés par le fait qu'ils sont tous de jeunes adultes de la même génération vivant à Paris, évoluant dans le monde de la mode et de l'art. Si Ferrané connaissait certains de ses sujets avant ; il a rencontré les autres lors de la réalisation du projet. Il a entamé la série avec Mathieu, que l'on voit se raser soigneusement le visage et enfiler une superbe chemise en satin rouge et une couche d'ombre à paupières terracotta assortie. Ferrané a rencontré Mathieu lorsqu'il est venu du sud de la France à Paris pour défiler lors de la semaine de la mode. "J'ai trouvé intéressant de présenter une personne de cette génération - qui dépend beaucoup de sa popularité et des réseaux sociaux - d'une manière aussi intime". Parallèlement, il a photographié Jackie et Raya, qu'il décrit comme une étoile montante du monde de la mode et une "véritable personnalité des nuits parisiennes".
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Photographie de Vincent Ferrane.
Mathieu
Photographie de Vincent Ferrane.
Mathieu
Il a ensuite rencontré Ava et Leo, Matthias et Maty. Il évoque une image en particulier de Matthias enfilant un T-shirt rose, bras levés, révélant un petit tatouage en forme de cœur avec des ailes de chauve-souris au milieu de la poitrine. Derrière lui, un masque aux yeux creux et aux tresses rouge vif est accroché au mur. "Je connaissais déjà le travail de Matthias en tant que peintre avant de commencer ce projet", se souvient Ferrané. "Sa vision est entièrement sombre et sensuelle, et je trouvais cela fascinant". Son intérieur en était le reflet, dit-il, rempli de montagnes de vêtements, de bijoux et d'autres objets étranges. "Cette accumulation crée une atmosphère plus proche d'un temple, d'un sanctuaire que d'une décoration intérieure", médite-t-il. Sur une autre image de la maison d'Ava, on voit une série de photos de Photomaton accrochées au mur - un carnet de transition, explique Ferrané, tenu régulièrement et épinglé au mur. "C'est comme un récit personnel en action - une installation artistique à la maison", dit-il.
Photographie de Vincent Ferrane.
Matthias
Photographie de Vincent Ferrane.
Se préparer, seul·e ou en compagnie de quelqu'un, est un rituel sacré et être présent pendant que quelqu'un d'autre se prépare est une chose intime. C'est un privilège d'être témoin de ces tranches de vie d'une autre personne, dit Ferrané, en nous invitant à penser aux moments où nous nous asseyons sur le lit et regardions un parent, un frère ou une sœur plus âgé ou un ami se préparer. "Nous nous souvenons tous de ces moments de préparation", poursuit Ferrané, "qui sont tout autant une façon d'apprendre sur l'autre personne que d'apprendre d'elle".
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La façon dont nous nous voyons a changé cette année. Alors que nous ne regardions notre reflet dans le miroir que quelques fois par jour, nous passons de plus en plus de temps à contempler des images déformées de nous-mêmes sur les écrans et les appels visio lorsque nous nous connectons pour travailler ou pour garder le contact avec les personnes que nous aimons. Nous sortons moins et nous avons moins de raisons de nous habiller, ce qui rend les moments présentés sur les photos de Ferrané d'autant plus précieux et nostalgiques. "Les personnes qui figurent sur ces photos sont des individus, avec des histoires et des goûts uniques. On peut le comprendre par leurs gestes, leurs corps, les codes de beauté qu'elles·ils choisissent d'interpréter, le choix de leurs vêtements, les choses qu'elles·ils affichent sur leurs murs, le soin qu'elles·ils s'accordent... Tous ces éléments très personnels nourrissent le projet toujours fragile d'être soi-même", conclut Ferrané. Simple et superbement réalisée, sa série mêle le bonheur de se préparer à sortir à un message d'égalité puissant et poignant : l'individualité est belle et doit être célébrée à chaque instant.
Photographie de Vincent Ferrane.
Matthias
Photographie de Vincent Ferrane.
Raya
Photographie de Vincent Ferrane.
Ava
Photographie de Vincent Ferrane.

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