Ah, les joies d’être une femme évoluant dans le monde du travail : les inégalités salariales, le dress-code sexiste…
Cette semaine, ce sont les femmes japonaises qui protestent contre les décrets des entreprises qui interdisent (uniquement aux femmes, et non aux hommes, hein) le port de lunettes sur le lieu de travail.
Lors d'une émission diffusée mercredi sur la chaîne japonaise Nippon TV, les employeurs ont cité les « raisons » pour lesquelles les politiques anti-lunettes étaient nécessaires sur le lieu de travail. Dans certains points de vente au détail, les gérants affirment que les lunettes donnent une « impression de froideur » aux vendeuses ; les gérants de compagnies aériennes affirment que le port de lunettes peut réduire l’acuité visuelle des employés, ce qui pose un problème de sécurité ; les restaurateurs suggèrent que celles-ci sont détonnent avec les tenues traditionnelles, comme les kimonos, que les employé·e·s doivent porter au travail.
L'interdiction de porter des lunettes a eu l'effet d'une poudrière pour les femmes d'un bout à l'autre du pays, car cela montre à quel point les règles qui dictent ce que les femmes sont autorisées à porter — mais pas les hommes — constituent une forme de discrimination au travail. Un hashtag Twitter, #メガネ禁止 (qui se traduit par « les lunettes sont interdites ») a inspiré des milliers de tweets en solidarité avec les femmes japonaises qui doivent se conformer à ce qu'elles appellent des normes de beauté dépassées et oppressantes. Mais ce n'est là que l'exemple le plus récent d'un mouvement grandissant qui s'oppose aux politiques sexistes en matière de code vestimentaire dans le pays.
« Banri Yanagi, une vendeuse âgée de 40 ans qui vit à Tokyo, a déclaré au Japan Times que l'accent est souvent mis sur l'apparence des jeunes femmes et sur l'injonction à la féminité. « C'est quand même curieux de permettre aux hommes de porter des lunettes mais pas aux femmes. »
L'interdiction des lunettes n'est pas la première politique de code vestimentaire à susciter l'indignation au Japon ces derniers mois. En juin, plus de 20 000 femmes ont signé une pétition en ligne pour protester contre l'attente sociale quasi ostentatoire selon laquelle les femmes devraient porter des talons hauts au travail. Ce mouvement a pris de la vitesse sous le hashtag #KuToo - un jeu sur le mouvement #MeToo basé aux États-Unis et les mots japonais pour chaussure, « kutsu », et douleur, « kutsū ».
« Si le port de lunettes est un véritable problème au travail, il devrait être interdit à tous, hommes et femmes », a-t-elle déclaré. « Ce problème avec les lunettes est exactement le même que celui des talons hauts. C'est une règle qui n'est applicable qu'aux femmes. »
Si la réponse du gouvernement japonais à la pétition #KuToo est un indicateur du succès des futures pétitions, les femmes préoccupées par leur droit à porter des lunettes au travail ne devraient pas se faire d'illusions. Après que les manifestants eurent soumis leurs signatures au gouvernement au printemps dernier, Takumi Nemoto, alors ministre de la Santé, du Travail et du Bien-être social, a déclaré qu'il ne voyait aucun problème à ce que les femmes soient obligées de porter des talons hauts pour travailler, ce qu'il a qualifié de « généralement accepté par la société ».
La controverse autour des lunettes (l'une des nombreuses luttes pour l'égalité des sexes au Japon) est similaire à un autre incident qui a récemment provoqué des protestations dans la région : En 2018, la présentatrice sud-coréenne Lim Hyeon-ju est devenue la première femme présentatrice sur une grande chaîne du pays à porter une paire de lunettes sur une chaine nationale.
Lim, qui présente les infos de l'émission matinale de MBC « MBC News Today », a déclaré à l'agence coréenne Yonhap News à l'époque que les lunettes lui facilitaient le travail, car elle avait les yeux secs et fatigués de porter constamment des lentilles de contact et des faux-cils.
Bien qu'il puisse s'avérer difficile de changer à court terme les attitudes culturelles de longue date à l'égard de la beauté et de la représentation, en restant unies, les femmes japonaises peuvent contribuer à miner l'idée que ces attitudes devraient rester incontestées ou inattaquables.