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Avec les femmes qui mènent le mouvement anti-MLM sur TikTok

Design par Anna Jay.
Nyah, une jeune femme de 19 ans, travaillait comme "consultante indépendante" pour une société de cosmétiques, vendant des produits à ses ami·e·s et à sa famille pour gagner un peu d'argent pendant ses études. Mais elle n'était plus très à l'aise dans ce rôle. En septembre dernier, elle parcourait TikTok lorsqu'une vidéo a attiré son attention. Cette dernière expliquait le peu d'argent que gagnaient les personnes faisant son travail, malgré les longues heures qu'elles y consacraient. Les craintes de Nyah se sont confirmées. Elle faisait partie d'un système de marketing multi-niveaux et elle voulait en sortir.
Bienvenue dans le mouvement anti-MLM de TikTok.
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Les sociétés de marketing multi-niveaux ou MLM (multi-level marketing) - parfois appelées marketing de réseau - comme celle pour laquelle Nyah travaillait, engagent des personnes pour vendre leurs produits (qu'elles doivent d'abord acheter) en échange d'une commission. Ces produits vont des soins de la peau au maquillage, en passant par des leggings et des boissons diététiques. Dans le même temps, les vendeu·r·se·s sont incité·e·s financièrement à recruter d'autres personnes pour faire le même travail. La plupart des sociétés de MLM réfutent l'affirmation selon laquelle il s'agirait de systèmes pyramidaux à peine déguisés (les MLM ont un produit à vendre alors que les systèmes pyramidaux sont davantage axés sur le recrutement), mais après avoir analysé les données relatives aux revenus de 350 sociétés principales de MLM, la Federal Trade Commission estime que seulement 1 % des membres de MLM quittent le système sans avoir subi de perte.
La vidéo sur laquelle Nyah est tombée est l'un des milliers de posts anti-MLM qui circulent sur TikTok. Hattie (@hattie.louise), une jeune femme de 23 ans originaire du Warwickshire en Angleterre qui a posté la vidéo, a accumulé 37 000 followers et plus d'un million de likes en créant ce type de contenu. L'objectif, selon Hattie, n'est pas de critiquer les personnes attirées par les MLM, mais de les sensibiliser aux modèles commerciaux "contraires à l'éthique" dont elles font partie. Sous les messages de recrutement enthousiastes ("Hey ! As-tu pensé à créer ta propre entreprise ?") se cache un monde plus sombre qui se nourrit de femmes vulnérables.
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Les MLM ont toujours été plus ou moins présents dans la vie de Charlotte (@charmunrox). À l'âge de 15 ans, elle souffrait de boulimie. À peu près à la même époque, un MLM de plus en plus populaire faisait la promotion d'un jus qui promettait de faire perdre du poids aux acheteu·r·se·s. Lorsque Charlotte a repris le poids qu'elle avait perdu à cause de ses troubles alimentaires, elle a été inondée de messages essayant de lui vendre le jus. "J'en ai eu le souffle coupé", dit-elle. "Je suis passée de 38 kg à 76 kg, et ensuite j'avais des gens qui me demandaient si je voulais perdre du poids". 
Le secteur MLM semble être en plein essor pendant la pandémie. Dans une enquête menée par la Direct Selling Association aux États-Unis, 64 % des entreprises de MLM ont déclaré que la crise avait eu un "impact positif sur leurs revenus". Au Royaume-Uni, Avon (généralement jugée moins controversée que ses homologues avides de réseaux sociaux) a signalé une augmentation de 53 % des inscriptions de représentants commerciaux au cours des huit premiers mois de 2020. En France, aujourd'hui, plus d'un million de personnes travailleraient dans le secteur du marketing multi-niveaux et le pays se placerait à la seconde place en Europe, après l'Allemagne.
"Les MLM ont été comme une épidémie en soi", a déclaré Hattie. "Ils s'attaquent aux personnes à faible revenu et aux personnes qui ont été licenciées". Un grand nombre des membres de marketing multi-niveaux sont des femmes, qui ont été touchées de manière disproportionnée par la pandémie. Parallèlement, les fermetures d'écoles obligent les parents à s'occuper des enfants à plein temps, une charge qui pèse généralement sur les mères. Face à cette situation, la flexibilité du travail et l'argent facile promis par les MLM sont de plus en plus attrayants.
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Heather (@heather.elise.rainbow), une étudiante californienne de 20 ans, a commencé à créer des TikToks anti-MLM au début de la pandémie en réponse à cette tendance. L'algorithme de la plateforme l'a aidée à atteindre des personnes qui n'auraient peut-être pas cherché ce type de contenus. "Sur YouTube", explique Heather, "vous devez rechercher le contenu que vous voulez regarder. Sur TikTok, il suffit de scroller et des vidéos sur n'importe quel sujet dans le monde peuvent apparaître". Heather a maintenant 116 000 followers sur TikTok.
Jamie (@jamie.shannon), coach en acting en Alabama, faisait partie d'un MLM lorsqu'elle a vu les vidéos d'Heather. "J'étais choquée", dit-elle, "je faisais partie de ce système et je me suis dit que je devais vite en sortir". Aujourd'hui, Jamie s'exprime également contre ces organisations sur les réseaux sociaux.
Ni Hattie ni Heather n'ont jamais fait partie d'un MLM, mais elles ont toutes deux constaté leurs effets sur leurs ami·e·s et leur famille. Après avoir fait quelques recherches, elles ont été consternées par le peu de personnes qui en profitent réellement. Elles sont maintenant devenues des alliées de confiance auxquelles les anciens membres de MLM peuvent s'adresser.
Dans l'une des vidéos de Hattie, elle partage le message d'une étudiante infirmière qui a rejoint un MLM en avril 2020. Cette femme venait de tomber enceinte. Elle raconte à Hattie qu'elle a d'abord payé 85 £ (98 €) pour un kit de base et qu'elle a dépensé 700 £ (804 €) supplémentaires pour gravir les échelons de l'organisation. Elle a gagné 154 £ (177 €). Au milieu de tout cela, elle a été emmenée d'urgence à l'hôpital pour une hémorragie. En racontant l'histoire, Hattie utilise la fonction fond vert de TikTok pour montrer le message de cette femme. Pendant qu'elle était à l'hôpital, lit Hattie, "elle a été harcelée par [son manager]" qui "essayait de la convaincre de vendre" pendant qu'elle était hospitalisée. La femme a perdu son bébé et on lui a ensuite diagnostiqué un syndrome de stress post-traumatique.
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Les MLM trouvent leurs racines dans les marques Avon et Tupperware, qui étaient à l'origine présentées comme un moyen pour les femmes au foyer d'acquérir une indépendance financière en devenant une dame Avon ou en faisant des démonstrations de vente en direct lors des soirées Tupperware. Le secteur a évolué à l'ère d'Instagram et les réseaux sociaux sont devenus un élément essentiel de la croissance des MLM modernes. Valentus, la société à l'origine du café SlimRoast, encourage ses représentants à "poster systématiquement au moins deux fois par jour", à "envoyer cinq demandes d'amis par jour" et leur conseille que "la messagerie privée sera votre meilleur outil".
Alors que Facebook et Instagram regorgent de vendeu·r·se·s de MLM, TikTok prend des mesures pour les empêcher de s'infiltrer sur sa plateforme. L'entreprise a interdit la publicité pour les MLM en décembre 2020. Cependant, les utilisat·eur·rice·s sont sceptiques quant à la mesure dans laquelle cette mesure est réellement appliquée. "J'ai déjà signalé des contenus et TikTok m'a répondu qu'ils ne violaient pas leurs directives, même si je sais qu'ils le font", a déclaré Hattie. Néanmoins, elle décrit la répression comme un "énorme pas en avant". TikTok a déclaré à R29 : "Nous nous engageons à promouvoir un environnement sûr sur TikTok et nos règles communautaires expliquent ce qui est autorisé ou non sur notre plateforme. Nous n'autorisons pas les contenus qui sont destinés à tromper les gens dans le but d'obtenir un avantage financier ou personnel illégal, notamment les manœuvres visant à escroquer des personnes ou à voler des biens".
Tant que du contenu MLM existera sur ces plateformes, la communauté anti-MLM continuera de se battre. "C'est triste", a déclaré Heather, "parce que les femmes traversent suffisamment d'épreuves. Nous avons suffisamment de difficultés à essayer de gagner autant d'argent que les hommes et à nous battre pour l'égalité que nous méritons. Nous n'avons pas besoin que d'autres entreprises sans éthique essaient de nous priver de cela".

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